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Des poteries sèchent au soleil à Gharyan, au sud-ouest de la capitale Tripoli, en Libye, le 5 février. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Sur l'une des principales avenues de la cité surnommée par les Libyens "capitale de la poterie", les pittoresques étals spécialisés s'enchaînent. Plats, cruches, pichets, tajines, pots à fleurs émaillés et ornés de dessins traditionnels peints finement à la main... Les échoppes exposent aussi des centaines de gargoulettes et articles en terre cuite, destinés à stocker l'huile d'olive locale ou à rafraîchir l'eau en été.
Mais les temps sont durs : si la poterie fut longtemps florissante dans cette modeste ville de 160.000 âmes, nichée aux portes d'un massif montagneux, elle fait aujourd'hui face à une pénurie de main-d'œuvre, une hausse des prix des matières premières, une commercialisation en dents de scie et une concurrence de plus en plus rude.
Muayyad al-Shabani n'est pas artisan et rien ne le prédestinait à travailler dans la poterie. Son diplôme universitaire de physique en poche, cet entrepreneur de 35 ans a affronté la morosité du marché national de l'emploi avant de se lancer il y a quatre ans - un peu par hasard - dans la vente en ligne d'articles de poterie, fabriqués dans un atelier qu'il a ouvert à Ghariane.
"Importés de Chine"
Les commandes se font directement sur des pages Facebook et Instagram dédiées, animées par une dizaine de personnes, de la vente à la mise en emballage jusqu'à l'expédition. Des machines d'emballages sur lesquelles a investi le jeune entrepreneur permettent de s'assurer que les produits arrivent intacts chez leurs destinataires.
Son objectif ? Se faire une place dans un marché sans frontières et résister à la concurrence des produits "importés de Chine, de Turquie et des pays voisins", comme il le confie. Ce père de deux enfants sait néanmoins qu'il part avec un sérieux désavantage compétitif par rapport aux pays voisins qui jouissent d'un climat politique plus stable et qui ont pris de l'avance. Le développement de la poterie dans sa ville s'est arrêté "dans les années 80", ne parvenant pas à "suivre le rythme" de la modernisation observé ailleurs, souligne-t-il.
Un potier dans un atelier à Gharyan, au sud-ouest de la capitale Tripoli, en Libye, le 5 février. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Mais dans ce pays en proie au chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, les défis sont de taille : outre des écueils logistiques, la réglementation des changes est très protectionniste, le système bancaire archaïque. Le paiement se fait en Europe. L'argent est ensuite retiré et remis au commerçant "par des gens qui se rendent à Tripoli". Le transport maritime "prend beaucoup de temps". Malgré tout, Muayyad al-Shabani arrive à expédier ses produits "en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Canada et aux États-Unis" et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin.
"Prendre le relais"
Ali Al-Zarqani, propriétaire d'un atelier voisin, aimerait lui aussi franchir le pas de la vente en ligne mais il n'est pas encore outillé pour s'y lancer. "Ce n'est pas un luxe mais une nécessité", reconnaît-il pourtant, en espérant voir "la nouvelle génération prendre le relais" pour sauvegarder cet "artisanat qui exprime notre identité et notre lien à notre terre".
M. Zarqani se rend chaque jour dans son atelier niché à l'arrière des stands pour modeler et décorer ses pièces. Les mains plongées dans la terre, cernée par des murs de brique, cet homme de 47 ans répète les mêmes gestes depuis 25 ans, perpétuant un savoir-faire transmis par son père.
La terre ocre puisée dans le massif du Djebel Nefoussa est broyée et tamisée avant d'être transformée en glaise puis malaxée pour la rendre plus facile à travailler. Les poteries sont formées sur le tour ou dans des moules et doivent sécher à l'air libre entre 6 et 12 heures selon leur taille. Les pièces, une fois décorées avec des pigments naturels, sont cuites à plus de 1.000°C dans des fours électriques venus remplacer les fours traditionnels en terre alimentés au bois.
AFP/VNA/CVN