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L’"Artiste du Peuple" Diêm Lôc pose à côté des photos prises lors de ses années de scène. |
Photo : TP/CVN |
L’"Artiste du Peuple" Diêm Lôc est née en 1938 dans le district de Ba Vi, en banlieue de Hanoï. Dès l’âge de 6 ans, elle s’est prise de passion pour le chèo, une sorte de théâtre populaire répandu essentiellement au delta du fleuve Rouge au Nord Vietnam. Chaque jour, elle écoutait les chansons folkloriques, interprétées par sa mère. Une passion qui n’a cessé de grandir au fil de son adolescence.
À l’âge de 18 ans, Diêm Lôc a été recrutée par le Service de la culture de Hanoï en tant que comédienne de chèo. Deux ans après, elle a intégré le Théâtre national de chèo, qu’elle n’a plus quitté depuis.
Diêm Lôc a enchaîné les succès, laissant des impressions inoubliables aux amateurs de chèo dans ses interprétations de la sœur Ba Dep dans la pièce Lo nuoc thân (La vase magique), de Châu Long dans Luu Binh Duong Lê, de Thi Mâu dans Quan Âm Thi Kinh (La déesse de la miséricorde Kwan Yin - L’histoire de la Miséricorde), de Tâm dans Tâm Cam, etc.
"Chaque pièce nécessite beaucoup de temps d’apprentissages des paroles, des airs et du jeu des personnages, partage-t-elle. Afin de jouer Xuy Vân dans +Xuy Vân la folle+, j’ai dû consacrer six mois à temps plein. Rien que son sourire m’a demandé trois jours d’exercice !".
En plus des techniques spéciales de respiration, d’élocution, de chant, de manière de se déplacer, etc., les artistes maîtrisent tout un langage des postures du corps et attachent une grande importance à la torsion des mains, des poignets et des bras.
Grâce aux succès dans Xuy Vân la folle, Diêm Lôc s’est vu décerner la médaille d’or au Festival de théâtre en 1962. Puis, la pièce, toujours avec Diêm Lôc dans le rôle de Xuy Vân, a été présentée dans une dizaine de pays. Le nom de Xuy Vân - Diêm Lôc figure même dans les Encyclopédies de la Russie et du Vietnam.
Diêm Lôc dans "Xuy Vân la folle". |
Photo : Archives/CVN |
En 1984, elle s’est vu décerner le titre d’"Artiste Émérite". Trente-deux ans après, elle a obtenu celui d’"Artiste du Peuple”.
Succès aussi dans le 7e art
En plus d’être une sommité de cet art traditionnel du Nord Vietnam qu’est le chèo, Diêm Lôc a également marqué de son empreinte le cinéma. Avec son visage avenant, elle s’est toujours incarnée dans des femmes vertueuses dans Duong doi (Le chemin de la vie), Dong sông phang lang (La rivière tranquille), Mùa lá rung (La saison des feuilles mortes), Lêu chong (Le lettré au concours triennal), etc.
D’après de nombreux metteurs en scène du 7e art, l’artiste se distingue par son naturel et son professionnalisme. Les textes, elle les connait toujours par cœur. Le metteur en scène Dô Duc Thành a été surpris de voir Diêm Lôc venir au studio les mains vides. "Pourquoi n’as-tu pas apporté le script ?", lui a-t-il demandé. Elle lui a répondu avec humour : "Mais j’ai tout mémorisé !". “Que ce soit sur scène ou au cinéma, elle travaille toujours avec sérieux et laisse rien au hasard”, souligne-t-il.
Ces succès dans le 7e art lui ont permis d’obtenir le titre de "Meilleure actrice" au 13e Festival du film du Vietnam, ce à l’âge de 60 ans. "Pour devenir une artiste connue et reconnue, j’ai dû travailler toute ma vie, échanger des expériences avec mes confrères, explique Diêm Lôc. Le talent c’est important, mais ça ne représente que 10%. Tout le reste vient du travail. Il ne faut jamais s’endormir sur ses lauriers".
Le chèo, théâtre populaire du Vietnam
Contrairement au tuông (théâtre opéra classique) qui loue les exploits héroïques de la noblesse, le chèo décrit la vie simple des paysans.
La teneur du chèo est dérivée des contes de fées, des histoires en chu nôm (écriture démotique sino-vietnamienne). Le chèo est toujours lié au lyrisme : il exprime les émotions et les sentiments de l’être humain; il chante l’amour, l’amitié et l’affection. Souvent, le chèo conte la vie simple des gens de la campagne, mais le répertoire comprend aussi des pièces historiques et satiriques, des comédies de mœurs et des adaptations de légendes. Les décors sont minimalistes, les maquillages et les costumes hauts en couleurs, simples et élégants. La langue est populaire et savoureuse, truffée de dictons et de proverbes. Quant à la danse, c’est un véritable langage corporel, qui demande à la fois grâce et rigueur, délicatesse et technique.
Bien que la qualité de vie se soit très nettement améliorée au Vietnam depuis le début du "Renouveau", entamée en 1986, les arts traditionnels en général et le chèo en particulier commencèrent à faire sale vide dans les années 1990. Les recettes insuffisantes obligèrent les directeurs de théâtre à réduire les pièces à de simples extraits. Même les villages, d’où est originaire le chèo, se trouvèrent dans l’incapacité d’attirer le public. Les jeunes, en particulier ceux des villes, tournèrent le dos à cette forme artistique.
La situation devint si critique que la ville de Ha Long décida de réagir en organisant le premier Festival national de chèo, du 13 au 15 octobre 2001. Plus de 700 artistes issus de quatorze troupes de chèo y participèrent, donnant quinze représentations. Depuis cet événement, le chèo connaît une renaissance, attirant jeunes artistes et jeune public dans tout le pays.