État d'urgence sur l'Ocean Viking, en proie à des troubles sécuritaires

Bagarres, tentatives de suicide, menaces physiques envers l'équipage : la tension est devenue telle, à bord de l'Ocean Viking, que le navire humanitaire qui a recueilli 180 migrants en Méditerranée s'est déclaré vendredi 3 juillet en "état d'urgence", une première.

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Des membres d'équipage participent au secours de deux migrants qui se sont jetés à l'eau depuis l'Ocean Viking, le 2 juillet 2020 en Méditerranée.
Photo : AFP/VNA/CVN

Après les deux hommes qui se sont jetés par-dessus bord dans un geste désespéré la veille, la journée de vendredi 3 juillet a commencé avant la distribution du petit-déjeuner par une tentative de suicide par pendaison, suivie d'une bagarre impliquant plusieurs des migrants secourus par le navire de SOS Méditerranée lors de quatre opérations distinctes, les 25 et 30 juin.

Depuis, "la situation à bord s'est détériorée au point que la sécurité des 180 rescapés et de l'équipage ne puisse plus être garantie", a expliqué SOS Méditerranée, qui affrète le bateau-ambulance à bord duquel un journaliste de l'AFP est embarqué et pour lequel l'ONG réclame un débarquement "immédiat".

Étant donné la "tension extrême" qui y règne, l'Ocean Viking s'est donc déclaré "en état d'urgence, une première" pour un bateau de SOS Méditerranée, dont les opérations de secours en mer depuis 4 ans et demi avaient commencé avec l'Aquarius, a expliqué à l'AFP Laurence Bondard, porte-parole.

Sur le pont du bateau, les journées se partagent depuis 48 heures entre moments de calme, lorsque la plupart des personnes rescapées restent pour beaucoup dans les conteneurs qui leur servent d'abri contre une chaleur accablante, en pleine mer, et des coups de sang d'une partie d'entre eux.

Depuis jeudi 2 juillet, plusieurs bagarres ont éclaté, principalement entre groupes ethniques, et six tentatives de suicide ont été recensées.

Le pont est désormais divisé en plusieurs groupes : une majorité de migrants, environ 130, qui patientent dans le calme en attendant de pouvoir rejoindre les rives de l'Europe après avoir fui la Libye ; une minorité agitée, pour laquelle SOS Méditerranée a demandé dans l'après-midi une évacuation médicale pour raison de "détresse psychologique aiguë", 44 Tunisiens, Marocains et Égyptiens ; entre ces deux groupes, l'équipe de l'ONG, en combinaison orange, qui a dû doubler ses effectifs sur le pont pour des raisons de sécurité.

Un membre des opérations de secours (droite) s'entretient avec des migrants, dont deux se sont jetés à l'eau depuis le navire humanitaire Ocean Viking, le 2 juillet 2020 en Méditerranée.

"Pas en sécurité"

À certains moments, toute l'équipe est même mobilisée pour calmer les esprits. Mais depuis vendredi 3 juillet, c'est aussi l'équipage qui est visé par ces menaces - parfois de mort -, émanant d'un même groupe.

Bloqués depuis plus d'une semaine en mer, certains migrants ont développé une paranoïa, explique SOS Méditerranée, pensant notamment que l'ONG, de mèche avec les autorités italiennes, gagnerait chaque jour un peu plus d'argent si elle les gardait à bord.

"Je ne me sens pas en sécurité, il faut qu'on trouve un port maintenant, c'est une question de sûreté", explique Ludovic, un des marins-sauveteurs déjà présent du temps de l'Aquarius, résumant le sentiment général de l'équipe.

Cela fait une semaine que le navire a effectué sa première demande d'attribution d'un port pour débarquer ces personnes, mais après sept requêtes en autant de jours auprès des autorités italiennes et maltaises - l'un des sauvetages a été effectué à cheval sur les eaux dépendant de ces deux pays, tandis que les trois autres l'ont été dans celles de Malte, l'Ocean Viking a reçu une réponse négative des deux pays.

Dans l'immédiat, concernant la demande d'évacuation médicale, l'Italie a proposé... le numéro de téléphone d'une psychologue, a déploré SOS Méditerranée, pour qui la situation actuelle est la "conséquence directe d'un blocage long et inutile en mer".

"Je suis choqué par la réponse des Italiens. Cela fait presque cinq ans que l'on fait ça (les sauvetages) et on n'a jamais rien vu de tel, en terme de violence. On parle d'une situation très inquiétante, il pourrait y avoir des morts. On a besoin d'aide", réclame Nicholas Romaniuk, le responsable des opérations de secours à bord.

"C'est Malte qui nous a alerté et nous a donné la position de l'un des bateaux en détresse et maintenant ils ne décrochent pas le téléphone. Il n'y a aucune raison pour ces personnes de rester à bord, ni légale ni morale. Le droit maritime international est clair, ils doivent débarquer le plus rapidement possible dans un port sûr", insiste-t-il.

Dans l'après-midi, l'Ocean Viking est allé se positionner au large de la Sicile. Et attend un signal pour débarquer.


AFP/VNA/CVN

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