Discussion rare à l'ONU sur l'influence du climat sur les conflits

Le réchauffement de la planète peut-il favoriser les conflits et est-ce au Conseil de sécurité de l'ONU de s'emparer du sujet? Oui, répondent certains de ses membres, non rétorquent d'autres.

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Des drapeaux internationaux avec l'étendard de l'ONU au siège des Nations unies à New York.
Photo: AFP/VNA/CVN

Ce "sujet sensible" a fait l'objet d'un vaste débat mercredi 11 juillet au sein de la plus haute instance de l'ONU. En soi, son organisation est déjà un "succès", estime son organisateur, la Suède, même si aucune déclaration consensuelle ni mesures concrètes n'étaient prévues. Le dernier débat sur le lien climat et sécurité remonte à 2011 et l'ONU n'a abordé la question qu'à trois reprises dans son Histoire.

Les pays critiques, Russie et Chine entre autres, craignent l'ingérence, la menace de sanctions, et sont davantage dans une logique de gestion de conflit pour le Conseil de sécurité. "L'ONU doit respecter le principe de répartition des tâches", a ainsi fait valoir l'ambassadeur russe adjoint à l'ONU, Dmitry Polyanskiy. En reconnaissant que "les changements climatiques sont une menace majeure", il a rappelé que "le Conseil de sécurité ne disposait pas d'expertise" spécifique sur le sujet qualifié "d'abstrait". En parler "crée des illusions, c'est trompeur et dangereux", selon lui.

Les partisans d'une gestion par le Conseil, notamment les États victimes d'ouragans, de manque d'eau, ou les Européens, dont la France où a été signé en 2015 un accord pour limiter à 2 degrés le réchauffement climatique, estiment qu'elle doit être inscrite à son agenda. Cette gestion ne peut être laissée uniquement à des instances subalternes ou à l'Assemblée générale, sans pouvoir contraignant, estiment-ils. "On a besoin de solutions pour les gens sur le terrain" et "vous devez considérer les changements climatiques comme des risques sécuritaires", a lancé lors du débat Hindou Ibrahim, représentante de l'ONG International Indigenous Peoples' Forum on Climate Change. Sans notes, son discours se voulait percutant: la question ne devrait pas être de "survivre" mais de "vivre", a-t-elle asséné.

"Lanceur d'alerte"

L'ambassadeur français, François Delattre, a souligné que "si les évènements climatiques les plus extrêmes sont les plus visibles, d'autres phénomènes aux effets moins immédiats comme la sécheresse, la salinisation des sols ou la montée des eaux contribuent à la dégradation des terres, à l'érosion côtière ou à la baisse des ressources en eau". "Ces impacts négatifs sur les ressources naturelles dans le contexte de populations et d'économies vulnérables peuvent générer ou réactiver des conflits entre communautés, provoquer des déplacements de population et menacer la paix et la sécurité internationales", a-t-il jugé, en appelant le Conseil à s'en occuper.

Les États-Unis ont affiché un profil bas, estimant "justifié" pour le Conseil d'examiner les phénomènes naturels qui provoquent des désastres humanitaires. Le jugeant trop contraignant pour les intérêts américains, Donald Trump, dont le pays avait signé mais pas encore ratifié l'Accord de Paris, a annoncé s'en retirer, une décision qui devrait se concrétiser en 2019 avec effet en 2020. "La tendance actuelle du réchauffement climatique, c'est plus de quatre degrés en 2100", rappelle un diplomate sous couvert d'anonymat. Paradoxalement, les meilleurs experts du lien entre dérèglements climatiques et sécurité, sont outre des ONG les militaires américains qui doivent anticiper les déploiements de troupes dans le monde et... les migrations pouvant venir d'Amérique centrale, précise-t-il.

Eugene Rhuggenaath, Premier ministre de l'île Curaçao dans les Caraïbes, un territoire du Royaume des Pays-Bas vulnérable aux ouragans dévastateurs, a aussi estimé que le Conseil de sécurité avait "une responsabilité" face aux dérèglements climatiques. "La gestion préventive des risques peut aider", a-t-il plaidé, mettant en garde contre "les menaces à la stabilité sociale et à l'économie". Pour la ministre suédoise des Affaires étrangères, Margot Wallström, dont le pays préside en juillet le Conseil de sécurité, cette instance "peut développer une vision partagée des risques". "Nous allons voir très bientôt de plus en plus de réfugiés climatiques", a-t-elle prédit.

Si la plus haute instance de l'ONU évoque régulièrement certains domaines liés à l'environnement (eau...) ou certaines régions touchées par des changements climatiques (Lac Tchad par exemple), elle n'a pas aujourd'hui dans sa structure de "système d'alarme" ou de "lanceur d'alerte", qui permette ensuite des recommandations pour mieux prévenir des mouvements massifs de populations.


AFP/VNA/CVN

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