De Phát Diêm à Bái Ðính, un saut du catholicisme au bouddhisme

La province de Ninh Binh abrite deux édifices religieux populaires au Vietnam : la cathédrale de Phát Diêm, le plus grand ensemble architectural catholique, et la pagode de Bái Ðính, le plus important complexe de temples bouddhistes du pays.

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La cathédrale de Phát Diêm à Ninh Binh (Nord), le plus grand ensemble architectural catholique du Vietnam.

La Fête de la nativité de Bouddha a été célébrée en 2008 avec plus d’apparat que d’ordinaire dans la petite pagode villageoise de Dông Trang, province de Ninh Binh (Nord), à quelque 100 km au sud-est de Hanoï. La raison en est qu’à l’occasion de ce Vesak, un rassemblement bouddhique international s’est tenu au Vietnam sous le patronage de l’ONU.

La supérieure de la pagode, Diêu Nhân, reçoit notre délégation du Fonds culturel Suède - Vietnam avec beaucoup de familiarité. Elle est connue dans toute la région pour ses œuvres de bienfaisance. Avec le produit de ses quêtes laborieuses, elle a réussi à recueillir dans son temple à moitié restauré une cinquantaine d’orphelins et d’enfants pauvres pour les envoyer à l’école. Nous venons remettre à ces derniers des instruments de musique pour un orchestre traditionnel.

À la fin de la cérémonie, comme nous devons nous rendre à Bái Ðính, centre bouddhique important en construction, Diêu Nhân nous demande une place dans notre voiture pour y aller aussi. C’est ainsi qu’elle s’arrête avec nous en chemin à l’évêché de Phát Diêm où nous offrons des cuivres à l’orchestre de la paroisse.

Le curé nous retient à déjeuner. Avant de manger, il fait un signe de croix en disant le Pater tandis que la bonzesse prononce la formule A-di-dà-Phât (Salut à bouddha Amitabha). Ils choquent les verres d’eau gazeuse allègrement.

Un tel spectacle n’aurait pu avoir lieu pendant la colonisation française et dépassait l’imagination au temps des persécutions infligées aux catholiques par les rois des Nguyên (1802-1945) à partir de 1833, le catholicisme étant accusé de professer des idées contraires à la culture traditionnelle. Les massacres de prêtres et de croyants ont servi de prétexte pour la conquête française du Vietnam.

Sous l’occupation française et au cours de la période d’intervention américaine, les catholiques étaient les protégés des autorités étrangères. De là, la scission entre eux, un dixième de la population et le reste de la nation. La véritable réconciliation nationale ne s’est réalisée que depuis la réunification en 1975.

Un ensemble architectural unique en son genre

La cathédrale de Phát Diêm a été construite de 1875 à 1899.

J’ai fait connaissance avec l’évêché de Phát Diêm en 1947, au début de la guerre. J’étais chargé par le Comité administratif de Nam Dinh de remettre un présent de courtoisie à l’évêque Lê Huu Tu. Le présent consistait en quelques boîtes de biscuits et bouteilles de vin glanées parmi les débris d’un avion militaire français abattu.

Par la suite, j’ai fait quelques passages à Phát Diêm. Cette fois, grâce à un séjour plus long et aux explications données par le jeune curé, homme très ouvert, que je découvre l’importance et la beauté de l’ensemble architectural de la cathédrale de Phát Diêm, construit de 1875 à 1899, dans le district de Kim Son, qui avait été conquis sur la mer par le grand mandarin administrateur et poète Nguyên Công Tru. La région avait été l’un des premiers terroirs de l’évangélisation au Nord du Vietnam, dès le XVIIe siècle.

L’architecte et le maître d’œuvre de la cathédrale fut le Père Pierre Trân Luc (1824-1899), plus connu sous le nom populaire de Cha Sáu (Père Six) parce qu’il n’avait gravi que six des sept échelons de la prêtrise. Curé de la paroisse de Phát Diêm pendant plus de 30 ans, jusqu’à sa mort, il s’est dépensé sans compter afin de réaliser son œuvre architecturale. Il aurait été nommé par la Cour de Huê, sur la suggestion de l’occupant français, Khâm Sai (Délégué royal) pour participer à la répression de la rébellion des lettrés patriotes à Ba Ðình.

L’ensemble architectural de Trân Luc, unique en son genre, est typique de l’acculturation religieuse entre Orient et Occident puisqu’il marie harmonieusement les concepts et l’expression esthétiques du Vietnam, de la Chine et de l’Occident, bouddhisme, confucianisme, taoïsme, catholicisme.

La pagode de Bái Ðính dans la province de Ninh Binh, au Nord.
Photo : CTV/CVN

L’aspect général évoque la pagode, la maison communale, le palais royal (une mare comme devant la maison communale du village, toits aux coins recourbés, tour portique avec cloche style vietnamien, colonnade en bois de fer, charpente avec système de tenon et de mortaises, retable et statues laquées rouge et or, motifs de décoration orientaux : idéogrammes chinois, les quatre plantes nobles, yin et yang représentant l’union du Père et du Fils dans le Saint Esprit…). L’église catholique, plus ou moins romane, est présente avec sa structure, sa nef, les sentences en latin, les statues du Christ, de Marie et des saints.

L’ensemble comprend l’étang, le campanile, la cathédrale, quatre chapelles latérales, l’église de pierre, trois grottes artificielles. Particulièrement remarquables sont la cathédrale appelée à tort cathédrale de pierre, le campanile et l’église de pierre.

La cathédrale impressionne par la pureté et la diversité des lignes ainsi que la finesse des sculptures et des ciselures. Le campanile ou Phuong đình (traduit souvent par maison communale carrée, je crois que le mot "đình" ici ne désigne pas nécessairement la maison communale. Le Phuong đình, pavillon carré où Nguyên Van Siêu enseignait à ses disciples, impose par sa majesté. L’église de pierre dédiée au Cœur Immaculé de Marie, entièrement en pierre, est un véritable joyau.

Nous quittons Phát Diêm non sans regret pour aller à Bái Ðính que nous atteignons à la fin de l’après-midi.

La construction de ce plus grand centre bouddhique du Nord bat son plein. Les travaux s’échelonnent sur plusieurs collines. Nous nous émerveillons devant quatre statues énormes de bouddha en bronze, l’une de 100 tonnes et les trois autres de 30 tonnes, les 500 statues d’arhats en pierre plus hautes que l’homme, des pagodes immenses construites avec des techniques modernes.

Je pense à deux autres centres bouddhiques de taille, au Sud (Ðai Nam Quôc Tu à Bình Duong) et au Centre (Minh Thành à Pleiku). Les bâtisseurs ont environ 40 ans, deux négociants et un bonze. Il ne faut pas désespérer de nos jeunes générations… Tous les gens ne sont pas des adeptes de l’argent et du consumérisme.

 

Huu Ngoc/CVN
(Juillet 2008)

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