Un iceberg arrimé, tel une plate-forme offshore, à quelques encablures des Canaries après avoir traversé l'Atlantique en moins de cinq mois. Ce n'est encore qu'une image virtuelle, fruit d'une simulation en 3D de ce voyage. Mais l'obstiné Georges Mougin ne désespère pas de voir ça un jour. "Un iceberg présente un double intérêt", souligne l'ingénieur qui rêve d'un tel transfert depuis 1975 mais se heurte à nombre d'incertitudes scientifiques. "Un iceberg transféré en basse latitude devient une source d'énergie, soit pour le refroidissement de centrales existantes soit pour alimenter des centrales de type ETM (énergie thermique des mers, technique qui permet de produire de l'électricité en utilisant la différence de température entre eau de surface et eau froide des profondeurs)", explique-t-il.
L'eau froide résultant de la fonte "permet ensuite de faire la climatisation de grandes zones" avant d'être utilisée comme eau douce pour la consommation domestique. De quoi justifier un tel transfert vers des contrées arides comme les Canaries, le Portugal ou le Maroc. Les icebergs, qui se détachent des glaciers des pôles, sont composés d'eau douce, au contraire des banquises composées d'eau de mer gelée.
Contraint de patienter depuis les années 80, l'ingénieur relance son idée depuis quelques années grâce aux progrès de l'océanographie qui permettent aujourd'hui une connaissance détaillée des courants marins.
Le projet de l'ingénieur n'est pas de tracter les icebergs, monstres de plusieurs millions de tonnes, mais de profiter de leur "dérive naturelle" à travers les océans en les guidant avec un remorqueur.
Cette "intuition", la société Dassault Systèmes a accepté de la "modéliser" avec des logiciels de pointe habituellement utilisés par des industriels pour concevoir leurs produits. "On a mis les outils les plus modernes dans ses mains pour voir si son projet est possible ou non", explique le directeur du projet chez Dassault Systèmes, Cédric Simard.
Toutes les étapes ont ainsi été simulées en 3D, du choix de l'iceberg idéal au large de Terre-Neuve, au Canada, à son arrivée aux Canaries en incluant une traversée dans les conditions météo d'une année-type.
Pour cette simulation numérique, racontée dans un documentaire qui doit être prochainement diffusé dans l'émission Thalassa sur France 3, le choix s'est porté sur un iceberg de sept millions de tonnes, dit "tabulaire" c'est-à-dire plat et donc peu susceptible de se retourner ou de se briser lors de la traversée. Georges Mougin prévoit d' "habiller" l'iceberg d'une "jupe" faite dans un textile synthétique utilisé sur certains glaciers pour en ralentir la fonte.
Cette "jupe" serait appliquée avec une senne, un gigantesque filet utilisé pour la pêche au thon. Ce procédé créé un "matelas d'eau" isolant autour de l'iceberg, selon les calculs validés par cette simulation.
Ainsi paré, l'iceberg arriverait aux Canaries en 141 jours en ayant perdu "seulement" un tiers de sa masse. Il serait encore capable d'alimenter en eau une ville de quelque 50.000 habitants pendant un an. Georges Mougin, conforté par ce succès virtuel, promet désormais une "première expérience statique dans une baie de Terre-Neuve pour vérifier la validité de la protection" avec sa société WPI. Peut-être au printemps 2012.
AFP/VNACVN