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Un débris de barre de fourneau par-ci, un fragment de cale de moule à sel par là: aux abords du village de Marsal, entre vergers et pâturages bucoliques, les déchets en terre cuite des anciens ateliers de sel de l'âge du Fer affleurent toujours, rougeâtres, en surface.
Des archéologues exhument des restes humains dans un ancien silo à grain, près d'une mine de sel celte, à Marsal, en Moselle, le 14 août 2014 |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Les ateliers s'étendaient sur 10 km le long de la Seille, en discontinu. Les accumulations de déchets de production forment des sortes de terrils dans le sol, jusqu'à 12 mètres de hauteur", explique Laurent Olivier, conservateur en chef du patrimoine en charge du département d'archéologie celtique et gauloise au Musée d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.
Le volume total de ces déchets, appelés "briquetage", est estimé à environ 3,5 millions de mètres cube, "soit une fois et demi la pyramide de Khéops", souligne M. Olivier, qui dirige des fouilles à Marsal depuis 2001.
La production se faisait à une échelle "quasi industrielle" dans la vallée, avec des milliers de tonnes de sel par an aux VIe et Ve siècles avant JC, puis entre 10.000 et 20.000 tonnes à l'époque gauloise, grâce à des techniques améliorées, selon l'archéologue. Entre 2.000 et 5.000 personnes y travaillaient en permanence, évalue-t-il.
Le site est "un formidable livre ouvert" sur la société celte, mais aussi sur les conséquences environnementales d'une surexploitation industrielle, selon lui. Car le déboisement massif pour chauffer les fourneaux et l'accumulation des déchets dans la Seille ont engendré une forte érosion, rendant la zone marécageuse, peut-être dès l'époque romaine.
Secrets de squelettes
L'exposition "L'or blanc des Celtes" au musée départemental du Sel de Marsal, qui a vocation à devenir permanente, présente une centaine d'objets retrouvés dans ces poubelles de la protohistoire, ainsi que des prêts de musées d'Allemagne et de Hallstatt, en Autriche, célèbre pour sa mine de sel de l'époque celtique.
Dans la vallée de la Seille, le sel provenait de sources d'eau saline. La saumure était portée à saturation, puis chauffée. Le voile de sel obtenu était versé dans des moules, des pots en terre poreuse, chauffés à leur tour pour former des pains à sel.
De remarquables témoignages de cette activité ont été retrouvés: les restes d'un baquet à saumure en bois, un bout de corde tressée, des fragments d'une louche. Quelques bijoux aussi ont été retrouvés. Des parures féminines, comme un bracelet en bronze et un anneau en roche noire, mais aussi des objets venus de loin: de l'or, de l'ambre de la Baltique, des branches de corail de la Méditerranée, ou encore une délicate fibule grecque de Sicile...
"Celui qui possédait le sel, indispensable à la conservation de la nourriture, était comme le roi du pétrole" et pouvait échanger sa production contre des produits exotiques et luxueux, rappelle Laurent Olivier.
Mais tous les sauniers n'étaient pas fortunés. La découverte l'été dernier à Marsal de huit squelettes humains du IVe siècle avant JC, entassés sans cérémonie "comme des bêtes crevées", semble attester de l'existence d'une "caste" inférieure, affirme M. Olivier, même si d'autres scientifiques penchent pour une interprétation rituelle de ces dépôts de corps dans des silos à grains, déjà observés sur d'autres sites celtiques.
AFP/VNA/CVN