L’institution de la Communauté économique de l’ASEAN (AEC) sera une véritable révolution pour tous les acteurs économiques de la région. Toutefois, pour en retirer tous les avantages, le gouvernement comme les entreprises vietnamiennes doivent disposer d’une stratégie et prendre des mesures adéquates pour une pleine intégration à la région.
Le 31 décembre 2015 à minuit, la plupart des biens circulant au sein de l’ASEAN seront dispensés de taxes. |
La «libéralisation AEC» a, de fait, bénéficié de la phase précédente, celle de la mise en place de l’AFTA. En effet, 99,11% des tarifs douaniers au sein de l’ASEAN 6 (les six pays les plus développés de l’ASEAN, à savoir Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Singapour, Brunei et Philippines), ont été supprimés fin 2010, et au sein de l’ASEAN 4 (Cambodge, Laos, Vietnam, Myanmar), 98,6% des tarifs l’ont été ou été ramenés à 5% au plus. Une libéralisation tarifaire totale aux alentours de 2015 est donc en bonne voie.
Pour atteindre l’objectif de l’AEC, l’ASEAN devra relever collectivement plusieurs défis: passer d’une économie de revenu moyen à une économie pleinement développée, parvenir à une intégration géographique - interconnectivité des réseaux d’infrastructures de communications, industrielle mais aussi sociale, améliorer sa résilience aux conséquences de crises économiques ou de désastres naturels, assurer la pérennité de son tissu économique, devenir un acteur majeur au cœur d’une Asie émergente en termes de puissance économique régionale dans le monde, sur la base de nombreuses entreprises moyennes fortement compétitives dans leur secteur d’activité.
Avantages et challenge pour le Vietnam
L’AEC est un marché qui intégrera l’ensemble des économies de l’Asie du Sud-Est, un vaste marché commun de près de 600 millions de personnes et d’un PIB de 2.200 milliards de dollars. La circulation des biens, des personnes comme des capitaux étant libre, les produits et prestations des entreprises vietnamiennes connaîtront une amélioration significative de leur compétitivité devant leurs concurrents de Chine, du Japon, d’Inde, d’Australie et d’Union européenne, donnant un nouvel essor à l’économie vietnamienne. La règle valant pour tous les membres de la communauté, la consommation domestique augmentera également, de même que l’afflux des capitaux étrangers, de l’AEC mais aussi des pays extérieurs qui souhaitent profiter de ce marché commun.
Les avantages de l’AEC pour les pays membre de l’ASEAN comprennent, entre autres, la croissance plus soutenue, la création d’emplois, l’augmentation de l’investissement direct étranger... |
Le Vietnam s’est déjà préparé pour exploiter pleinement ce futur marché commun qui a vocation à devenir à terme un marché unique, plus particulièrement depuis son entrée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui lui a permis de réformer de nombreuses institutions, d’améliorer son environnement d’investissement et d’affaires, ainsi que d’améliorer ses capacités d’administration publique. La tâche n’est pas encore achevée, le gouvernement accélérant actuellement la conduite des réformes et des programmes de restructuration afin d’être fin prêt, d’ici un an et demi environ, à l’apparition de l’AEC.
Le Vietnam possède la deuxième population de l’Asie du Sud-Est et bénéficie de nombreux atouts pour développer pleinement son économie. À ce titre, il ambitionne d’être l’un des acteurs majeurs de l’AEC. Dans ce cadre, le Vietnam aura d’immenses opportunités de croissance de son commerce extérieur, d’attraction de davantage de capitaux étrangers et d’augmentation ses investissements dans la région. En d’autres termes, l’AEC lui permettra, sinon d’accélérer, tout au moins de soutenir la croissance de son économie, de diminuer les risques d’instabilité de cette dernière en étant intégrée à une économie régionale, ainsi que d’améliorer sa compétitivité prix.
Il y a toutefois de nombreux challenges pour exploiter les potentiels de l’AEC, notamment sur le plan institutionnel, des infrastructures et de ressources humaines qualifiées. En prévision, le Vietnam applique un train de mesures sur le long terme et devra en pendre d’autres encore d’ici 2015 et au-delà. Il s’agit en premier lieu d’exploiter les potentiels en matière d’exportation, d’investissement et d’envoi de personnel au sein de l’AEC. Puis, à une échéance de 10 à 15 ans, d’autres seront prises pour assurer des relations étroites et durables entre les pays de la communauté.
Les entreprises vietnamiennes devront veiller tout particulièrement à améliorer leur compétitivité lorsque les barrières tarifaires seront tombées après 2015. Un des problèmes les plus préoccupants, c’est que les milieux d’affaires vietnamiens ne sont pas encore prêts à exploiter toutes les opportunités que représente l’AEC. Pour se préparer, elles doivent améliorer leurs capacités de production ainsi que la qualité de leurs produits et de leurs services... Par ailleurs, les autorités doivent élaborer des politiques adéquates de soutien de ses entreprises pour saisir les opportunités et surmonter les challenges qui résulteront de la naissance de l’AEC.
Nouvel environnement économique
Certes, l’un des trois «piliers» de l’AEC est l’économie, c’est-à-dire le commerce, les services et l’investissement, mais la création de l’AEC ne se résume pas seulement à cette dimension économique. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, le Vietnam considère de plus en plus l’ASEAN depuis l’an 2000 pour son rôle croissant.
L’instauration de l’AEC fin 2015 permettra d’abord au Vietnam de renforcer sa position et son prestige au sein du forum qu’est l’ASEAN, en sa qualité de membre. Mais cette communauté sera aussi un outil privilégié de son intégration au monde en modifiant fondamentalement le statut du Vietnam en matière de coopération. En effet, de pays bénéficiaire de coopération internationale ou étrangère, il deviendra l’auteur de telles initiatives au niveau de la région. Et, en ce domaine, l’ASEAN aura besoin de pionniers dès après 2015, et le Vietnam sera l’un d’eux. En outre, la Communauté de l’ASEAN, en tant qu’entité propre, bénéficiera à plus ou moins moyen terme de l’assistance financière des bailleurs internationaux dans le cadre du soutien de son développement socioéconomique, et le Vietnam en bénéficiera indirectement.
L’AEC offre de belles perspectives, mais les challenges à relever sont de taille. |
Cela dit, comment les entreprises nationales se préparent-elles pour tirer le meilleur de l’AEC, un marché de 600 millions de personnes ? Une question essentielle car cette communauté est une immense opportunité pour les entreprises vietnamiennes. Une perspective bien comprise depuis quelques années par celles-ci qui se préparent à l’arrivée de cet événement historique.
De l’avis de Nguyên Duc Thanh, directeur du Centre de recherche économique et politique, les entreprises domestiques doivent se montrer plus actives dans la recherche des opportunités qu’offrira ce marché en vue de définir une stratégie de croissance effective. «Le Vietnam est dans une position favorable pour la coopération entre l’ASEAN et l’Asie du Nord-Est, laquelle sera renforcée une fois tombées les barrières au commerce et aux capitaux. Il est donc essentiel que les entreprises élaborent des produits spécifiques et compétitifs», déclare-t-il.
L’AEC offre de belles perspectives, mais les challenges à relever sont de taille, explique Trân Thanh Hai, directeur adjoint du Département de l’import-export (ministère de l’Industrie et du Commerce). Si elles veulent bénéficier des avantages fiscaux de l’AEC, les entreprises locales devront satisfaire plusieurs critères, à commencer par celui de l’origine des produits. «Au moins 40% des matières premières du produit fini à exporter devront provenir des pays aséaniens. La baisse des droits de douanes ne leur profitera pas si les entreprises ne répondent pas à cette norme. Au surplus, les entreprises devront faire attention aux barrières non tarifaires que les pays importateurs pourraient imposer à fin de protectionnisme déguisé, ou à l’exploitation de certains principes, comme la lutte anti-dumping par exemple, dans un but identique».
Enfin, se préparer à ce grand défi, c’est aussi développer des ressources humaines qualifiées, mieux recourir au marketing produit, davantage connaître les goûts du consommateur aséanien, ou encore établir un partenariat avec les distributeurs du pays importateur.
Thê Linh/CVN