Croyances et rites des Mang (suite)

Les Mang ne comptent plus que 3.000 représentants, répartis dans la province montagneuse de Son La (Nord-Ouest). Leurs mœurs et coutumes gardent de nombreux vestiges de communautés tribales. Leur culture folklorique ne manque pas d’originalité et de pittoresque.

>>Croyances et rites des Mang

Les enfants des Mang dans la province de Son La.

Les Mang appartiennent à la famille ethno-linguistique austroasiatique (groupe môn-khmer). Ils vivent de la culture du riz et du maïs, de la cueillette et de la chasse, dans leurs petits villages groupant chacun une dizaine de familles. Encore parfois nomades, les Mang croient que le Dieu suprême, Mon Ten (Ciel) est le créateur des hommes, des plantes, des animaux et de tout l’univers. Ci-dessous quelques cultes et cérémonies des Mang.

Cérémonie d’identification de la maladie

Elle a pour but d’identifier le fantôme auteur de la maladie. On fait asseoir le malade devant un couteau pointu suspendu à une poutre. Le sorcier maître de cérémonie ferme les yeux, psalmodie des formules magiques et invoque toutes sortes de fantômes (de la forêt, de la source, du fleuve, des plantes...). Après chaque appel, il ouvre les yeux pour regarder le couteau : si le couteau bouge, c’est signe qu’il a identifié le fantôme malfaisant. Pour savoir si l’identification est exacte, il prend un œuf de poule, lui parle puis le roule plusieurs fois sur le corps du malade, en particulier sur la partie douloureuse. Il mire l’œuf au soleil, s’il y découvre une certaine tache, c’est que l’identification est exacte. On continue la cérémonie et le traitement médical.

En dehors de l’emploi des herbes de la forêt, les Mang ont recours aux cérémonies curatives dont le couteau est l’outil essentiel. On chauffe au feu un couteau pointu. On passe par plusieurs fois sa main sur le dos de la lame chauffée avant de masser le corps du malade, surtout la partie souffrante. L’opération est employée dans les cas de maladie légère.

Pour interpréter les augures et présages, les offrandes cultuelles sont très simples. On met sur un plateau une bougie ou une lampe qu’on allume et de la cire chauffée. On casse un œuf de poule, prend le jaune d’œuf qu’on moule plusieurs fois sur les plats des mains avant de le promener au-dessus de la fumée de la cire puis sur la flamme de la bougie ou de la lampe, en prononçant des formules magiques. On demande le concours des fantômes pour connaître le sens des augures. Si le jaune d’œuf présente certains signes, on peut augurer un bon ou mauvais événement pour la famille ou pour le village (bonne ou mauvaise récolte, maladie, accident).

Un sorcier est invité à effectuer le culte.

Culte des fantômes de la forêt

Si l’on a réussi à savoir que la maladie d’une personne est causée par le fantôme de la forêt, on organise une cérémonie pour le chasser. On prend un tronçon de bambou, on en fait un couvercle, on bouche le fond avec de la cire qu’on chauffe jusqu’à ce qu’elle dégage une fumée odorante. On promène cette fumée sur les vêtements du malade en prononçant des formules magiques, en tapant plusieurs fois légèrement sur le bambou.

Si le rite accompli trois fois ne fait pas reculer la maladie, on recommence le manège trois fois en brûlant de la cire en présence d’un poulet dont on brûle les plumes de la queue. On croit que la cire, avec son odeur particulière, a la propriété d’attirer les fantômes pour les écarter.

Culte du fantôme de la rizière sèche

Les rizières se trouvent sur les pentes de montagne. Les Mang pratiquent le rây ou culture sur brûlis : on choisit un coin de forêt pour y brûler la végétation. Le terrain ainsi défriché est cultivé pendant cinq ans, puis abandonné pour un autre terrain. Au cas où le maïs ou le riz cultivé est attaqué par des insectes, on célèbre une cérémonie dite «de la rizière» sur place ou à la maison (dans cette conjoncture avec la présence de quelques plants de maïs ou de riz provenant de la rizière). Selon le cas, on étale une feuille de bananier dans la cour devant la maison ou à proximité de la rizière, sur laquelle sont mis les plants de maïs ou de riz. On sème en éventant des gouttes de sang prises aux oreilles d’un chien jaune ou noir sur les plants de riz ou de maïs, ne cessant de crier : «Fantômes de montagne et de forêt, vous voilà repus du sang de chien, ne venez plus dévorer notre riz et notre maïs, faire flétrir nos plants de riz et de maïs. Vous avez été repus de sang de chien, laissez le riz et le maïs donner en abondance». Ce rite étant accompli, on détache le chien attaché et remet les plants sacrés dans la rizière.

Aujourd’hui, les cérémonies peuvent se faire à la maison ou directement sur les rizières.

Cérémonie des épis de riz

Quand le riz donne des épis, cette cérémonie demande que la moisson soit abondante, les grains gros et lourds. Elle a lieu dans la rizière ou à la maison (dans ce dernier cas, avec la présence de quelques gerbes d’épis de riz). Les offrandes cultuelles comprennent trois queues de poisson blanc enveloppées dans des cheveux blancs et grillées. Quand ces objets commencent à prendre feu, on les promène au-dessus des épis en psalmodiant des prières et des vœux.

Cérémonie du riz nouvellement récolté

Elle est organisée au début ou à la fin de la moisson dans la rizière même. Elle est importante parce qu’elle peut exercer une influence bénéfique sur les prochaines récoltes. Elle a lieu trois jours après la cérémonie de l’âme du riz. La maîtresse de cérémonie doit être la femme la plus âgée du loyer, en général la mère du père de famille. Au cas où elle est décédée, c’est la femme du fils aîné de la famille. Les membres de la famille de la maîtresse de cérémonie (elle représente la Mère Riz) viennent l’aider à réaliser la cérémonie, le père de famille n’étant pas sollicité.

Comme offrandes, on prépare du riz gluant bouilli avec des grains nouvellement récoltés séchés et décortiqués, on tue un gros coq, et même un cochon si la famille est aisée. Le plateau d’offrandes, posé sur le plancher devant la colonne centrale de la maison, comprend un bol de riz gluant, un coq bouilli, une assiette de porc, quelques plats végétariens, une soucoupe de sel et de poivre, un vase d’alcool. On y ajoute souvent du gibier obtenu par la chasse ou du poisson. Debout devant le plateau d’offrandes posé contre la colonne centrale, la maîtresse de cérémonie, yeux mi-clos et mains jointes à la hauteur de la poitrine, psalmodie la prière. Celle-ci dit la joie apportée par une récolte abondante et invite les esprits des ancêtres et de la maison à la partager avec la famille et à la bénir afin que la récolte de l’année à venir puisse être meilleure. La cérémonie est clôturée par de joyeuses libations et réjouissances (chants, danses) qui peuvent durer des mois dans le village.

Dans la croyance des Mang, le riz a son âme et joue un rôle important dans leur vie spirituelle et matérielle.

Les Mang ne célèbrent pas le Nouvel An comme d’autres peuples. La cérémonie du riz nouvellement moissonné est leur fête printanière. Les temps ont changé. À l’heure actuelle, cette cérémonie se raccourcit et se simplifie en vue d’économiser temps et argent.

Cérémonie de l’Âme du Riz

C’est la cérémonie agricole la plus importante car la récolte du riz de l’année en dépend. Elle a lieu vers le 10e mois lunaire quand le riz commence à mûrir. Elle ne concerne pas les hommes de la famille, c’est l’affaire des femmes. La maîtresse de cérémonie est la femme la plus âgée, en général la mère du père de famille (ou la femme du fils aîné) qui représente la Mère Riz. La responsable doit prendre un bain purificateur avant le jour des préparatifs. Ce jour-là, elle se lève très tôt, avant les autres membres de la famille.

Les offrandes cultuelles comprennent un coq bouilli, ou de la viande de porc (la tête du porc ou un morceau de foie) avec du sel et du piment dans une assiette. Elles sont mises dans une petite hotte que la maîtresse de cérémonie porte au dos pour aller à la rizière de montagne. Elle descend du plancher de la maison par l’échelle secondaire, le corps tout droit, puis poursuit son chemin sans rien dire, elle ne répond à personne. La Mère Riz, une fois arrivée à la rizière, pose une pierre au milieu d’elle. Elle met dessus trois gerbes d’épis qui servent de support pour les offrandes cultuelles. Elle joint ses mains pour invoquer l'Âme du Riz, se tournant quatre fois dans quatre directions, poussant chaque fois trois cris. Parce que le pauvre fantôme est en train d’errer, cherchant un gîte sur terre, on lui offre une gîte provisoire et nourriture avec la pierre et les offrandes avant qu’elle regagne sa demeure permanente. Le riz moissonné est mis sur la pierre et constitue la demeure provisoire de l’Âme du Riz.

Abattage d’un poulet pour le culte des ancêtres, puis organisation d’une cérémonie pour arroser le sacrifice. Un jeune couple de l’ethnie Mang peut ensuite s’installer dans sa nouvelle maison. Photo : TT/CVN

Le service religieux terminé, la Mère Riz commence à couper le riz, épi par épi, non avec une faucille mais avec une hachette. On moissonne ensuite en partant du milieu de la rizière. Pendant l’opération, il est interdit de parler. On s’abstient de répondre aux passants éventuels. Après la coupe, les épis sont entassés dans la rizière. Au déclin du jour, la Mère Riz épile quelques épis lourds dont elle emporte les grains dans la hotte. Elle rentre à la maison par le même chemin, toujours muette comme une carpe. À la maison, elle décortique les grains puis les cuit dans un tube de bambou. Quand toute la famille a déjà dormi, elle mange ce riz dans l’obscurité complète, mettant de côté une bouchée pour la mélanger le jour suivant avec le riz consommé en famille. Le jour suivant, pour continuer la moisson, la Mère Riz doit venir à la rizière, moissonner avant les autres, toujours par le même chemin.

Il est permis maintenant aux moissonneurs de bavarder à volonté, mais il leur est interdit de parler aux passants éventuels et aux gens d’autres familles. La moisson terminée, une dernière cérémonie honore le fantôme Âme du Riz.

Huu Ngoc/CVN


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