En Algérie, métal et rock résistent au carcan de la culture officielle

"RÉ-VO-LU-TION !" assène d'une voix caverneuse, Omar, vocaliste du groupe de métal algérien Traxx devant une foule de jeunes en liesse venus des quatre coins d'Algérie à Constantine (Est) pour Fest 213, un rare festival de rock et métal.

Le groupe Traxx, joue à l'occasion du "Fest 213" dédié au rock et au métal, le 7 novembre à Constantine, en Algérie.

Dans un pays où l'État préfère encourager les musiques traditionnelles et les manifestations renforçant l'identité arabo-musulmane, toute une scène alternative se démène pour trouver des salles de concert et de répétition pour des groupes de rock, métal, reggae ou électro.

Fest 213 est un des exemples de ces initiatives lancées par des collectifs de jeunes, la plupart du temps sans soutien des autorités. Le festival a réuni cette année deux groupes franco-algériens, Acyl et Arkan, et trois formations algériennes, Traxx, Fingerprints et Numidas.

"C'est un événement inédit", se réjouit une lycéenne constantinoise qui se fait appeler Sadness Spirit (esprit de la tristesse). Vêtue de cuir noir, bracelets à pics, piercing sur le visage et mèches rouges, elle est venue au Fest avec une amie portant le voile islamique mais arborant également piercings et bracelets de cuir, accessoires de choix des fans de métal.

Elles attendent les concerts en discutant avec de jeunes garçons aux cheveux courts gominés, les bras tatoués et qui arborent des T-shirts noirs et des vestons rapiécés.

Deux jeunes filles arborent attendant d'assister à un concert de rock et métal, le 7 novembre à Constantine.

Dans la fosse, l'ambiance est à son comble pendant les concerts. Les participants font des "head-Bang" (mouvements circulaires de la tête, typiques de la danse métal) et des walls of Death (murs de la mort) constitués de deux rangées de personnes qui s'entrechoquent, le corps en transe, en libérant des rugissements.

"Murs de la mort"

"En dehors des concerts, on ne s'habille pas et on n'agit pas de cette manière sinon on risque d'avoir des ennuis", explique Sadness Spirit en référence à la société conservatrice algérienne.

Le métal algérien est né dans les années 1990, en pleine décennie noire de terrorisme. Il bénéficiait alors d'un relatif soutien de l'État, soucieux de lutter contre la propagation des idées intégristes.

Mais aujourd'hui, la quinzaine de groupes de métal algériens font l'objet de nombreuses attaques. Ils ont notamment été accusés de satanisme l'été dernier par la chaîne de télévision conservatrice El Biled.

Il a fallu deux ans de démarches au collectif Fest 213 pour organiser le festival de rock et métal de Constantine. Cet événement underground a finalement pu être inséré dans la programmation lancée en avril de "Constantine, capitale de la culture arabe", une manifestation officielle consacrée à la scène traditionnelle.

"On a contourné le principe général de cette manifestation", se réjouit Mustafa, 30 ans, ingénieur et batteur de Traxx.

Deux membres du groupe algérien Traxx se produisent lors du festival "Fest 213", le 7 novembre à Constantine en Algérie.

En Algérie, la grande majorité des salles de répétitions et de spectacles sont sous le monopole de l'État. Les responsables en bloquent souvent l'accès aux artistes qu'ils ne jugent pas suffisamment conventionnels.

"Certains responsables d'organismes publics ou d'associations privées ne censurent pas ouvertement mais ils ne donnent tout simplement pas suite aux demandes", explique Ramzy Abbas, 27 ans, vocaliste et musicien de métal algérien. D'autres invitent des artistes mais censurent les textes subversifs, se plaint le chanteur d'un groupe de reggae, Sadek Bouzino.

Le gouvernement "conçoit des politiques culturelles qui servent à contrôler la pensée" et ne permettent pas aux citoyens "de s'épanouir dans leur culture diversifiée", regrette Malik Chaoui, activiste d'un groupe de travail indépendant sur la politique culturelle en Algérie (GTPCA).

Nouvelles pratiques

Mais les artistes alternatifs algériens ne s'avouent pas vaincus et trouvent des stratégies de contournement, utilisant largement les plateformes de diffusion web et les réseaux sociaux.

Ils s’appuient aussi sur de rares collectifs indépendants structurés mais non agréés par l’État qui organisent des événements.

En juin, le Holi collectif, a lancé sur une plage de Béjaïa, à 250 km à l'est d'Alger, le Holi Festival Algeria, première édition algérienne du festival international des couleurs, inspiré du rite indien. Sur la plage, des milliers de jeunes ont dansé sur de l'électro tout en se jetant de la poudre de couleurs.

Même s'ils ont reçu des tombereaux d'injures sur internet de la part de conservateurs les accusant de s'être livrés à des festivités "contraires aux traditions algériennes", les organisateurs se réjouissent d'avoir réussi à initier la population "à de nouvelles pratiques culturelles".

À Alger, les jeunes du groupe Mayhem (la faucheuse, symbole anarchiste), créé début 2015, aident de jeunes musiciens de rock, blues et métal à sortir de l'ombre en jouant sur la terrasse du musée des Beaux-Arts.

"Les responsables considèrent ces mouvements comme trop occidentalisés et peu rentables alors qu'en réalité un concert de métal draine beaucoup de monde", explique Zakaria Brahami, 21 ans, membre de Mayhem.


AFP/VNACVN

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