En Égypte, comment se financer en faisant la fête

Sur la scène, une danseuse ondule au son d’un orchestre pendant que des convives versent des billets dans une cagnotte. En Égypte, où la crise pèse sur les flux financiers, certains s’emploient à récolter des fonds... en faisant la fête.

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Une danseuse du ventre se produit lors d’un mariage dans le gouvernorat de Qalyubiya, au nord du Caire.
Photo : AFP/VNA/CVN

Micro en main, le maître de cérémonie de la soirée, Hassan el-Agami, gardien des comptes, annonce qu’un des invités vient de faire don de 5.000 livres égyptiennes (260 euros). Une belle contribution.

Des dizaines de fêtes ont lieu chaque semaine, généralement le jeudi soir - dernier jour de la semaine en Égypte. Les participants versent en moyenne entre 250 et 2.500 livres à chaque fois (entre 13 et 130 euros). Un système de financement coopératif destiné à aider les Égyptiens, en plein marasme économique, à trouver des fonds ailleurs que dans les banques.

Ce soir-là, l’argent n’est pas destiné à la jeune fille qui fête son anniversaire. Il ira dans un pot commun dont chaque donateur profite, un jour, à tour de rôle: «chaque participant paie un montant spécifique jusqu’à ce que son tour vienne (de récolter la mise). Il organise alors sa fête et récupère les fonds», explique M. el-Agami.

Chacun paie en fonction de ses revenus. Et contrairement aux pots communs ordinaires, les participants ne se connaissent pas.

Il incombe aux maîtres de cérémonie d’attirer des contributeurs, en déterminant le calendrier et la liste des invités. Les mariages, anniversaires et autres fêtes en l’honneur d’une naissance deviennent ainsi des prétextes et des points de rencontre en vue d’un financement participatif. L’idée est d’attirer le plus grand nombre de contributeurs possible.

Si une fête coûte autour de 50.000 livres égyptiennes (2.600 euros), la personne qui collecte les fonds peut réunir jusqu’à 200.000 livres (10.400 euros), selon M. el-Agami.

«S’entraider»

Dans la petite ville d’Abou el-Gheit, à environ 35 kilomètres au nord du Caire, la fête est organisée ce soir-là par le père de la jeune fille. Occupé à surveiller la collecte, il n’a pas souhaité s’exprimer auprès de l’AFP.

Sous une tente colorée dressée dans un champ, les centaines d’invités éclairés par des kyrielles d’ampoules nagent dans un brouillard de fumée, au milieu des odeurs enivrantes des narguilés et du tabac.

Des hommes égyptiens assistent à un mariage dans le gouvernorat égyptien de Qalyubiya, au nord du Caire.

La plupart des hommes portent la longue tunique traditionnelle des Égyptiens. La fête se poursuit jusque tard dans la nuit, tandis que plusieurs jeunes femmes se produisent sur la scène avec la tenue très légère des danseuses du ventre, malgré le froid.

Magdy Ragab, la trentaine, est venu apporter sa contribution. «Je vais continuer de payer pour une année ou plus jusqu’à ce que j’organise ma fête», affirme ce boucher de profession, qui pense utiliser l’argent pour acheter un pick-up ou bien ouvrir un commerce.

Pendant que les assistants de M.el-Agami comptent les fonds versés, notent les noms des participants et la somme payée, des plateaux de fruits, des cigarettes, des narguilés et des bouteilles de bière sont mis à disposition des convives.

«Plus rapide que la banque»

Les soirées comme celle-ci se sont multipliées en Égypte ces dernières années face à la détérioration des conditions économiques, nourrie par l’instabilité politique depuis la révolte de 2011.

Dans le pays le plus peuplé du monde arabe, la chute des réserves en dollars, le ralentissement de l’activité économique, l’inflation galopante se sont traduits par des pénuries de sucre, de lait infantile ou encore de médicaments.

Dans ces conditions, le système de cagnotte est l’un des «mécanismes de base du financement coopératif», explique l’analyste économique Wael Gamal. «Quand les gens ne font plus confiance aux banques, ou quand les emprunts coûtent cher, ils optent pour des solutions coopératives pour s’entraider.»

Dans une autre fête à Shama, dans le delta du Nil à environ 70 kilomètres au nord du Caire, Walid Abou Sarah, commerçant grossiste, a organisé le mariage de son frère après avoir été contributeur pendant des mois.

L’événement éclipse la présence des mariés, assis sur le côté de la scène, ignorés par la plupart des convives.

«Aujourd’hui, la joie est multipliée par deux : ma fête de levée de fonds et le mariage de mon frère», s’enthousiasme M. Abou Sarah.

Pour l’un des invités, Haitham Fawwaz, 27 ans, «investir dans ce système de cagnotte, c’est plus rapide et c’est mieux que d’aller à la banque». Le premier créneau disponible pour sa propre fête est en septembre prochain. C’est à ce moment-là qu’il organisera le mariage de son neveu.


AFP/VNA/CVN

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