COVID-19
En Bulgarie, cancre de la vaccination, le fléau de la désinformation

C'est bientôt l'heure du déjeuner et dans un centre de vaccination de Sofia, les allées sont quasi désertes, alors que certains visiteurs hésitent encore. Les doses ne manquent pas mais la désinformation règne en Bulgarie, de loin la moins immunisée de l'UE.

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Une infirmière attend dans un centre de vaccination à Sofia, le 6 août en Bulgarie.
Photo : AFP/VNA/CVN

À l'aube d'une quatrième vague de COVID-19, seuls 15% des 6,9 millions d'habitants sont complètement vaccinés, à comparer à une moyenne européenne de 53,3%, selon un comptage de l'AFP basé sur des données officielles. Dans les rues de la capitale, un retraité explique "ne pas faire confiance à des vaccins" développés à la hâte, tandis qu'un charpentier, l'œil rieur, confie préfèrer miser sur les vertus de la "rakia" (eau-de-vie).

"Je pense que tout cela est une invention pour répandre la panique", tranche Gueorgui Dragoev, un ouvrier de construction de 45 ans, tout en cassant la croûte sur un banc. "Et si jamais le virus existe, je réussirai à le vaincre".

Bras "magnétique"

Depuis le début de la campagne en Europe, "nous sommes invariablement les derniers", déplorait récemment le ministre de la Santé, Stoytcho Katsarov, pointant des Bulgares trop "réceptifs aux théories du complot". Les autorités se retrouvent même obligées de détruire des milliers de doses, ou d'en donner à d'autres pays, de la Bosnie au Bhoutan. L'AFP, qui a mis en place mi-mars en Bulgarie une unité de vérification numérique, a depuis lors consacré la moitié de ses articles au coronavirus.

Des vidéos censées montrer que les vaccins contiennent des puces rendant le bras "magnétique" ont ainsi été partagées des milliers de fois sur Facebook. D'autres internautes pointent de dangereux effets secondaires ou encore brandissent une prétendue mobilisation massive contre le pass sanitaire français, en détournant des images de la foule fêtant la victoire de la France au Mondial de football en 2018.

Ces "fake news" circulent dans le monde entier, mais dans ce pays d'Europe orientale, elles s'y propagent comme une traînée de poudre.

Dans un centre de vaccination dans la capitale bulgare Sofia, le 6 août.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Pas une décision facile"

Les journalistes et les experts "portent une responsabilité particulière dans la défiance à l'égard du vaccin", estime l'analyste. "Les médias donnent la parole à des spécialistes" peu compétents sur le sujet ou qui défendent des thèses controversées. Et ce "au nom du pluralisme", mais en réalité, "ils mettent les gens en danger", s'insurge-t-elle.

Il faut dire que certains d'entre eux occupent des positions prestigieuses comme Atanas Mangarov, qui dirige l'unité COVID-19 au sein de l'Hôpital des maladies infectieuses de Sofia mais s'est discrédité au fil de la crise, en rejetant le port du masque, les vaccins et en prônant repos et tisanes contre le virus. Katerina Nikolova, venue recevoir sa seconde dose de Pfizer, raconte s'être sentie "déboussolée face aux opinions contradictoires à la télévision". "Ce n'était pas une décision facile", souffle-t-elle.

Au milieu de cette "confusion", les citoyens répugnent à chercher la vérité du côté des autorités, dont ils "se méfient", ajoute Parvan Simeonov, analyste de l'Institut Gallup. Le faible taux d'immunisation s'explique aussi par "un nombre élevé de contaminations", dit-il. Les anciens malades "repoussent l'injection" à plus tard, comme préconisé par les médecins. Des études estiment en effet que 2,5 millions de personnes ont pu contracter le virus, soit bien plus que les chiffres officiels d'infections (quelque 430.000 cas). Dans ce pays le plus pauvre de l'UE, peu sont prêts à se soumettre à des tests souvent onéreux.

Ici pas de pass sanitaire, pas de mesures de confinement. Selon M. Simeonov, les Bulgares ne changeront d'attitude que si "la peur" grandit face au COVID-19, qui a tué près de 18.300 personnes depuis l'émergence de la pandémie, soit l'un des taux de mortalité les plus élevés d'Europe.


AFP/VNA/CVN

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