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La colline boisée surplombant le village de Visoko, près de Sarajevo, le 24 octobre en Bosnie. |
Pareille à tant d'autres, la colline boisée qui domine le village de Visoko, près de Sarajevo, n'est absolument pas une pyramide, disent depuis longtemps les archéologues. Quant à ses "tunnels énergétiques", ils proviennent d'une ancienne mine d'or.
Mais Semir Osmanagic, homme d'affaires et explorateur autoproclamé qui s'est passionné pour les civilisations anciennes, n'en a cure.
Veste en cuir et chapeau à la Indiana Jones, il fait le guide, reçoit les médias et répond inlassablement à ses détracteurs qui l'accusent d'être un "charlatan ordinaire".
Il raconte à l'AFP avoir eu le déclic en 2005 en se rendant à Visoko pour visiter le musée d'histoire de cette ancienne capitale médiévale. "J'ai vu cette colline recouverte de sapins et de végétation, ses faces parfaitement orientées vers les points cardinaux".
"Il était pour moi évident que ce n'était pas une colline naturelle mais une construction" réalisée par une civilisation "technologiquement supérieure", poursuit le sexagénaire qui fut entrepreneur aux États-Unis.
À l'en croire, elle n'a rien à envier à la grande pyramide de Gizeh, merveille de l'Égypte antique : "haute de 220 mètres, contre une hauteur initiale de 146 mètres pour celle de Khéops, c'est la plus grande et plus ancienne pyramide du monde", sur un site qui en compte pas moins de six au total, affirme-t-il.
Marketing gracieux
Dès 2006, les scientifiques internationaux avaient émis les plus grands doutes sur la plausibilité de ses dires.
Dans une lettre aux autorités bosniennes, des archéologues européens avaient dénoncé le "soutien" accordé à un "canular cruel" qui "n'a pas sa place dans la science authentique".
Mais cela ne l'a pas empêché de mener sur la colline ce qu'il a appelé des "fouilles archéologiques" avec des centaines de volontaires venus de l'étranger.
Il achète un terrain proche, y déblaie des galeries souterraines et crée sa "Fondation de la pyramide bosnienne du soleil".
Aujourd'hui, chaque année, s'y pressent des milliers de personnes venues surtout des Balkans, malgré un coût relativement élevé, cinq marks bosniens (2,5 euros) pour la "pyramide", cinq autres marks pour les "tunnels énergétiques", tarif multiplié par quatre pour les étrangers.
Quand il s'y est rendu en juillet puis octobre pour se ressourcer, le Serbe Novak Djokovic, numéro un du tennis mondial, a relancé l'emballement pour ce site, affecté comme d'autres par la pandémie du coronavirus.
"Le début de la saison a été catastrophique, mais depuis que Djokovic est passé par ici, c'est le bonheur", se félicite Nermin Alihodzic, 47 ans, qui vend aux chalands des morceaux de quartz, minéral répandu dans la région, et des mini pyramides multicolores.
Le tennisman avait expliqué à l'AFP s'être senti "régénéré" par sa visite. "Je sais qu'il y a beaucoup de doutes, de dilemmes sur l'authenticité" du lieu mais "afin de comprendre entièrement ce qui se passe ici (...) il faut venir".
Malgré la brume et le froid d'une journée automnale, les visiteurs affluent dans les galeries et sur les flancs de la colline, où on leur explique que les formations rocheuses qu'on trouve en surface sont des blocs taillés artificiellement.
"Sans garanties"
Dzenana Halepovic, 67 ans, balaie tout doute sur les propriétés du lieu qu'elle fréquente assidûment. Dans les tunnels, "je me sens bien, je respire bien, je me sens légère. J'ai tout simplement l'impression d'y recevoir de l'énergie".
Tout s'explique, selon Semir Osmanagic, par "l'onde électromagnétique constante de 28 kHz" détectée par des "experts" au sommet de la "pyramide" et une "concentration moyenne de 35.000 d'ions négatifs par centimètre cube" dans les tunnels.
Là, "notre organisme n'a pas d'ennemis", assène le maître des lieux, qui juge par ailleurs que la pandémie est un "complot" et refuse de porter le masque tout comme nombre de visiteurs.
Il cite des exemples de guérisons miraculeuses de gens souffrant d'hypertension, de diabète ou même de cancer. Tout juste prévient-il : "notre fondation ne soigne pas, nous ne donnons pas de garanties".
Dans ce pays où le système de soins est défaillant, encore plus durant la pandémie, l'endroit se transforme en ruche chaque weekend.
Emina Kavaz, 53 ans, raconte à l'AFP avoir cessé, après six mois de visites régulières, de prendre une thérapie constituée "de cinq ou six médicaments" pour son asthme bronchique.
"Je venais chaque samedi passer dans les tunnels entre 40 et 60 minutes. Le prix de cinq marks est insignifiant par rapport au résultat obtenu", assure-t-elle.
Enver Imamovic, professeur émérite à l'Université de Sarajevo s'insurge.
"Tout ce qu'on raconte sur les +pyramides+ est absolument inacceptable", dit l'archéologue. Les blocs de pierres sur la colline sont des "formations géologiques" naturelles, poursuit-il. De même, les galeries appartenaient à une "ancienne mine d'or de l'époque romaine".
AFP/VNA/CVN