De la cuisine à l’autel, des préceptes Nùng en vue d’une année heureuse

Le Têt est la plus grande fête de l’année pour les Nung, comme pour l’ensemble des Vietnamiens. C’est particulièrement le cas pour les Nung Phan Slinh, dans la province septentrionale de Lang Son. Ses membres ont une façon bien à eux de célébrer le Nouvel An lunaire, depuis des générations, pour limiter les risques de déconvenues.

La chair de canard est l’ingrédient incontournable pour les Nung Phan Slinh quand ils préparent le dernier repas de l’année. Selon leurs croyances, le palmipède est le meilleur agent contre l’adversité, comme l’explique Luong Van Bach, un habitant de Lang Son: «Nos aïeuls nous ont dit que la viande de canard avait le pouvoir de chasser les malheurs de l’année passée. En la mangeant, on souhaite à toute la famille santé, sérénité et succès dans les études pour les enfants».

La chair de la volaille aquatique peut être préparée de différentes façons, rôtie avec des feuilles de mac mat, une spécialité régionale, et du miel d’abeille ; ou bien bouillie, en la laissant mijoter avec du taro, accompagné de légumes de forêt. Mais la recette la plus populaire consiste à la faire cuire avec des jeunes pousses de bambous fermentés, au goût légèrement acide.

Pour le repas du Jour de l’An, il ya du "banh chung", un coq castré et du riz gluant cuit à la vapeur puis écrasé pour être confectionné en différents types de gâteaux.

Quoi qu’il en soit, le plat doit impérativement être consommé en totalité avant de passer à la nouvelle période lunaire. Un proverbe Nung stipule que l’on ne doit «pas manger de canard durant le premier mois de l’année, ni de poulet durant le septième», par crainte que cela provoque des infortunes. Cet interdit ancestral reste bien ancré dans la communauté.

Hoang Van To, un autre Nung Phan Slinh de Lang Son, nous en dit plus sur la suite des festivités : «Pour le repas du Jour de l’An, nous préparons des ‘banh chung’, un coq castré, et du riz gluant cuit à la vapeur puis écrasé pour être confectionné en différents types de gâteaux».

À l’occasion du Têt, les membres du sous-groupe ethnique nettoient aussi l’autel en mémoire de leurs ancêtres, et l’embellissent en y collant des papiers rouges. Ils lavent également les urnes de cendre d’encens, avec une eau parfumée par des feuilles. Sur le meuble destiné au recueillement, ils installent des banh chung, les gâteaux de riz gluant préparés partout dans le Nord à cette époque de l’année, ainsi qu’un coq castré et bouilli, de la viande de porc, des friandises, des fruits et deux plantes décoratives appelées «cannes des muets» en français. Des bâtonnets d’encens sont brûlés à côté de la cuisine, devant la porte de la maison et sur l’autel, évidemment, où ils doivent rester allumés en permanence. Un autre grand tabou interdit aux Nung Phan Slinh de faire du feu dans la rue durant les nuits du réveillon et du Jour de l’An.

Après le repas de fin d’année, supposé avoir chassé toutes les malchances des douze mois qui ont précédé, on accueille le Têt en famille. À minuit pile, on brûle d’autres bâtonnets sur l’autel des ancêtres, en laissant grande ouverte la porte d’entrée de la maison. Les femmes vont à la source pour y chercher de l’eau censée apporter le bonheur, puis on s’échange les vœux.

Le Jour de l’An, personne ne balaye la maison, ni lave le linge ou utilise de pilon, ces activités et objets pouvant apporter le malheur. Selon les mêmes principes, on évite aussi de se rendre visite entre voisins durant la première matinée de l’année. On attend l’après-midi de peur que la chance s’en aille, autre tabou.

En outre, les Nung Phan Slinh placent beaucoup d’espoir dans la première personne qui entre chez eux ce jour-là. Son profil idéal est celui d’un homme dynamique, généreux, qui a une famille heureuse. Autrefois, les villageois choisissaient un paysan de leur localité, réputé pour sa gentillesse, sa bonne santé et sa progéniture nombreuse. Il visitait chaque famille pour lui souhaiter une année pleine de chance et de prospérité, puis collait un papier carré rouge devant chaque étable. Le groupe le voyait comme un talisman qui allait protéger son bétail. Pour cette raison, le monsieur était accueilli chaleureusement par toutes les familles, et comblé de tous les cadeaux possibles et imaginables.


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