Débriefing numéro 30

La semaine dernière, je me suis vraiment passionné pour le Rendez-vous de M. Huu Ngoc. Je suis très heureux d’ailleurs parce qu’il y aura une suite. L’article parlait de la maison traditionnelle au Vietnam et de l’emploi du mot maison dans tout un tas de dictons et proverbes.

L’érudit nous livre une fine liste et nous rappelle auparavant que l’importance de la maison (nhà) se reflète dans le miroir de la littérature populaire et savante. Nguyên Du (XVIIIe siècle) a employé plus de cent fois le môt nhà dans son œuvre immortelle en vers, Le Kiêu.
Alors, voici, selon moi, les 3 expressions les plus intéressantes que vous pourrez retrouver en pages 23 et 24 si vous n’avez pas encore lu l’article :
Vang chu nhà, gà voc nieu tôm (Quand le maître de la maison est absent, les poules saccagent le pot de crevettes grillées) : en l’absence des parents, les enfants sèment la pagaille. À rapprocher de l’expression française quand le chat n’est pas là, les souris dansent !
Con không cha nhu nhà không noc (Un enfant sans père est une maison sans faîte). C’est tellement vrai.
Tat den nhà ngoi nhu nhà tranh (Une fois la lampe éteinte, il n’existe plus de différence entre maison de brique et maison de paille). Expression qui n’est pas très éloignée de la fameuse histoire enfantine des trois petits cochons !
Vivement la semaine prochaine pour lire la suite de cette passionnante rubrique.
Duras et moi
Une dame passionnante et proche du Vietnam aurait eu 100 ans cette année. En une poignée de secondes on peut mettre un nom en face de cette définition.
Bien sûr Marguerite Duras, et une double page consacrée à cette grande dame de la littérature française, très connue au Vietnam mais aussi en Chine.
Duras et l’Amant m’accompagnent depuis ma venue au Vietnam. En effet, lorsque je suis arrivé à Hô Chi Minh-Ville en septembre 1990, c’était l’époque des grands tournages de films sur le Vietnam, Diên Biên Phu, Indochine et donc l’Amant. J’étais enseignant à l’École française Colette et la plupart des enfants de notre petite école avaient fait de la figuration dans le film. Très joliment habillés en costumes blancs, ils faisaient leur premier pas au cinéma sous la conduite de Jean-Jacques Annaud (en photo page 39) qui avait choisi d’adapter ce roman au cinéma.
Il était fréquent de croiser le réalisateur au restaurant Thanh Niên (La jeunesse) où il venait dîner. C’était à l’époque un des premiers endroits branchés de la ville où on pouvait manger de délicieux plats vietnamiens et même écouter des groupes de jazz de grande qualité.
Quelques années plus tard, devenu responsable du programme des classes bilingues à l’Agence universitaire de la francophonie, je retrouvais Marguerite Duras (et sa mère) puisque je me rendais assez souvent à l’école primaire Trung Vuong de Sadec où des classes bilingues fonctionnaient et fonctionnent toujours aujourd’hui (https://tieuhoctrungvuong.edu.vn/). Pour la petite histoire c’est l’école qui avait été dirigée autrefois par la mère de l’écrivain. Il faut dire que depuis la création de ces classes, l’école est devenue un passage obligatoire pour nombre de touristes français souhaitant faire un petit pèlerinage et il existe un engouement incroyable pour Sadec, l’école et donc pour l’Amant. J’ai eu le grand honneur d’accompagner Yann Andréa le compagnon de Duras dans cette école et ce fut un moment très émouvant.
Enfin, il y a 3 ans, «ma» petite école Colette où j’avais fait mes premiers pas devenait Lycée international… devinez qui… Marguerite Duras !
Bref, Duras et l’Amant, la petite école, la limousine, le bac, le Mékong, la famille, le grand frère, le petit frère, le Continental, l’adolescence, Cholon toutes ces images et symboles du roman font partie à jamais de ma vie !
Passions dévorantes
Ouh la la toutes ces émotions m’ont donné faim ! Rien de tel qu’un bon riz cantonais. Un bon Cơm chiên ! Ce plat est une merveille et la recette donnée en page 57 me parait vraiment pas mal du tout. Personnellement, j’évite pourtant d’y ajouter les petits pois. Je pense que ça doit venir de la couleur : c’est beaucoup trop vert !
C’est pourtant la couleur verte d’une très ancienne gazette vietnamienne : le Phu nu Tân Van, qui a attiré mon regard lorsque j’ai parcouru l’article des pages 36 et 37. Gazette, j’ai toujours adoré ce mot là et j’ai donc apprécié la compagnie de 3 collectionneurs acharnés de magazines à la mode ancienne, Messieurs Nguyên Phat Hà Giang, Ta Thu Phong et Trinh Hùng Cuong.
Ce qui est très intéressant, c’est que ces trois personnes se distinguent pour leurs riches collections de la presse en vietnamien de la période 1865-1965, particulièrement en quôc ngu (écriture romanisée) sans être journaliste professionnel.
Donc la gazette Phu nu Tân Van numéro 44 nous apparait en vert et on y voit en dernière page une publicité pour les papiers à cigarettes et cigarettes Job. «Fumez la Job» disait à l’époque la publicité ! Les temps ont vraiment changé mais c’est un bel hommage indirect à un inventeur français Jean Bardou qui en 1838 créait sa marque et était donc connu dans le monde entier, la preuve en est faite ici.
Nguyên Phat Hà Giang, un employé de Vinaphone est un vrai acharné des gazettes anciennes et il est prêt à dépenser de coquettes sommes pour se procurer ce qu’il aime le plus : «J’ai été ravi d’apprendre qu’un habitant de Bac Ninh en possédait un exemplaire», raconte-t-il.
Immédiatement, il se rend sur place pour s’offrir la perle rare... au prix d’un mois de salaire.
Les connaissances de Ta Thu Phong dans le domaine sont immenses et il le prouve : «Jadis, l’alphabet vietnamien manquait les lettres r, gi, x ou s et il y avait un tiret entre deux mots…Si le contenu informe sur la situation économique et sociale de chaque période, la matière du papier éclaire sur l’histoire de l’imprimerie au Vietnam. Pendant l’époque coloniale, on utilisait d’abord le papier +do+ (à base d’écorce d’un arbre tropical appelé Rhamnoneuron), puis le papier de paille. Et les collectionneurs expérimentés pouvaient facilement identifier l’année de publication d’un journal rien qu’en observant son papier».

Maison, littérature et journalisme, trois thèmes très prenants du numéro 30 du Courrier du Vietnam avec de quoi manger aussi : du riz cantonais d’une part et des gâteaux du mi-automne de l’autre. On nous annonce en page 61 l’arrivée des premières boîtes de ces délicieux trésors. Je vais pouvoir me goinfrer à volonté pendant deux mois car je les adore.
Miam, miam.

Hervé Fayet

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