Export et numérique, planches de salut pour les matelassiers français

Cap sur l'export et le numérique: c'est la stratégie des deux principaux fabricants de matelas en France, pour moins dépendre d'un marché français de la literie en net ralentissement et éviter d'être ringardisés par les nouveaux acteurs en ligne.

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Un employé sur une chaine de production de matelas français Epeda dans l'usine Cofel à Criquebeuf-sur-Seine près de Rouen, le 23 mai.
Photo: AFP/VNA/CVN

À Criquebeuf-sur-Seine (Eure), le groupe Cofel tient sa vitrine industrielle avec son usine de matelas Epeda inaugurée en 2016, mariant technologies inspirées de la production automobile et savoir-faire de la couture.

Suivant une bande magnétique au sol, des palettes autonomes "filoguidées" transportent des matelas entre deux étapes de fabrication. Dans les entrepôts, c'est un ballet mécanique de transtockeurs automatisés ou "girafes", hissant les matelas dans des racks jusqu'à une dizaine de mètres de hauteur.

Mais tout au long du processus de fabrication, du "cœur" du matelas composé de mousse, latex et ressorts à son "plateau" garni de matières synthétiques ou naturelles, les humains ne sont jamais loin.

Il y a les "piqueurs" et les "surjeteurs", surveillant les arabesques tracées par les aiguilles de machines à coudre géantes, tandis que les "ganseurs" ont la tâche la plus délicate de l'atelier: coudre la fine bande du tour du matelas, sa jointure la plus visible.

"Si la couture de la bande est ratée, le matelas entier est envoyé au rebut", explique Laurence Amouroux, la chargée de relation clientèle du site.

Essoufflement du marché en 2018

Des employés au travail dans l'usine de fabricatin de matelas Epeda à Criquebeuf-sur-Seine, près de Rouen, le 23 mai.

Cette recherche de qualité n'a pas empêché Cofel (marques Epeda, Bultex et Merinos) de voir ses ventes continuer de décliner l'an dernier à 215 millions d'euros (-1%).

Chez son grand concurrent tricolore Adova (ex-Cauval), qui fabrique les matelas Dunlopillo, Simmons et Treca, le chiffre d'affaires a stagné l'an dernier à près de 200 millions d'euros, hors Grande-Bretagne où il produit une autre marque, Sleepeezee.

Car le marché français de la literie s'est stabilisé en 2018, à 1,3 milliard d'euros, après une croissance quasi ininterrompue depuis 15 ans, selon le dernier baromètre annuel de l'Institut de prospective et d'études de l'ameublement (Ipea).

"L'essoufflement est dû à moins de créations d'espaces de vente et à une accentuation des taux de remise" par les distributeurs, analyse Christophe Gazel, le directeur général de l'Ipea.

Le paysage de la literie est aussi bouleversé depuis quelques années par le phénomène des matelas compressés, vendus en ligne par des start-up telles que l'américaine Casper, la britannique Eve ou la française Tediber.

"Ces gars du web ringardisent les professionnels qui avaient complexifié le discours sur la literie", et leurs offres d'essai pendant 100 nuits avec livraison et reprise gratuites sont "super tentantes", estime M. Gazel.

Mais "au mieux ils font 5-6% du marché" et "ils perdent tous de l'argent, car ils ont entre 15% et 22% de retours en moyenne", assure-t-il.

Les industriels prennent néanmoins cette menace au sérieux. Tant Cofel qu'Adova confient avoir des projets de vente directe en ligne, sur des produits spécifiques pour ne pas concurrencer frontalement leurs distributeurs.

L'export, potentiel relais de croissance

Les deux groupes se sont aussi restructurés face à la concurrence croissante des marques propres des distributeurs, qui tendent à s'approvisionner moins cher en Europe du Sud et de l'Est.

Cofel (900 salariés) vient de fermer une usine en Haute-Loire, impliquant 80 licenciements. Adova (1.300 personnes aujourd'hui) s'est séparé l'an dernier de 190 salariés, dont 50 seront toutefois réembauchés dans deux usines ultra-modernes en construction dans les Yvelines et dans l'Aube.

Leur objectif est d'aller davantage vers l'export, qui représentait en 2017 seulement 9% de la production tricolore de matelas, selon la fédération de l'Ameublement.

Repris en 2016 par le fonds Perceva, Adova veut tripler son chiffre d'affaires à l'international d'ici à 2023, en développant Treca et Sleepeezee en Chine, en vendant ses autres marques ailleurs en Europe et en ouvrant une filiale commerciale aux États-Unis, rappelle son président Jacques Schaffnit.

Détenu à 50-50 par le matelassier espagnol Pikolin et le groupe sud-africain Steinhoff (propriétaire de Conforama), Cofel tente de faire davantage connaître Epeda à l'international. Un petit contrat avec un distributeur en Arabie saoudite vient par exemple d'être signé.

Mais développer l'export "va prendre beaucoup de temps", reconnaît le patron de Cofel, Luis Flaquer. Le groupe ne peut notamment plus compter sur le soutien à l'international que lui avait fait miroiter Steinhoff, désormais en grande difficulté financière.


AFP/VNA/CVN

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