>>Couche-Tard et Carrefour : refus du gouvernement français "clair et définitif"
>>La Bourse de Paris hésite, Carrefour va crescendo
Un hypermarché Carrefour à Saint-Herblain, près de Nantes, le 13 janvier. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La décision de jeter l'éponge a été prise après une rencontre entre le ministre de l'Économie français Bruno Le Maire et le fondateur de Couche-Tard Alain Bouchard, selon l'agence qui cite des sources proches du dossier.
Pour tenter de rassurer Bercy, M. Bouchard avait pourtant promis plusieurs milliards d'investissements dans Carrefour et s'était engagé à maintenir l'emploi pendant deux ans et à coter le groupe en Bourse à Paris, en parallèle avec le Canada, précise l'agence.
"Ma position, c'est un non courtois, mais clair et définitif" : le ministre de l'Économie français avait rapidement douché les espoirs des partisans du "rapprochement" envisagé par Couche-Tard et Carrefour, expliquant vendredi 15 janvier sur BFMTV et RMC qu'"on ne cède pas l'un des grands distributeurs français".
Une prise de position d'autant plus dissuasive que le gouvernement a le pouvoir de bloquer les opérations de rachat dans l'industrie agroalimentaire, via la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers. "Je préfère ne pas avoir à l'employer", a ajouté M. Le Maire, en précisant néanmoins qu'il n'hésiterait pas "s'il le fallait".
Le précédent "yaourt"
Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, avait refusé vendredi 15 janvier de commenter l'opération au motif que "des discussions étaient en cours", se bornant à indiquer que le rôle de son gouvernement était de soutenir les entreprises de son pays, "y compris lorsqu'elles regardaient pour prendre de l'expansion dans le monde".
Mais vendredi soir 15 janvier, après les informations sur l'échec des négociations, une source gouvernementale à Ottawa a critiqué l'argument de Paris accusant Couche-Tard de menacer la sécurité alimentaire de la France.
La position du gouvernement français avait jeté un froid. "Le ministre de l'Économie n'a pas peur de qualifier de stratégique le secteur de la distribution alimentaire, et d'être ridiculisé pour cela, comme l'avait été son prédécesseur quand le yaourt (c'est-à-dire Danone) avait connu un honneur similaire", taclent les analystes financiers du cabinet AlphaValue, faisant allusion au refus de l'État de laisser Danone se faire racheter par Pepsi en 2005.
Investissements massifs
Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, à l'Elysée, le 13 janvier. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Si le secteur est stratégique, a aussi observé Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (dont Carrefour est membre), il faut "des décisions pour faire en sorte que ce secteur qui est le premier employeur de France puisse se consolider et survivre".
Selon le quotidien Les Echos, Couche-Tard avait évoqué dans les premières discussions un investissement de 3 milliards d'euros sur cinq ans pour favoriser le développement de Carrefour, un chiffre confirmé par un connaisseur du dossier.
Pas de quoi convaincre le gouvernement, donc, ni les organisations syndicales du groupe Carrefour, qui ont pour leur part estimé que "les conséquences, notamment sociales, d'une telle opération pourraient être désastreuses pour les salariés", selon les termes de FO (premier syndicat du groupe).
Dans un autre communiqué tweeté vendredi 15 janvier, le Snec/CFE-CGC (syndicat national de l'encadrement du groupe Carrefour, 4e en matière de représentativité) "s'interroge sur le mutisme du groupe Carrefour et les méthodes managériales de Couche-Tard", et demande à Carrefour de "communiquer d'urgence envers ses salariés".
Le veto du gouvernement a en tout cas fait retomber le cours de Bourse du distributeur dans le rouge, à 16,61 euros à la clôture vendredi 15 janvier. Il reste malgré tout plus élevé qu'avant l'annonce choc de ces "discussions très préliminaires" entre les deux distributeurs.
AFP/VNA/CVN