Coopération franco-vietnamienne élargie et multiforme

La France célèbre aujourd'hui sa Fête nationale (14 juillet). À cette occasion, Jean-François Girault, ambassadeur de France au Vietnam, accorde au Courrier du Vietnam une interview sur la perspective des relations de coopération bilatérales.

Que pensez-vous des relations d'amitié et de coopération entre la France et le Vietnam ces dernières années, ainsi que de leurs perspectives dans l'avenir ?

Nous entretenons un partenariat solide, diversifié, qui donne satisfaction aux 2 partenaires. Le Vietnam est l'un des principaux partenaires de la France dans la région, qu'il s'agisse des investissements privés, de l'aide publique par laquelle la France contribue au développement du Vietnam ou des coopérations dans le domaine de la formation et de l'éducation.

Dans le domaine économique, il y a une certaine complémentarité entre nos économies, et c'est précisément en raison de cette complémentarité que nos relations commerciales pourraient être améliorées : les entreprises vietnamiennes vendent essentiellement à la France des biens de consommation, tandis que les entreprises françaises vendent plutôt des matériels aéronautiques, des produits pharmaceutiques et différents intrants industriels et agroalimentaires. D'où la nécessité bien comprise de nos 2 pays de renforcer leur partenariat économique.

C'est dans cet esprit que le Premier ministre François Fillon est venu au Vietnam en novembre dernier, visite qui a notamment entériné un accord qui se trouve à la jonction des démarches économique, politique, scientifique : celui concernant la création de l'Université des sciences et technologies de Hanoi (USTH), qui ouvrira ses portes en octobre. C'est un magnifique symbole de créer ensemble et de faire fonctionner ensemble un outil qui sera un atout majeur pour le développement scientifique et économique du Vietnam.

Mais l'économie n'est pas tout : le Vietnam demeure, pour la France, un partenaire privilégié dans le domaine culturel. Vos lecteurs connaissent l'Espace, qui depuis 2003 offre aux publics vietnamiens les divers aspects de la culture française, européenne - puisqu'il ouvre ses portes à nos partenaires de l'Union européenne (UE)- et aussi vietnamienne -en accueillant des troupes, des écrivains, des chercheurs et en montant des spectacles ensemble. L'Espace, c'est aussi un public de plus en plus nombreux pour des débats portant par exemple sur les grandes questions internationales comme l'environnement ou la mondialisation, c'est du cinéma, de la musique, des livres, des expositions. Et il existe d'autres "espaces" au Vietnam, avec le centre culturel de Huê ou l'Institut pour les échanges culturels avec la France de Hô Chi Minh-Ville. Dans ce domaine aussi, nous entretenons des relations étroites, et elles vont se renforcer avec la création d'un centre culturel vietnamien à Paris, qui a également fait l'objet d'un accord lors de la visite de notre Premier ministre.

J'ajouterai qu'il a été décidé d'organiser, en 2013, des années croisées de la France au Vietnam et du Vietnam en France, qui permettront d'apporter encore plus aux publics de nos 2 pays et de renforcer la connaissance mutuelle et le dialogue. Il est trop tôt pour en parler dans le détail, mais nous y travaillons.

D'après vous, qu'est-ce que nos 2 pays doivent faire pour valoriser davantage leur rôle dans la promotion des relations Asie-Europe sur les plans politique, économique, culturel et de civilisation ?

L'Asie est une région majeure, pour la France et pour l'Europe, dans le domaine économique (il suffit de voir les performances d'un certain nombre de pays asiatiques), mais aussi en termes d'échanges scientifiques et culturels, avec un potentiel éducatif et de recherche qui peut donner lieu à de nombreux partenariats. Les évolutions économiques et sociales, et notamment l'émergence des classes moyennes entraînent une demande importante dans les domaines de la science, de l'éducation, de l'économie, et aussi de la culture.

Sur ces questions que je viens d'évoquer, qui se posent également aux Européens, le dialogue existe, entre l'Europe et l'Asie. Au-delà de l'économie et du commerce, qui sont évidemment très importants, l'Europe peut apporter beaucoup, et recevoir beaucoup, s'agissant de la réflexion politique et stratégique, de la défense de nos intérêts, qui sont liés (que l'on pense à l'environnement, par exemple) et nous devons donc travailler ensemble sur de nombreuses questions pour renforcer la compréhension entre les peuples qui composent ces 2 ensembles régionaux, pour dynamiser leurs échanges, pour renforcer leur voix dans les grands débats internationaux.

Le dialogue UE-ASEAN et l'ASEM offrent le cadre de ce dialogue. Tout comme l'Europe, l'ASEAN, à 43 ans, poursuit son intégration, avec la mise en œuvre de sa charte. Elle est un partenaire "naturel" de l'UE qui entretient avec elle, de longue date (elle s'est dotée dès 1980 d'un cadre pour ses relations avec l'ASEAN), des relations privilégiées, qu'il s'agisse de partenariats économiques ou de questions de gouvernance (développement, investissements, changement climatique…). La France y prend toute sa part. Et naturellement, le Vietnam, qui assure cette année la présidence de l'ASEAN, est en situation de développer encore ces relations. Je me réjouis d'ailleurs de la décision du Premier ministre vietnamien et de la Commission européenne d'engager le plus rapidement possible des négociations en vue de l'établissement d'un accord bilatéral de libre-échange.

C'est aussi à l'initiative d'un pays européen, la France, et d'un pays asiatique, Singapour, qu'a été lancé en 1996 l'ASEM, partenariat politique, au sein duquel se rencontrent les 2 régions (qui représentent tout de même la moitié de la population mondiale !) pour un dialogue politique, qui aborde toutes les questions, celles du système multilatéral, du terrorisme, de la lutte contre la prolifération, de la coopération économique et commerciale. C'est d'ailleurs à Hanoi, en 2005, que les 2 régions ont décidé de renforcer le partenariat économique entre l'Europe et l'Asie. L'ASEM, par le biais de l'ASEF, la Fondation Europe-Asie, dont la France avait proposé la création, est aussi un forum qui vise à accroître la compréhension entre les peuples des 2 régions.

Comment la France entend-elle traduire concrètement son soutien au Vietnam dans les domaines de l'aide publique au développement ? Quelles mesures compte-t-elle prendre pour dynamiser les relations économiques et commerciales avec le Vietnam ?

Permettez-moi de rappeler d'abord que la France est le second bailleur bilatéral du Vietnam et le premier européen. L'aide au développement de la France, qui est très concrète, passe par de multiples canaux. S'agissant de l'Agence française de développement (AFD), son action se développe résolument. Elle a dépassé le milliard d'euros d'engagement au Vietnam depuis son installation en 1994. Elle devrait engager plus de 150 millions d'euros en 2010, essentiellement en prêts concessionnels à l'État. Plus important, son taux de décaissement, important en ce qu'il traduit les investissements réels dont bénéficie la population, est l'un des plus élevés des bailleurs de fonds opérant ici. Par ailleurs, en accord avec les autorités vietnamiennes, l'AFD oriente progressivement ses actions vers la lutte contre le changement climatique, selon 2 axes : la limitation des émissions de gaz à effet de serre et l'atténuation des effets du changement climatique. Elle agit en soutenant les politiques menées par le Vietnam et en finançant des investissements dans l'agriculture, l'industrie et les infrastructures. L'AFD contribue également au développement du système financier et du système de formation professionnelle. Enfin, et ce n'est pas le moins important, elle contribue aussi, au-delà des financements, à la réflexion et aux débats sur les sujets qui présentent des enjeux de développement pour le Vietnam (développement urbain ou migrations, par exemple).

La France dispose d'autres instruments, qui sont également actifs au Vietnam : si l'on ajoute aux financements apportés par l'AFD les protocoles financiers dépendant du ministère de l'Économie, la France dispose d'un stock consolidé d'engagements de près de 2 milliards d'euros. Si l'on y ajoute encore le stock de licences d'investissements directs étrangers français (IDE), estimé à 3 milliards de dollars, cela donne une idée de l'importance effective de nos relations économiques.

Au chapitre strictement commercial, malgré la progression de notre commerce bilatéral (avec un courant d'échanges de 1,7 milliard de dollars), la France n'était en 2009 que le 14e fournisseur et le 19e acheteur du Vietnam. C'est bien, mais face notamment à la concurrence relativement récente des entreprises asiatiques, je pense que nous pouvons mieux faire, notamment dans les domaines où la technologie et le savoir-faire français sont reconnus, comme le nucléaire, l'aéronautique et le spatial, l'environnement, l'agro-industrie et les transports (notamment urbains). S'il appartient aux entreprises, et à elles seules, de décider de prospecter le marché vietnamien, les pouvoirs publics français mettent en œuvre des mesures pour faciliter leurs stratégies de développement et dynamiser les relations économiques et commerciales entre nos deux pays. Je citerai la constitution du Haut Conseil pour le développement des relations économiques et commerciales entre la France et le Vietnam. Ce conseil, sous la présidence du vice-ministre permanent du Plan et des Investissements et du secrétaire d'État français au Commerce extérieur, a pour objectif de dynamiser notre commerce bilatéral. Sa création se traduira à l'automne prochain par la tenue d'un forum d'affaires organisé pendant la Semaine française, qui réunira plusieurs centaines d'entreprises françaises et vietnamiennes à la recherche de partenariats d'affaires. Je vous rappelle également que le dispositif public de soutien aux entreprises françaises, en particulier les PME, vient d'être renforcé avec l'ouverture de la mission économique Ubifrance.

Quelles seront les actions françaises pour développer davantage les relations franco-vietnamiennes dans l'éducation et la formation ?

Nous sommes convaincus, tous comme les autorités vietnamiennes, que la formation est un des leviers fondamentaux pour assurer la croissance et le développement à long terme.

S'agissant de la coopération scientifique et universitaire, la France s'est engagée à accompagner le Vietnam dans la formation de docteurs afin de réussir le développement du système universitaire vietnamien vers les standards internationaux. Au delà des 400 docteurs qui seront formés, de 2010 à 2020, pour être les futurs enseignants-chercheurs de l'USTH, les universités françaises sont prêtes à accueillir 2.000 doctorants dans le cadre du programme vietnamien "20.000 nouveaux docteurs pour 2030". Ils viendront s'ajouter aux 5.000 jeunes Vietnamiens qui font leurs études en France.

L'AFD, pour sa part, travaille avec le ministère du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales dans le domaine de la formation professionnelle, que j'évoquais précédemment. Un projet achevé en 2009 a permis de moderniser 4 écoles dans le pays. Un nouveau projet, d'un montant de 20 millions d'euros, devrait être mis en œuvre en 2010 ou 2011 et permettre à trois écoles de se développer, dont 2 devraient atteindre un niveau d'excellence. Avec cette opération, comme dans toute notre action en matière d'éducation et de formation, nous aidons le Vietnam à passer un cap en matière de qualité. C'est l'une des clefs pour que le Vietnam réussisse, comme il le souhaite, le passage au statut de pays industrialisé.

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