D’un remède traditionnel à une marque commerciale de valeur

Les Dao rouges, l’une des communautés ethniques qui peuplent le Nord du Vietnam, sont réputés pour leur solution de bain traditionnelle qu’ils utilisent depuis des générations. Cette solution composée de plantes médicinales séduit tous les touristes et plus généralement celles et ceux qui ont eu la chance de prendre un bain à la Dao rouge.

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Ly Lao Lo, directeur de Sapanapro (gauche).

Depuis 2006, elle est une source de revenus supplémentaires considérable pour les habitants de Ta Phin, à Sapa, haut-lieu touristique du Vietnam.

Prenez des feuilles, des racines, des troncs… Ajoutez-y une bonne dose de savoir-faire traditionnel transmis de génération en génération et vous obtiendrez les remèdes que les Dao rouges dissolvent dans leur eau de bain. Chao Su Mây, qui est l’une des rares personnes à en détenir le secret, vit à Ta Chai, dans la commune de Ta Phin.

"C’est en fonction de nos besoins que nous utilisons tel ou tel remède. Il y en a pour les femmes enceintes, pour celles qui viennent d’accoucher, pour celles et ceux qui veulent avoir une belle peau et de beaux cheveux… Maintenant c’est très pratique avec les remèdes en solution condensée", explique-t-elle.

C’est Ly Lao Lo, le fils de Chao Su Mây, qui est à l’origine de cette évolution du remède traditionnel vers un produit commercial. En 2006, avec d’autres Dao rouges ouverts à la modernité, il a fondé Sapanapro, une société spécialisée dans la commercialisation des produits du terroir de Sapa.

"Je n’avais à l’époque aucune idée de ce que doit être un directeur ou une société. Je me contentais de composer des remèdes pour les touristes qui en demandaient", se souvient Ly Lao Lo. "Tout a changé lorsque j’ai pu rencontrer des professeurs de la Faculté de pharmacie qui m’ont aidé à analyser les ingrédients de ces remèdes, à en extraire les essences et à standardiser le processus de production. Ils ont établi des formules qu’il suffit de suivre au lieu de composer des remèdes de façon tout à fait intuitive et empirique comme c’était le cas auparavant. Par la suite, j’ai commencé à présenter mes produits sous forme de flacons de 200ml, de bouteilles d’un demi-litre, de deux litres ou plus".

Ces bouteilles sont évidemment très pratiques pour les consommateurs ordinaires. Les Dao rouges, eux, continuent à tout préparer eux-mêmes. Ils vont dans la forêt cueillir les plantes, les coupent, les lavent, les font bouillir et mijoter, les mélangent avec de l’eau dans un bassin pour obtenir une solution suffisamment tiède pour que l’on puisse s’y tremper jusqu’au cou…

Les employés de Ly Lao Lo sont tous des Dao qui ont travaillé longtemps avec lui. Ils gagnent un salaire moyen compris entre 5 et 8 millions de dôngs par mois, un revenu assez confortable dans la région. Ly Ta est l’un d’eux. "Ça fait 3 ans que je travaille ici, je prépare les solutions sur commande. Par rapport au travail champêtre, c’est beaucoup moins pénible", dit-il.

Au moment de sa création en 2006, Sapanapro comptait 13 familles associées. Aujourd’hui, la société compte 115 actionnaires et affiche un chiffre d’affaires annuel d’une dizaine de milliards de dôngs (378.000 euros).

Même dans nos rêves les plus fous, nous n’aurions jamais imaginé que nous, couple de paysans analphabètes, puissions un jour devenir actionnaires d’une société, nous dit Phan Man Mây, l’une des actionnaires de Sapanapro.

"C’est incroyable que nous, des Dao, ayons pu fonder une société avec une mise de fond aussi dérisoire. Pensez donc! Juste 500.000 dôngs et la seule force de nos bras… Aujourd’hui, nous touchons chaque année, mon mari et moi, de 9 à 10 millions de dôngs de dividendes", indique-t-elle. Les 5 millions de dôngs de dividende que touche chaque actionnaire paysan lui permettent de faire bien d’autres choses…

"Notre principale source de revenus vient des solutions de bain et nos dividendes servent à faire des achats supplémentaires", dit Ly Mây. "On est tellement heureux. Nos remèdes sont présents partout, à Hanoï, à Hô Chi Minh-ville, à Haiphong, vraiment partout…", renchérit Phàn Mây.

Si les remèdes Sapanapro sont présents partout, c’est à Sapa, ou plus précisément dans la commune de Ta Phin que leurs vertus thérapeutiques et psychologiques atteignent leur apogée. La nature locale y est pour beaucoup et les touristes ne vous diront jamais le contraire.


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