Exposition sur le Moyen Âge à Pierrefonds, l'antre gothique de la fête impériale

Le Moyen Âge fantasmé, la fête impériale sublimée : "Armures, hénnins et crinolines", une exposition de costumes de scènes d'opéras et de ballets ne pouvait trouver meilleur décor que Pierrefonds, gigantesque château fort réinventé par Eugène Viollet-le-Duc pour Napoléon III.

Avec le partenariat du Centre national du costume de scène, installé à Moulins - dont Martine Kahane, l'un des deux commissaires de l'exposition, fut la directrice -, sont présentées une trentaine de tenues, portées par les interprètes dans des œuvres ayant pour cadre les temps médiévaux ou impériaux.

Tels les costumes de châtelaines et bourgeoises réalisés en 1994 sur des croquis de Robert Edmond Jones dans les ateliers du Palais Garnier pour le ballet Till L'Espiègle, sur une musique de Richard Strauss et une chorégraphie de Diaghilev. Ou encore ceux, dessinés par Daniel Ogier, du Château de Barbe-Bleue, opéra de Bela Bartok joué au Grand Théâtre de Bordeaux en 1993.

Exposition "Armures, hénnins et crinolines" de costumes de scènes d'opéras et de ballets au château de Pierrefonds le 21 avril.
Photo : AFP/VNA/CVN

Tout est dans la stylisation allusive et l'onirique, avec l'exagération des hennins, coiffes souvent en pointe, et des manches dans le premier cas, ou des collerettes d'inspiration gothique dans le second. Il ne s'agit pas ici du réalisme historique, de la reconstitution méticuleuse et savante de la mode du temps, mais d'un langage scénique facile à décrypter par tous les spectateurs.

Plus récents, les costumes conçus par Franca Squarciapino du "roi d'Ys", opéra d'Edouard Lalo au répertoire du Capitole de Toulouse en 2007, relèvent plutôt de la science-fiction.

Quant aux crinolines, dues à Bernard Daydé, pour l'opérette de Johann Strauss Chauve souris, représentée à l'opéra de Paris en 1987, elles sont exposées dans l'immense salle des Preuses, où figure à la place centrale une statue de l'impératrice Eugénie en dame médiévale. Ces cages à cerceaux avec un treillis métallique qui ont remplacé les nombreux jupons portés jusqu'au milieu du XIXe siècle, avaient des dimensions parfois aussi extravagantes que celles des hennins du XVe siècle, note l'autre commissaire de l'exposition, Noëlle Giret.

Enluminures ou parc d'attraction

Avec ces costumes parfois extravagants, Pierrefonds n'est pas à une fantaisie près. Alexandre Dumas, avec son imagination débordante, en fit le château de Porthos, l'un de ses mousquetaires.

La citadelle a servi à une scène des Visiteurs II, et pendant quelques années la BBC y tourna les épisodes de sa série "Merlin".

Vue du château de Pierrefonds le 21 avri
Photo : AFP/VNA/CVN

La masse écrasante du vaisseau de pierre et de ses hautes tours semble sortir d'authentiques enluminures des Riches heures du duc de Berry, et en même temps préfigurer le castel de Disneyland.

Démantelée en 1616, la forteresse édifiée par Louis d'Orléans en 1393 avait des restes encore impressionnants par leur dimension quand elle devint l'une des ruines favorites des romantiques au début du XIXe siècle.

Un quart de siècle plus tard, le couple impérial, qui venait chaque hiver à Compiègne tout proche, de l'autre côté de la forêt, projeta de faire de Pierrefonds sa résidence dans un Moyen-Age de rêve.

Confié à Viollet-le-Duc, le chantier colossal continua après la chute du Second Empire en 1870 puis la propre mort de l'architecte en 1879, pour n'être que partiellement achevé en 1884 par son gendre, Maurice Oradou.

"Dans certaines pièces, on voit la peinture s'arrêter là où devaient être des boiseries", fait remarquer l'administratrice du château, Eva Grangier. Comme dans un chantier en suspens, sur un mur s'étale un nuancier de peinture de la main du grand architecte, qui se voulait aussi théoricien, décorateur et ensemblier et dont certains meubles annoncent l'Art Nouveau.

Même si le donjon fut reconstruit dans la perspective d'y installer les appartements impériaux, personne n'y habita jamais.

L'entreprise avait permis au moins au "maître", dont le bicentenaire de la naissance a été célébré en 2014, de se livrer à un exercice de style, sans certaines des contraintes rencontrées sur les chantiers de Carcassonne ou des cathédrales d'Amiens et de Paris.

À l'occasion de cette exposition qui se tient jusqu'au 18 octobre, les quelque 150.000 visiteurs qui découvrent chaque année le château, pourront découvrir deux grandes salles du donjon nouvellement restaurées, et le deuxième étage, habituellement inaccessible.

AFP/VNA/CVN

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