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Des officiers de l'Armée suisse en formation à Bière (Ouest) le 22 mars. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Un vent glacial souffle ce dimanche matin 22 mars sur la place d'armes de la caserne de Bière, à quelques kilomètres du Lac Léman dans le Jura suisse. Hommes et femmes du "bataillon Hôpital 2" s'aguerrissent aux techniques de lutte sanitaire, avant de partir en mission de soutien dans le pays, pour certains dès la soirée. Dans un hangar, une quinzaine de militaires, certains portant des masques, apprennent les gestes simples de brancardier, comment allonger un patient sur un lit, comment le relever, etc. Sur une table près des instructeurs, des flacons de gel hydroalcoolique, des masques, des gants.
S'il évoque sa "fierté" de s'engager pour son pays, le sergent Romain Berset, 28 ans, reconnaît aussi "un peu d'inquiétude" d'avoir dû déserter son poste d'infirmier à la ville en pleine pandémie. "C'était toute une question, en tout cas pour moi, de voir comment je pouvais être remplacé", explique-t-il à l'AFPTV.
Jours "critiques"
La Suisse a passé samedi 21 mars la barre des 7.000 cas d'infection au COVID-19, dont 60 morts (37 dans le seul canton du Tessin, frontalier de l'Italie), selon les derniers chiffres publiés dimanche par l'Office fédéral de la santé publique.
"La situation est grave (...). Les jours qui viennent vont être critiques pour le système de soins", a prévenu dimanche 22 mars lors d'une conférence de presse le directeur général de la Santé du canton de Genève, Adrien Bron. Afin de soulager les hôpitaux sous tension, l'Armée a annoncé qu'elle pourrait mobiliser jusqu'à 8.000 militaires dans les 26 cantons de la Confédération helvétique, petit État de 8,5 millions d'habitants au cœur du massif alpin.
Gabrielle Ramseier, ambulancière de 24 ans, est venue former les soldats. Elle était de garde quand elle a reçu sa convocation. "Je ne m'y attendais pas donc il a fallu aller rechercher le matériel, préparer le paquetage dans un délai assez court, préparer aussi toute l'organisation familiale. Je n'ai pas d'enfants donc ma tâche était facilitée de ce point de vue là mais il y avait quand même beaucoup de choses à préparer", explique-t-elle.
Deux militaires de l'Armée suisse enfilent un masque de protection lors d'une formation à Bière (Ouest) le 22 mars. |
Dans un second hangar, des réservistes – appelés miliciens en Suisse – suivent un cours sur l'utilisation des ambulances militaires et leur désinfection, tandis que d'autres s'entraînent à enfiler des tenues de protection intégrales.
Dernière fois "en 1939"
Considérée comme l'un des piliers fondateurs de la Nation, l'Armée suisse est organisée comme une milice. Ses effectifs, répartis entre Armée de terre et forces aériennes, ont été profondément revus à la baisse, de 625.000 en 1961 à environ 100.000 actuellement. Encadrés par quelques milliers de professionnels, les conscrits effectuent un service de quatre mois minimum avant d'être appelés tous les ans à participer à des sessions de trois semaines d'entraînement.
"C'est la première fois que l'Armée de milice est dans une mobilisation réelle. La dernière fois c'était en 1939", explique le lieutenant-colonel Raoul Barca, qui commande le bataillon stationné à Bière et constitué d'environ 750 soldats. Dans un des hangars d'entraînement, un espace "détente" a été aménagé pour leur permettre de consulter leur ordinateur ou téléphone portable. "Les militaires sont confinés, on ne sait pas pour combien de temps ils sont séparés de leurs familles, de leurs enfants. C'est indispensable de pouvoir garder le contact social", justifie le lieutenant-colonel Barca.
Le dernier engagement de l'Armée suisse dans un contexte de crise sanitaire remonte à la canicule de 2015. Les troupes avaient alors été requises pour approvisionner en eau le bétail en pâturage dans les montagnes. Ces dernières années, des débats ont régulièrement agité le pays sur la pertinence de conserver une importante armée de conscription, jugée par certains coûteuse et inutile, alors que la plupart de ses voisins européens ont professionnalisé la leur.
"Je ne rentre pas dans cette polémique", avertit Raoul Barca. "L'Armée suisse a toujours répondu présente quand on lui a demandé, que ce soit pour des engagements d'appui comme actuellement ou l'appui lors de différentes conférences internationales comme le Forum économique mondial" tenu chaque année dans la station alpine de Davos.
AFP/VNA/CVN