Ebola et culture traditionnelle

Les médecins et les historiens nous font savoir qu’à travers d’histoire, la naissance et la diffusion d’une épidémie sont toujours influencées par des facteurs culturels. Ebola n’échappe pas à cette règle.

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Un des critères majeurs sur lequel s’appuient les anthropologues pour caractériser un groupe humain, c’est la tendance de ce dernier vers l’individualisme ou vers le collectivisme. À cause de certains facteurs géopolitiques et surtout de l’influence durable du confucianisme, la culture vietnamienne appartient au groupe collectiviste.
Mon amie l’écrivaine américaine Lady Borton est une passionnée de la culture traditionnelle vietnamienne dont elle admire la sagesse et la convivialité. Mais récemment, face à l’explosion d’Ebola, elle s’est hâtée de faire quelques réserves au sujet de son credo. Je me fais un plaisir de résumer ci-dessous son point de vue, explosé dans un e-mail qu’elle m’a envoyé à son départ pour New York. Ce faisant, j’aurai rendu un minime service au plan sanitaire.
Ebola, un hôte non invité

Un homme contaminé par Ebola est transporté le 14 août à un hôpital à Biankouma (Côte d’Ivoire).


Lady Borton pose ainsi le problème : «L’épidémie Ebola pourrait venir au Vietnam comme un hôte non invité. Une fois dans le pays, elle se répandra avec une rapidité incroyable». Pourquoi ? À cause de la culture traditionnelle. Lady rappelle qu’en 2003, le Vietnam a été premier pays du monde à connaître le SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère), et que grâce aux mesures préventives efficaces, l’épidémie a été jugulée tout de suite.
Ebola est une maladie perfide, insidieuse. Ses premiers symptômes paraissent bénins (mal à la gorge, un peu de fièvre, mal à la tête…). Aussi une personne atteinte peut la répandre inconsciemment avant de détecter le mal. Si Ebola entre au Vietnam, elle causera une vaste et rapide contamination due à certaines conduites sociales dictées par une culture collectiviste.
Des gestes à risque
Quand on visite un malade, pour exprimer sa cordialité, on s’assoit au bord de son lit, on lui serre la main, on l’embrasse… Autant d’occasion de répandre le virus. En fait de salutation, les Vietnamiens, surtout en ville, ont adopté souvent la manière occidentale : échange d’une poignée de mains, baiser sur la joue. Il faut abandonner ces gestes non hygiéniques et revenir à la salutation traditionnelle : les mains appliquées l’une contre l’autre à la hauteur de la poitrine et inclination respectueuse.
Manger avec des baguettes à la vietnamienne favorise la contamination par la voie salivaire. À table, chacun commence à tremper ses baguettes dans les plats communs, en particulier dans le même bol de saumure (nuoc mam), pratique illustrant le mieux l’esprit communautaire.

Une répétition pour la lutte contre Ebola du ministère vietnamien de la Santé le 7 novembre à l’Hôpital central des maladies tropicales à Hanoi.


Le danger de contamination est très grave si l’hôte qui offre à dîner, atteint d’Ebola sans le savoir sert ses hôtes avec ses propres baguettes. Comme mesure préventive, il faudrait revenir au mode d’emploi des baguettes adopté par les combattants de Hô Chi Minh pendant la Première Guerre d’Indochine : prendre les aliments dans le plat commun (en guise de fourchettes) avec un bout de baguette et manger avec l’autre bout. Lady Borton nous propose de prendre des mesures préventives aujourd’hui même, avant l’arrivée d’Ebola ou de quelque autre invité non attendu. «Nous devons scruter dans les cultures des différents communautés et pays du monde pour capter les conduites culturelles dangereuse en ce temps d’Ebola».
Lady Borton, écrivaine et militante sociale américaine, n’a cessé depuis plusieurs décennies de combattre pour la cause vietnamienne. Elle a apporté et propagé au Vietnam la première documentation étrangère sur le sida. Elle contribue activement à dénoncer les ravages de l’agent orange/dioxine au Vietnam, conséquence de l’épandage de défoliants par l’aviation américaine au cours de la Vietnam War.

HUU NGOC/CVN


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