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Les glaciologues Andrea Fischer (gauche) et Violeta Lauria, de l'Académie autrichienne des sciences, marchent sur le glacier Jamtal près de Galtür, en Autriche, le 20 juillet. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Au fil du réchauffement climatique, "nos archives disparaissent", s'inquiète la scientifique Andrea Fischer, tout en examinant à ses pieds la glace qui, à certains endroits, se mêle à la terre, donnant au paysage un aspect grisâtre.
Depuis plus de 20 ans, Mme Fischer scrute à la loupe Jamtal et d'autres glaciers de la région montagneuse du Tyrol.
Dans ces capsules temporelles uniques, permettant de remonter à des milliers d'années, elle et son équipe prélèvent régulièrement des carottes de glace.
Ils peuvent ensuite les dater en procédant à des mesures de carbone 14 sur des débris végétaux restés emprisonnés à travers le temps.
L'analyse des différentes couches permet de "comprendre le climat du passé et de créer des modèles pour l'avenir", explique la chercheuse.
Sept mètres de perdus
Près du glacier Jamtal, le 20 juillet. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Une tâche qui devient toutefois de plus en plus complexe pour la directrice adjointe de l'Institut de recherche sur la montagne d'Innsbruck, rattaché à l'Académie des Sciences.
Car la fonte, indicatrice du changement climatique, s'est accélérée ces 20 dernières années, selon une étude publiée dans Nature en avril 2021.
Sur les 220.000 glaciers de la planète, les 4.000 localisés dans les Alpes ont particulièrement rétréci et la plupart sont voués à s'évaporer.
"Cette année est insensée en comparaison de la moyenne des 6.000 dernières années", lance Andrea Fischer. "À ce rythme, Jamtal ne sera plus un glacier dans cinq ans".
Elle a même dû avancer de quelques jours une opération de forage à 14 m de profondeur, devant les températures exceptionnellement élevées.
En temps normal, la neige protège le glacier du soleil pendant l'été, mais le peu de flocons tombés l'hiver dernier avait déjà disparu début juillet.
"Le glacier est donc entièrement exposé au soleil pendant deux mois", souligne la scientifique.
L'impact pour la recherche est dévastateur : Mme Fischer pronostique une perte de sept mètres de glace cette année, contre un mètre habituellement, "ce qui correspond à l'analyse de 300 ans de changement climatique" partie en fumée.
"Mon coeur saigne"
La glaciologue Andrea Fischer collecte des échantillons sur le glacier Jamtal, en Autriche, le 20 juillet. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La situation engendre en outre des risques supplémentaires du fait des vagues de chaleur qui rendent les terrains instables - comme au glacier de la Marmolada en Italie, où un énorme bloc s'est effondré en juillet, tuant onze personnes.
Sans oublier les autres répercussions : au-delà de leur rôle économique vital pour attirer les touristes, les glaciers autrichiens alimentent en été les grandes rivières et contribuent au réseau hydraulique.
Au village voisin de Galtür, qui compte 870 habitants, le club alpin a pris les devants et propose déjà une randonnée intitulée "Goodbye, glacier!" pour tenter de susciter une prise de conscience autour du réchauffement.
Sa responsable Sarah Mattle évoque un sentiment de "gravité" des visiteurs "quand ils prennent réellement conscience de ce qu'ils entendent et voient dans les médias".
Quand la glace s'efface, elle laisse certes la place en quelques années à une vingtaine d'espèces différentes de plantes, essentiellement des mousses.
C'est l'occasion de découvrir "de nouveaux chemins de randonnées, plus accessibles", ajoute aussi la montagnarde de 34 ans.
Pourtant, à l'image de nombreux Autrichiens émotionnellement attachés à leurs glaciers, Gottlieb Lorenz, lui, ne peut accepter l'idée.
Son arrière-grand-père a été le premier gérant du refuge de Jamtal, situé à 2.165 m d'altitude.
"Mon coeur saigne quand je pense à la magnificence passée", confie le sexagénaire, montrant une photo de 1882 où le chalet apparaît entouré d'une épaisse couche blanche.
Aujourd'hui, il faut marcher une heure et demie avant d'atteindre la glace.