>>2.000 couverts: pour ses 50 ans, Rungis régale la plus grande tablée du monde
>>Coronavirus : le point sur la pandémie dans le monde
>>Des milliers de manifestants à Vienne contre les restrictions
Karin Hofbauer donne un cours de pâtisserie en ligne depuis la cuisine de sa maison à Vienne, le 12 mars en Autriche. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"C'est bête comme chou, je l'ai faite mille fois pour des amis ou la famille, ça marche à tous les coups", explique Karin Hofbauer, 62 ans, tout en étalant une épaisse crème anglaise. De l'autre côté de l'écran, cinq gourmandes alléchées par l'authenticité de ce concept peu banal, né il y a quelques années pour combler la solitude des personnes âgées et leur offrir un complément de retraite bienvenu.
Un premier établissement a vu le jour dans la capitale autrichienne en 2015, puis un second début 2020, tout Vienne et ses "millenials" se pressant pour vivre l'expérience sucrée d'un saut dans le temps. Le nom de ces cafés : Vollpension, un mot allemand qui désigne aussi bien la retraite à taux plein que la pension complète. Le décor est vintage, avec puzzles jaunis et canevas canins, petits napperons et faïences à fleurs, et les bons petits plats réveillent la nostalgie des sensations d'antan.
"Sentir qu'on a besoin d'elles"
En cuisine comme en salle se pressent par roulement une cinquantaine de mamies et papis aux lèvres fourmillant d'anecdotes. Ou plutôt se pressaient, car il a fallu s'adapter aux restrictions sanitaires qui ont eu raison de la convivialité de ces rencontres entre générations. Alors histoire de garder le moral, outre la vente à emporter, les retraités se sont mis à dispenser leurs secrets culinaires via Zoom, derrière leurs propres fourneaux ou dans un vrai studio TV digne des plus grands chefs conçu pour l'occasion. Et la demande est au rendez-vous, avec plus de 500 participants comptabilisés à ce jour.
Comme les autres, Karin Hofbauer s'est équipée dans son logis rustique d'un ordinateur avec webcam intégrée. Vollpension, c'est comme une nouvelle vie pour cette ancienne responsable administrative en milieu hospitalier. Quand elle a pris sa retraite il y a deux ans, la dynamique sexagénaire avait envie de "faire quelque chose qui ait du sens", confie-t-elle une fois que les internautes ont refermé leur session sur une bonne odeur caramélisée.
"Plus de problème de hanche"
C'est du gagnant-gagnant, car les "personnes âgées veulent sentir qu'on a besoin d'elles", souligne Franz Kolland, spécialiste des aspects sociaux du troisième âge. "C'est quelque chose d'extraordinairement crucial quand on veut bien vieillir". "Les gens ont devant eux deux décennies" et se retrouvent parfois désemparés. "Il faut les approcher", estime l'universitaire, pour qui le café Vollpension est un "modèle à suivre".
Des grand-mères préparent des Buchteln, spécialité autrichienne fourrée à la confiture, au café Vollpension, le 27 février à Vienne, en Autriche. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le cofondateur du projet, Moriz Piffl-Percevic, ne compte plus les amis qui lui ont raconté avoir vu leur grand-mère s'épanouir en intégrant l'équipe. "Tout à coup, il n'y a plus de problème de hanche et on boit un peu moins", sourit-il, intarissable sur la "générosité" des plats, riches de l'expérience de centaines de repas du dimanche.
Tour du monde des papilles
Contre mauvaise fortune bon cœur, comme tout se déroule hélas en ligne, pourquoi ne pas proposer aux nombreuses esseulé(e)s du monde de rejoindre l'aventure ? "Grannies Wanted" : cette semaine, Vollpension a posté sur internet de touchantes vidéos pour recruter en anglais, italien, espagnol ou russe, langues maîtrisées par certaines de ces grisonnantes têtes viennoises.
"Nous sommes un peu vieux, mais nous ne sommes certainement pas sur la touche", lance, taquin, l'un d'entre eux, ajoutant : "postulez dès maintenant !", tandis qu'une autre appelle à "saisir l'occasion pour se faire un peu de sous". Et tous d'espérer que des grand-mères thaïlandaises viendront bientôt livrer leur recette de riz gluant à la mangue, ou des Bretonnes celle du Kouign Amann : "des plats locaux et nationaux" expliqués par leurs meilleurs ambassadeurs, "voilà ce qui compte", insiste M. Piffl-Percevic.
Une perspective qui réjouit Karin Hofbauer. "J'ai trouvé de nouveaux amis et si on réalise un tour du monde à travers nos papilles, on va vraiment s'amuser", s'enthousiasme-t-elle en attaquant la vaisselle. "Plus on est de fous, plus on rit !"
AFP/VNA/CVN