Dans les écoles allemandes, les réfugiés apprennent et les enseignants aussi

L’an dernier, l’Allemagne a accueilli quelque 890.000 réfugiés, dont un tiers de mineurs. Le pays est confronté à la tâche herculéenne d’absorber ces nouveaux arrivants dans son système scolaire, ce qui coûtera 2,3 milliards d’euros par an.

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Un réfugié dans une classe à l’école Heinrich-von-Brentano, à Hochheim, une ville allemande à l’ouest de Francfort.

Pour Mustafa, le plus difficile dans l’apprentissage de l’allemand est de savoir quel article utiliser entre le masculin «der», le féminin «die» et le neutre «das». «Et le tréma», ajoute son camarade Majd, tout aussi frustré par la complexité de cette langue.

Mais ces deux adolescents syriens ne se plaignent pas sérieusement. Ayant échappé aux combats qui font rage dans leur pays et survécu au terrible voyage jusqu’en Europe, ils sont heureux d’être de nouveau sur les bancs de l’école, étape cruciale du retour à une vie normale.

Mustafa, Majd et leurs familles font partie des quelque 890.000 réfugiés arrivés l’an dernier en Allemagne.

Les obstacles sont de taille. La plupart des jeunes ne parlaient pas un mot d’allemand en arrivant et avaient généralement raté des mois, voire des années, de scolarité. Et beaucoup sont traumatisés par ce qu’ils ont vécu en Syrie.

«C’est un énorme défi», assure Ilka Hoffmann, membre du conseil d’administration du GEW, le plus grand syndicat d’enseignants allemand. Elle estime que l’Allemagne devra embaucher quelque 24.000 nouveaux enseignants pour faire face à cet afflux, sans compter le besoin urgent de psychologues et de conseillers dans les écoles.

«Les traumatismes se manifestent de différentes façons», explique-t-elle. «Nous y sommes mal préparés».

«Intense»

Mustafa et Majd sont inscrits à l’école Heinrich-von-Brentano, à Hochheim, une ville pittoresque à l’ouest de Francfort. Cet établissement a mis en place deux classes «intensives» pour enseigner l’allemand à 22 élèves réfugiés venant pour la plupart de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan.

Ici comme dans les autres écoles du pays, la devise de la chancelière Angela Merkel («Wir schaffen das», «nous y arriverons») est plus qu’un simple slogan, c’est une mission quotidienne.

Dans une classe à l’école Heinrich-von-Brentano, à Hochheim, en Allemagne.
Photo : AFP/VNA/CVN

Dans la classe de Mustafa, l’atmosphère est joviale mais les défis sont nombreux pour leur professeur Michael Smiraglia : il doit jongler entre des élèves très avancés dans leur apprentissage de l’allemand et d’autres qui en sont encore à apprendre l’alphabet latin. À cela s’ajoute la difficulté de travailler avec des adolescents traumatisés ayant parfois un comportement difficile dans l’enceinte d’une classe.

«Je me suis rapidement rendu compte que la classe +intensive+ serait également intense pour moi en tant que professeur», glisse M. Smiraglia, tandis que ses élèves lisent un dialogue dans un allemand haché et hésitant.

Il était auparavant conseiller familial et a travaillé avec des jeunes traumatisés, ce qui lui est «immensément utile» à son poste actuel.

«J’ai des élèves âgés de 12 à 15 ans qui ont eu peur pour leur vie», explique l’enseignant d’une voix douce, soulignant l’importance de leur offrir un cadre sûr pour leur permettre de se confier. «C’est un cadeau quand ils s’ouvrent à moi, ça me permet de mieux les comprendre et de gérer les comportements inappropriés».

Briser la glace

Pour les élèves réfugiés, le véritable test viendra quand ils devront quitter le cocon de la classe intensive pour rejoindre des classes normales, où les enseignants ont un programme à suivre et n’auront peut-être ni le temps ni les outils pour les aider individuellement.

Pour faciliter la transition, les réfugiés de l’école Brentano passent déjà plusieurs heures par semaine avec leurs camarades allemands pour des cours d’anglais, de mathématiques ou de sport.

La langue reste toutefois une barrière. «Les professeurs parlent si vite, je ne comprends pas grand-chose», regrette Mustafa.

Mais cela aide à briser la glace entre les nouveaux arrivants et les élèves allemands, tout comme le fait de jouer au football pendant les récréations. «Nous jouons ensemble et du coup nous améliorons notre allemand», raconte Mustafa.

Les adolescents des classes intensives admettent qu’ils ont encore trop tendance à rester entre eux.

«Je n’ai pas beaucoup de contacts avec les enfants allemands», dit Marjan, une jeune fille de 14 ans originaire d’Afghanistan. «Mais tout le monde est très sympathique».

L’une des principales différences avec son ancienne école, c’est la mixité, et «c’est bien», juge-t-elle. «Nous nous comprenons mieux quand nous apprenons ensemble».

Mustafa, lui, n’est pas vraiment convaincu. Quand les garçons et les filles ont cours ensemble, «les garçons ne pensent qu’à dire +Je t’aime+ et n’étudient pas. N’ai-je pas raison?», interroge-t-il avec un timide sourire pendant que ses camarades éclatent de rire.

Revenir à l’école permet en tout cas à ces adolescents de faire à nouveau des plans d’avenir. Mustafa veut être pilote car il croit impossible de faire carrière dans ce qui le passionne vraiment : le karaté. Marjan hésite entre devenir avocate et maquilleuse. Majd, lui, est déterminé : il sera policier.

AFP/VNA/CVN

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