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Un cours d’éducation sexuelle dans un collège de la province de Bac Giang (Nord). |
En Asie, rien n’est plus compliqué que l’éducation sexuelle. Même si tout le monde s’accorde sur sa nécessité, beaucoup hésitent à en parler. Alors que dans les pays occidentaux la question est abordée en primaire, voire dans quelques exceptions en maternelle, les jeunes Vietnamiens doivent attendre la 8e classe... soit l’âge de 14 ans. Bien que des livres officiels soient mis à disposition, les enseignants préfèrent souvent esquiver ces leçons. Et les conséquences, tant pour ces jeunes que pour la société, sont évidentes.
Des statistiques inquiétantes
Selon le Département de la démographie et du planning familial, en 2015, 6.000 avortements chez les adolescents ont été officiellement enregistrés, des chiffres sans doute en-deçà de la réalité. Même si l’interruption de grossesse au Vietnam connaît une tendance à la baisse, les interventions chez les jeunes ne cessent de croître, et atteignent aujourd’hui 20% des cas.
Près de 10% des filles de 16 à 19 ans sont déjà mariées, soit trois fois de plus que les garçons de la même tranche d’âge, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Plus d’une Vietnamienne sur cinq a son premier enfant avant 20 ans (le taux est bien plus élevé dans les régions rurales), et 3% des grossesses interviennent avant d’avoir atteint la majorité.
L’explication vient du fait que l’école et les parents ne savent ni quand, ni comment parler de la sexualité. Les jeunes n’ont dès lors pas assez de connaissance, ni de repère en la matière, une situation qui engendre de lourdes conséquences. Qui plus est, la donne a changé : les adolescents ne ressemblent plus à ceux d’antan, et la puberté commence déjà vers 10 ans.
En marge de la conférence «L’éducation sexuelle aux enfants : quand est-ce le bon moment ?» qui s’est tenue à Hanoï en octobre 2016, l’ancien vice-président du Département de la protection et des soins des enfants Nguyên Trong An expliquait que la principale difficulté est d’adapter le discours et les thèmes en fonction de l’âge. Il préconise de parler de la différence entre les garçons et les filles, et ce dès l’enfance, et de parler de la sexualité, c’est-à-dire des rapports et de la contraception, à l’adolescence.
S’inspirer de modèles étrangers
Les enfants devraient être déjà bien informés sur le sexe avant d’atteindre l’adolescence. |
Selon Trân Thành Nam, docteur en neurosciences comportementales de l’Université nationale du Vietnam, débuter l’éducation sexuelle à l’âge de 10 ans est déjà trop tard. Il estime que les leçons à l’école sont superflues et ne présentent aucun cas pratique, et soutient que les enseignants font l’impasse sur la contraception. De son point de vue, les enfants devraient être déjà bien informés sur le sexe avant d’atteindre l’adolescence, et il juge nécessaire que des cours soient donnés au début du collège.
Nguyên Khac Sang, directeur du lycée Kim Thành II dans la province de Hai Duong, constate que l’avortement chez les adolescentes dans les régions rurales a atteint un niveau alarmant. Il explique que les parents et les enseignants se montrent très pudiques sur le sujet, et critique la légèreté du programme national d’éducation sexuelle à l’école.
Les participants à la conférence ont souvent cité et préconisé les méthodes développées dans d’autres pays. Au Japon, les cours sont abordés dès l’école primaire, et ce, en faisant collaborer main dans la main les instituteurs et les familles. Les premiers présentent les différences entre les filles et les garçons de manière ludique et avec des dialogues, tandis que les seconds parlent de la grossesse et des mesures de contraception.
Au Royaume-Uni, les cours d’éducation sexuelle sont inscrits au programme et ce dès l’âge de 11 ans, mais il y a eu des expériences faites en maternelle. Aux États-Unis, les cours sont différés selon les âges, en assurant qu’à l’âge de 14 ans, tous les jeunes aient au moins quelques notions. En Suède, l’éducation sexuelle est également diffusée sur les chaines de télévision sous forme de dessins animés depuis 1966, un moyen simple, pratique et pédagogique pour aborder la question avec les petits enfants.
«On m’a souvent dit qu’à cet âge c’était trop tôt ou que cela n’était pas nécessaire. La situation est bizarre, dans le sens où ce serait aux parents d’aborder en partie le sujet. C’est tabou, mais c’est obligatoire, on ne peut pas le négliger. Il en va de notre responsabilité parentale !», finit-il par conclure.
Dang Duong/CVN