>>Un cours de chant folklorique ouvre au coeur de Hôi An
>>Raviver la flamme du chant xâm
Lors d’un entraînement d’interprétation du chant "dô" dans la commune de Liêp Tuyêt, district de Quôc Oai, à Hanoï. |
Photo : Quynh Ngoc/CVN |
Étant un chant folklorique et rituel des habitants de la commune de Liêp Tuyêt, district de Quôc Oai, en banlieue de Hanoï, le dô diffère des autres airs populaires vietnamiens par la fréquence à laquelle on l’interprète. Si la grande majorité se chantent à n’importe quel moment de l’année, au gré des envies ou des saisons, le dô n’était traditionnellement interprété que tous les… 36 ans selon la coutume, du 10e au 15e jours du 1er mois lunaire.
La dernière véritable fête du chant dô a eu lieu en 1926. Et il a fallu attendre jusqu’en 1990, soit après 64 ans d’absence, pour que ces airs soient de nouveau représentés dans le cadre d’un programme de restauration et de préservation des anciennes richesses culturelles et artistiques nationales.
Des airs légendaires
Ce chant est lié à la fête du temple de Khánh Xuân, vouant un culte au génie de la montagne Tan Viên. Selon la légende, un jour, le génie de cette montagne - Tan Viên, l’un des quatre immortels de la croyance populaire du Vietnam, s’arrêta à Lap Ha (aujourd’hui commune de Liêp Tuyêt) pour admirer ses paysages sublimes. Constatant que les habitants de cet endroit étaient forts et travailleurs, il leur enseigna la culture du riz et du maïs ainsi que des techniques d’irrigation et la construction de digues. Lorsqu’il eut terminé, il quitta Lap Ha et leur promit de revenir lorsque le riz serait mûr. Cette année-là, les villageois obtinrent d’ailleurs une très bonne récolte.
Or, le temps passait et les villageois attendaient désespérément le retour de leur bienfaiteur à l’approche de chaque récolte, en vain. Le génie ne refit son apparition que 36 ans après sa première visite et se montra particulièrement satisfait de la prospérité des habitants qu’il avait aidés. Ceux-ci bâtirent le temple de Khánh Xuân, également appelé Xuân Ca Cung (palais où l’on interprète des airs au printemps), pour lui rendre un culte et organiser des fêtes de chants. Le génie leur enseigna des airs et le chant dô vit ainsi le jour.
Afin d’exprimer leur reconnaissance envers leur génie, les habitants de la commune de Liêp Tuyêt tiennent la fête du chant dô tous les 36 ans. Les airs enseignés par le génie sont transcrits dans un livre et ne sont chantés que pendant la fête. La croyance veut que le livre soit immédiatement rangé une fois la fête terminée et qu’il serait bien dangereux pour celui qui s’y risquerait de rechanter le dô en dehors des moments consacrés. En effet, briser cet interdit condamnerait le chanteur indiscipliné à la paralysie faciale ou au mutisme total… Ainsi, la conséquence de cette croyance a été tout aussi malheureuse pour le dô lui-même : par peur de le chanter, il a bien failli disparaître.
Une grande créativité
Dès le 8e mois lunaire, le temple est ouvert pour que les villageois sollicitent au génie la permission d’ouvrir le livre des paroles. Les chanteurs sont eux sélectionnés parmi les jeunes qui n’ont commis aucun crime et dont aucun des proches n’est décédé pendant cette année-là. Avec une quarantaine d’airs différents, le dô se répartit en deux sous-types : les chants sacrés et les chants romantiques. Le premier est chanté strictement lors des fêtes dans les temples et pagodes, tandis que le second se penche sur l’amour, les rêves des travailleurs et la croyance en un monde surnaturel. Une fête typique du dô comprend des chants et des danses.
La troupe compte un ou deux conducteurs et entre 8 et 20 chanteuses qui les accompagnent en dansant. Les paroles sollicitent le génie pour qu’il leur apporte bonheur et prospérité dans leur vie quotidienne. D’après le Pr-Dr. Tô Ngoc Thanh, président de l’Association des arts populaires du Vietnam, "le +dô+ est une merveilleuse création humaine. Il s’agit vraiment d’une perle précieuse du patrimoine culturel national à préserver, à transmettre de génération en génération et à valoriser sur le long terme".
En effet, selon des personnes âgées de Liêp Tuyêt, le dô a presque été complètement oublié jusqu’aux années 1990.
Réviser ses gammes
Le "dô" est un chant folklorique et rituel des habitants de la commune de Liêp Tuyêt, district de Quôc Oai, à Hanoï. |
Photo : CTV/CVN |
Heureusement, ce chant est devenu un exemple de restitution de précieux airs populaires ces dernières années. Certains habitants de Liêp Tuyêt, comme Nguyên Thi Lan, présidente du Club de dô de la commune, ayant un fort désir de restauration et de conservation de ce chant, ont bravé les interdits traditionnels afin de le remettre sur scène, grâce au soutien des aïeuls de la commune pour retrouver les airs, les chants et les danses. "Changer la mentalité sur ces croyances, collectionner des airs anciens et s’entraîner afin de restituer un art traditionnel constituent toutefois un long processus qui ne sont pas faciles", exprime Nguyên Thi Lan.
En 1989, avec des cadres locaux chargés de la culture, elle est allée encourager les personnes âgées qui avaient connu le dô à le faire revivre mais elle s’est surtout frottée à un refus unanime, de peur de voir le village se faire punir par le génie. Mme Lan est tout de même parvenue à les convaincre en amenant les habitants à demander l’autorisation à leur génie de chanter le dô lors d’autres fêtes et occasions, ce qui a fonctionné.
Fondé en 1990, le Club de dô de la commune de Liêp Tuyêt compte aujourd’hui une vingtaine de membres. Après 30 ans depuis le premier cours de chant, un millier de personnes l’ont pratiqué et interprété. Cela lui a permis de devenir l’une des activités culturelles et spirituelles préférées des habitants puis du monde des arts traditionnels. Le chant est mis en avant lors de spectacles à Hanoï et d’autres localités. En 2003, le Club du chant dô de Liêp Tuyêt a été reconnu comme "une des adresses prestigieuses de l’art populaire". Le collège de Liêp Tuyêt a en outre introduit son interprétation dans son programme extra-scolaire.
Et pourtant, tous les efforts consentis ne semblent plus suffire. Le chant se revoit menacé de disparaître par manque de moyens permettant sa restauration et sa professionnalisation. Les amateurs attendent le jour où la fête du dô sera de nouveau organisée, où ses airs seront valorisés et mieux présentés à tous les Vietnamiens comme aux étrangers.