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Vue aérienne depuis la Jordanie de la mer Morte, où le niveau des eaux baisse fortement en raison de la sécheresse, le 20 avril. |
Le cultivateur marche sur une terre craquelée et maculée de taches blanchâtres dues aux remontées de sel. Accablé, il balaie du regard ses tomates, pas plus grosses que des billes, desséchées avant d'avoir muri. "Regardez comment la terre a soif. Tout ce que j'ai planté sur mes 50 dounams (cinq hectares) est mort. S'il y avait eu de l'eau, cette tomate aurait eu la grosseur de mon poing", lâche le métayer pakistanais de 25 ans.
Né en Jordanie de parents arrivés dans le pays en 1976 - comme quelque 3.200 Pakistanais ayant emménagé dans le royaume à partir des années 1960 -, Ahmad loue son champ à des propriétaires jordaniens à Ghor al-Haditha, au sud de la mer Morte. Dans cette région située à 80 km au sud d'Amman, la terre est riche et les fermes maraîchères nombreuses. Mais aujourd'hui, c'est l'affliction. "Nous souffrons habituellement de pénurie d'eau, mais cette année, c'est bien pire. Quand elle arrive, le débit est trop faible pour arroser nos cultures ou remplir nos réservoirs", explique M. Daoud.
Chute des précipitations
La saison des pluies, qui s'étend d'octobre à fin avril, a été très faible cette année. Les précipitations se sont élevées à 4,5 milliards de m3, affirme Omar Salameh, directeur de la communication au ministère de l'Eau et de l'Irrigation, soit 60% seulement du volume qui arrose d'habitude le pays. "La situation est critique", résume-t-il.
Selon les experts, la Jordanie connait une des plus graves sécheresses de son histoire et le pire est à venir. Les précipitations pourraient chuter de quasiment un tiers d'ici 2100, tandis que la température moyenne augmenterait de quelque 4,5 degrés. Dans une ferme proche de celle de M. Daoud, Ibrahim Dgheimat, accablé par la chaleur, désespère. "Normalement, je cultive sur mes 90 dounams des poivrons, des tomates, des aubergines, des courgettes et des choux. Mais cette année, les deux tiers de ma récolte ont été détruits par le manque d'eau", assure cet agriculteur de 43 ans.
Une Jordanienne dans un champ à Ghor al-Haditha au sud d'Amman, le 20 avril. |
"Mes pertes s'élèvent à plus de 30.000 dinars (environ 35.800 euros). Je n'ai pas de quoi payer ces ouvrières", ajoute-t-il en regardant huit femmes ramasser des haricots verts. D'autant que les prix ont chuté en raison de la pandémie. Les exportations de fruits et légumes ont baissé de 20% en 2020 avec la fermeture des frontières alors que les hôtels et les restaurants travaillent au ralenti. "Ce sont cinq mois d'efforts qui vont partir en fumée, je m'apprête à brûler la récolte pour préparer celle de l'an prochain", déplore M. Daoud.
Manque d'eau potable
Au-delà de l'irrigation des cultures, la sécheresse pourrait réduire l'accès des Jordaniens à l'eau potable. "La part annuelle d'eau par habitant est passée de 3.400 m3 en 1946 à moins de 100 m3 aujourd'hui, en raison de la baisse des précipitations, du réchauffement climatique, de la croissance démographique et des afflux successifs de réfugiés", affirme M. Salameh, ce qui fait de la Jordanie un des pays les plus pauvres en eau du monde.
Tout usage compris (eau potable ou non), la Jordanie a besoin d'environ 1,3 milliard de m3 d'eau par an, mais les quantités disponibles tournent autour de 850 à 900 millions de m3. Cette année, les réserves des trois barrages d'eau potable, ont atteint un seuil critique de 41 millions de m3, soit un tiers de leur capacité normale. En outre, la consommation d'eau potable dans les foyers a augmenté de 10% depuis la pandémie car beaucoup travaillent chez eux et les cours se font à la maison.
Le pays pourrait donc manquer de 40 millions de m3 pour subvenir à ses besoins et M. Salameh a donc appelé les habitants à "rationner leur consommation". Aux termes de l'accord de paix de 1994, Israël fournit gratuitement au royaume 55 millions de m3 d'eau tous les ans, selon Amman. Cette année, la Jordanie a demandé à son voisin de lui fournir un surplus de huit millions de m3. L’Etat hébreu n'a finalement accepté de lui en vendre que trois millions supplémentaires.
Pour combler le déficit, la Jordanie va devoir pomper dans les nappes phréatiques, affirme M. Salameh. Et surtout tenter d'empêcher le sabotage des canalisations, une pratique courante pour s'approvisionner gratuitement en eau.
AFP/VNA/CVN