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Dans le Centre, notamment à Nghê An, des vêtements de protection solaire sont indispensables pour sortir de la maison. |
Photo: Ta Chuyên/VNA/CVN |
Une fois de plus, j’enfourche ma moto pour relier Hanoï à Hô Chi Minh-Ville. Là où l’avion le parcourt en 2 heures, le bus en près de 40 heures, le train en 36 heures, je mettrai 12 jours. Douze jours de pur bonheur à sentir le Vietnam à fleur de peau...
Ce matin, depuis Ninh Binh (Nord) où j’ai dormi, je décide de profiter de la fraîcheur du jour naissant. Alors que la nuit s’évapore doucement, j’effectue une opération essentielle qui se renouvellera souvent lors de mon voyage: arrimer les bagages sur les motos et vérifier que l’équilibre est respecté pour éviter de perdre le contrôle de la moto à cause d’un sac qui souhaiterait s’échapper en cours de route, mais qu’un tendeur, resté fidèle, continuerait à traîner derrière la machine! Mésaventure qui m’arrive à la sortie de la ville, en sautant sur un trou que la semi-obscurité m’empêche d’anticiper!
Je sens brusquement un poids mort à l’arrière m’entraîner du côté gauche, alors que je veux aller du côté droit. Coup d’œil dans le rétroviseur: mon sac, ce matin, a envie de voyager, non pas derrière-moi, mais à côté de moi! Je m’arrête et remet en place le récalcitrant, en s’assurant qu’il ne récidivera pas. Sous la lueur des étoiles faiblissantes et de l’aurore naissante, je repars bonne roue, bon œil, en direction du col de Dèo Ngang - la porte de l’Annam -, à 300 km de là!
Courte fraîcheur
Les motos ronronnent. De chaque côté de la route, le paysage déploie les rizières vertes, tendres. Hormis quelques canards qui battent des ailes en nous voyant passer et un ou deux bœufs matinaux qui s’étonnent de voir des humains sur la route à cette heure là, nous sommes seuls sur le ruban de bitume. La fraîcheur de l’aube est vivifiante, et dans le lointain, les rochers karstiques qui signalent Tam Côc (Nord) - la baie de Ha Long terrestre - rosissent sous le soleil levant. Cette tranquillité ne durera pas longtemps.
Pour l’instant, mon estomac me signale que voyager le ventre creux n’est pas conseillé, et je m’arrête à Tam Diêp, juste devant une gargote qui vient de mettre ses tables sur le trottoir. Qu’il est bon ce premier phở bò (soupe au bœuf) de la journée! Qu’elle est sympa cette dame qui, émue de voir que je viens de Hanoï en moto, me sert double ration et m’offre une orange pour le même prix! Jamais, au cours de ce voyage, la gentillesse et l’hospitalité des Vietnamiens ne se démentiront. Il faut dire qu’un Français qui parle vietnamien voyageant en moto depuis Hanoï jusqu’à Hô Chi Minh-Ville, c’est un peu comme une espèce en voie de disparition qu’on a envie de protéger. No nê, c’est-à-dire rassasié, je reprends une route que j’avais laissée déserte, mais qui, depuis mon arrêt, s’est animée.
Maintenant, les travailleurs matinaux m’accompagnent le long de notre chemin: Bim Son, Hà Trung… Voici, la ville de Thanh Hoá (Centre), avec le pont Hàm Rông qui enjambe le fleuve Ma, calme aujourd’hui, mais qui peut se déchaîner à la saison des pluies. Pour moi, ce n’est pas les pluies que je dois craindre aujourd’hui, mais plutôt la chaleur écrasante du soleil: la météo prédit une journée torride de plus de 40°C dans la région.
Déjà autour de 08h00 du matin, on sent l’air devenir plus cuisant… Je décide de ne pas m’attarder et de m’abriter à Vinh aux heures les plus chaudes. Pas le temps de s’arrêter sur la plage de Sâm Son. Ce sera pour une autre fois. Seules haltes autorisées, à peu près tous les 150 km: les postes à essence. Ma moto est gourmande!
La plage de Thiên Câm dans la province de Hà Tinh (Centre) est une destination prisée de nombreux habitants locaux en été. |
Photo: Phan Quân/VNA/CVN |
Coups de chaleur
La route devient de plus en plus encombrée, donc de plus en plus dangereuse. Je constate, de nouveau, un phénomène remarquable: le Vietnamien, qui est naturellement de tempérament aimable et qui a l’habitude de vivre en collectivité, devient un monstre d’égoïsme et de fureur dès qu’il est sur la route.
En France, on dit que la route est à tout le monde et qu’elle doit se partager… Ici, j’ai l’impression que chacun a décidé que la route lui appartenait et qu’il n’est pas question de la partager. C’est chacun pour soi et Ông Trời (le Ciel) pour tous! Des motos roulent à toute allure, doublant à droite, à gauche, et au milieu. Des voitures arrivent, klaxon hurlant et font gicler tous les véhicules à deux roues ou à deux pieds sur les côtés de la route. Des camions fous doublent sans ralentir et sans se préoccuper de savoir si la route est libre devant eux. Mais les pires, ce sont les bus rouges, verts, bleus, gris… Quelle que soit leur couleur, leur seule obsession est d’arriver le plus vite possible, alors ils doublent en 3e ou 4e position, envoyant au fossé tout ce qui est moins gros qu’eux. Combien faudra-t-il de morts sur les routes pour que chacun comprenne que conduire, c’est d’abord respecter l’autre!
C’est dans ces conditions que, sous une chaleur de plus en plus éprouvante, j’atteins Vinh vers 11h00. Vite, je loue une chambre à l’heure dans un petit hôtel. Le déjeuner est vite expédié… La sieste dans la fraîcheur de la chambre m’a revigoré. Après Vinh, c’est la province de Hà Tinh (Centre), une des plus pauvres du Vietnam. Ici, les hivers sont rudes et l’air marin burine la peau des habitants. Sur les côtés de la route, des enfants gardent des bœufs efflanqués ou conduisent de redoutables buffles à leurs bains de boue.
Sur le bas-côté, une borne: Dông Hà 206 km! Je suis seulement à 411 km de Hanoï! Voici Hà Tinh, le quê (ville natale) de ma femme. Pas le temps de s’arrêter dans la famille: je ne pourrais pas repartir. La nuit tombe tout doucement, la route se calme un peu. Il est presque 19h00 quand je franchis le tunnel sous le Hoan Son et le col de Dèo Ngang. Je suis en Annam. J’ai roulé pendant dix heures: il est temps de s’arrêter pour la nuit. Au premier village rencontré, je trouve un charmant hôtel au bord d’une rivière: Sông Loan. Installation rapide dans la chambre, la douche rituelle pour se laver de la poussière de la route, et direction le premier restaurant venu pour dîner aux chandelles! Ce soir là, l’Annam m’accueille avec une coupure d’électricité.
Chúc bạn ăn ngon (Bon appétit) et ensuite, au lit! La route ça épuise!
Gérard BONNAFONT/CVN