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À peine la célébration du millénaire de la capitale terminée, on a vu émerger les prémices de ceux qui devaient être des figures de proue du dynamisme du Vietnam.
Ma curiosité fût éveillée quand j’ai commencé à voir tomber des maisons du côté du fleuve Rouge en même temps que du côté de l'aéroport de Nôi Bài, à Hanoi. Sauf à imaginer que la vétusté des habitations soit la cause d'une épidémie de destruction massive, il y avait fort à parier que ces éradications urbaines visaient à dégager la voie à de nouvelles constructions.
Quand les pelleteuses ont commencé à charcuter les sols, que les palissades ont caché aux communs des mortels l’alchimie bétonnière, que les rues étaient déviées, il n’y eu plus de doute: l'ouvrage d'art allait bientôt émerger. Et, comme on assiste à l’éclosion et à la croissance d’une plante, j’ai été le témoin de l'apparition du pont à hauban le plus moderne du Vietnam et de l'aérogare en verre et acier qui fait entrer l’aéroport de Nôi Bài à Hanoi, dans la cour des grands. Au fil des mois et des années, les deux ouvrages ont pris forme, l’un rapprochant l’autre de la capitale pour le plus grand bonheur des voyageurs…
Le nouveau pont Nhât Tân, à Hanoi. |
Photo : Huy Hùng/VNA/CVN |
Pont aérien
En ce matin de Janvier, je m’apprête à faire un séjour de deux semaines en France. Avant de partir, je veux parcourir en moto le nouveau pont Nhât Tân, ouvert depuis moins d’une semaine. À vrai dire ce ne sera pas la première fois que mes roues en caresseront le revêtement…
Lors de la trêve du jour de l’An occidental, trois jours avant son inauguration officielle, je m’y étais hasardé en suivant le long ruban de macadam flambant neuf qui y conduisait. Je m'étais heurté à une fin de non-recevoir de la part de blocs en béton disposé en épis sur la chaussée, qui m’en interdisaient l’accès. Mais ayant repéré nombre de motocyclistes qui manifestement se gobergeaient de l’obstacle, j’avais suivi le mouvement, en escaladant un terre-plein, tirant, hissant mon engin pour le plaisir de quelques centaines de mètres en territoire vierge, avec le sentiment d'être "l’Indiana Jones" du macadam !
Ce jour-là, il faisait presque chaud et j’en avais sué ! Mais, alors que le pont m'ouvre grand ses haubans, le temps ne joue plus la même partition : la matinée est froide, glaciale même ! Un vent coulis tente de se faufiler sous la visière de mon casque et, dans son impuissance à vaincre la muraille de ma veste polaire et de mes gants de cuir, il hurle sa fureur en sifflant à mes oreilles. Derrière moi, je sens le poids du corps de mon épouse qui, heureuse de m’accompagner dans cette première, a bien vite déchanté face aux assauts de la bise d'hiver. Profitant de la protection que lui offre mon gabarit, elle se blottit le plus possible contre mon dos, ne laissant émerger que le strict nécessaire pour profiter du panorama qui se déroule devant elle.
La route est large, et j’ai l’impression de me trouver sur une des grandes autoroutes dont n'est pas avare mon pays natal. L’impression seulement car, si moderne est ce majestueux pont qui enjambe le fleuve Rouge en déployant ses haubans comme deux gigantesques ailes qui semblent le porter dans le ciel, étrange en est la circulation sur son dos de bitume. Enfin, plutôt qu'étrange, je devrais dire, extraordinairement vietnamienne.
Ainsi, la voie réservée aux motos semble être davantage dédiée aux voitures dont les conducteurs arrêtés au petit bonheur la chance immortalisent la vue dans leurs téléphones à tout faire, plutôt qu’à sécuriser la circulation des deux-roues.
D'ailleurs, pour ce qui est de la sécurité, en voici un que ça ne préoccupe pas, puisqu'il roule à contre-sens, sans aucun remords, utilisant son klaxon pour défendre les prérogatives qu’il s’est auto-accordées. Même insouciance de la part de ce gamin en vélo électrique qui coupe la voie rapide en zigzaguant entre les voitures filant à vive allure, plutôt que d’aller chercher la prochaine sortie 8 km plus loin.
En ce qui me concerne, je laisse ces intrépides transformer le nouveau pont en terrain de skate-board et, une fois achevée la traversée, je profite de la première occasion pour m’en extraire par une route buissonnière, qui suit le fleuve pour rejoindre la ville. Le contraste est saisissant : finit le doux velouté du revêtement lisse qui susurre sous les roues, la route retrouve ses "ô gà" et ses "ô voi" qui font tressauter la direction et frémir les épaules. Si nous claquons des dents, ce n’est plus de froid, et j’ai intérêt à négocier ces énormes trous dans la chaussée sous peine de magnifique soleil par une journée sans !
Huit kilomètres de douceur routière et vingt de brutalités plus tard, nous rejoignons notre maison.
Port aérien
Quelques heures plus tard, valise bouclée, je suis de retour sur le pont. En admirant les haubans illuminés dans la nuit hanoienne, j’écoute le chauffeur me faire l’article : belle route, plus rapide, moins dangereuse… Et c’est vrai que cette fois-ci, le temps m'a paru incroyablement plus court que d’habitude pour relier Hanoi à l’aéroport.
L’aéroport ! Cette fois-ci, le taxi ne me dépose plus à celui que j’ai toujours connu, et dans lequel j'avais fini par prendre mes habitudes. Il s’arrête devant un vaisseau de verre habillé de lumière. Là encore, quand je pénètre dans l’aérogare, fraîchement ouvert, j’ai une impression de déjà vu. J’y retrouve cette atmosphère feutrée des grands aéroports internationaux, au contraire de l’ambiance joyeusement insouciante et familiale de l’ancien aéroport.
La nouvelle aérogare de Nôi Bài, à Hanoi. |
Photo : Trong Dat/VNA/CVN |
J’ai à peine le temps de marquer l’arrêt pour une vue panoramique de l'endroit, afin de me repérer, qu’un jeune policier vient vers moi pour me demander si j’ai besoin d'aide. Comme à l'habitude, parlant à un étranger, il s’adresse à moi en anglais, et comme à l’habitude, je le reprends aimablement pour qu’il me parle en vietnamien. Du coup, la discussion s’engage et le policier devient guide. Il me pilote dans l’aérogare en m'en en décrivant par le menu les avantages et, parfait cicérone, il me conduit jusqu'à mon guichet d’enregistrement.
Cette cordialité, je vais la retrouver tout le long de mon parcours d’impétrant au voyage aérien : au contrôle des personnes, au contrôle des bagages, à l’accueil en salle d’embarquement. Dire que l'on est aux petits soins pour moi est un euphémisme. À compenser la froideur impersonnelle de coursives aux devantures borgnes, dans l’attente de la création des boutiques et des restaurants. Mais Paris ne s’est pas fait en un jour, et l’aérogare moderne de Hanoi non plus…
En attendant, par la grâce de ma fidélité à la compagnie aérienne nationale, je jouis des charmes du salon VIP, flambant neuf. Bon, c'est vrai que je ne peux pas profiter de l’un des trois fauteuils de massage qui vont avoir fort à faire pour satisfaire des centaines de clients dans les mois à venir. C’est vrai aussi que je peste un peu contre les concepteurs qui ont opté pour des tables basses avec de larges fauteuils club, bien pratiques pour se relaxer, beaucoup moins pour travailler avec un ordinateur, et qui m’oblige à écrire cet article, dos courbé et genoux dans le nez…
Mais qu’importe, je souhaite à ces nouveaux venus le même destin que le bon vin : se bonifier en prenant de l’âge !
Gérard BONNAFONT/CVN