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Hô Xuân Huong est considérée comme l’une des plus talentueuses femmes de lettres vietnamiennes. |
Photo : CTV/CVN |
Plusieurs critiques et historiens littéraires ont soulevé le problème de la paternité des œuvres de Hô Xuân Huong (1772-1822) et Doàn Thi Diêm (1705-1749), en particulier Hoàng Xuân Han, éminent vietnamologue et homme de science décédé en 1996 à Paris.
La controverse est loin d’être close, étant donné certaines difficultés insurmontables de recherches textuelles. Autrefois les textes, copiés à la main, étaient gardés dans la famille de l’écrivain ou par ses proches. Ils variaient facilement d’une copie à l’autre. Les livres imprimés par xylographie, très rares, n’avaient qu’un tirage insignifiant. Il n’y avait pas d’écrivains professionnels, de copyright, le livre n’étant pas considéré comme une marchandise. La diffusion se faisait au compte-gouttes dans un cercle de lettrés. Certains auteurs préféraient garder l’anonymat de peur que le moindre mot de leur écrit, jugé pernicieux, ou lèse-majesté, puisse leur attirer des châtiments très sévères, y compris la décapitation.
Vers satiriques de Hô Xuân Huong
C’est ainsi que les poèmes érotiques de Hô Xuân Huong qui choquaient la pudibonderie féodale ne pouvaient circuler que de bouche à oreille ou de main en main.
Selon la tradition, cette poétesse (fin XVIIIe - début XIXe siècle) unique dans la littérature vietnamienne serait originaire du village de Quynh Dôi (district de Quynh Luu, province de Nghê An, Centre), fille du lettré Hô Phi Diên (maître d’école à Hai Duong, puis établi au quartier de Khán Xuân, au bord du lac de l’Ouest de Hanoï).
À l’encontre de l’orthodoxie confucéenne de l’époque, elle aborde directement les questions de l’amour charnel, évoque sans fard mais sans crudité les secrets du corps féminin. Elle le fait dans un style inimitable, faisant allusion aux choses du sexe à travers la description d’objets familiers (éventail, balançoire…) ou de paysages naturels (col,…). Sa poésie très évocatrice, mais pas obscène, frémissante de sensualité, n’en reste pas moins discrète. Elle critique également les mandarins corrompus, les bonzes ignares et défend la fille-mère.
Parmi les quelques dizaines de poèmes soi-disant laissés par Hô Xuân Huong, on discute encore pour savoir lesquels sont authentiques et lesquels de simples pastiches. Des chercheurs vont jusqu’à émettre l’hypothèse qu’il n’y avait pas de Hô Xuân Huong en chair et en os et que Hô Xuân Huong n’est qu’un prête-nom inexistant, un pseudonyme commun pour quelques lettrés confucéens (mâles) voulant se défouler (Freud). En 1963, le critique Trân Thanh Mai a mis la main sur un manuscrit, Luu Huong ky, signé Hô Xuân Huong. On a pu identifier l’auteur de cet ouvrage lyrique fait de beaux poèmes d’amour en han (idéogrammes chinois), savants et raffinés.
L’identité de Hô Xuân Huong semble résolue. Plusieurs chercheurs, dont Hoàng Xuân Han cautionnent cette solution. La très sérieuse Dame des lettres aurait écrit en vers nôm (idéogrammes vietnamiens) des poèmes licencieux pendant ses années de jeunesse pour défier des lettrés provocateurs et qu’elle aurait composé plus tard en vers han une poésie hautement classique, l’idéogramme chinois étant considéré comme écriture savante comme le latin en Europe au Moyen-Âge.
Mais plus d’un chercheur dont Nguyên Thi Châu Quynh de Paris (lire Hôn Viêt, Trung tâm nghiên cuu Quôc hoc, TP Hô Chi Minh, 2003) réfute l’idée que la Hô Xuân Huong de Luu Huong Ky puisse être la Hô Xuân Huong de la tradition érotique et satirique. Leurs styles et les événements de leurs vies sont très différents. Il se peut qu’il y ait deux Hô Xuân Huong vivant à la même époque, comme il y avait deux Nguyên Du d’ailleurs.
La femme lettrée Doàn Thi Diêm
Le long poème lyrique "Chinh phu ngâm" a permis à Doàn Thi Diêm d’accéder à la célébrité. |
Photo : CTV/CVN |
La seconde énigme concerne Doàn Thi Diêm dont les détails biographiques ne font l’objet d’aucun doute. Née en 1705 et décédée en 1746, elle avait comme pseudonyme "Hông Hà nu si" (Femme de Lettres du fleuve Rouge). Originaire du district de Van Giang (Hung Yên), elle était sœur du célèbre lettré Doàn Dzoan Luân et femme de deuxième rang du Docteur ès humanités Nguyên Kiêu.
Très douée en lettres, elle a laissé une merveilleuse traduction en langue nationale (nôm) des Chinh phu ngâm (Plaintes d’une femme dont le mari est parti en guerre). Ce long poème lyrique traduit en vietnamien dépasse en beauté l’original écrit en han par Dang Trân Côn. Sur la base d’un manuscrit et d’autres documents, Hoàng Xuân Ha a attribué la palme de la traduction à un autre lettré, Phan Huy Ich (1750-1822). D’autres chercheurs ne sont pas de cet avis, en particulier Lê Huu Muc et Pham Thi Nhung.
Huu Ngoc/CVN
(Novembre 2003)