>>Accord États-Unis - Mexique: le Canada, dos au mur ou en position de force?
>>Accord Mexique - États-Unis sur le commerce, la balle dans le camp du Canada
Chrystia Freeland le 24 août à Richmond (Colombie-Britannique) . |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Chrystia Freeland, en charge de ce dossier ultra-stratégique, a interrompu sans attendre une tournée en Europe pour venir entamer des négociations après l'annonce par le président Donald Trump que le Mexique et les États-Unis avaient conclu un "très bon accord".
Il a fallu des semaines de discussions aux négociateurs des deux pays pour arriver à se mettre d'accord sur un texte qui touche à l'automobile (l'un des principaux contentieux), l'agriculture, le droit du travail ou encore la propriété intellectuelle.
M. Trump juge l'Aléna "désastreux" pour les États-Unis et responsable entre autres d'avoir détruit de nombreux emplois américains, en raison des délocalisations vers le Mexique où le coût salarial est moins élevé. Le Canada - lui aussi signataire de l'accord de 1994 - n'a pas participé à cette phase des négociations, préférant laisser le Mexique et les États-Unis régler leurs différends, bien plus nombreux. Mais le Premier ministre canadien Justin Trudeau et M. Trump ont eu lundi 27 août une "discussion constructive" après l'annonce de l'entente entre Washington et Mexico, selon le cabinet du dirigeant canadien.
Rien de plus n'a filtré du côté canadien sur les détails de l'accord USA-Mexique: acceptables ou non pour Ottawa? Le porte-parole de Mme Freeland, Adam Austen, a juste rappelé que le Canada ne signerait l'accord que si celui-ci "est bon pour le Canada et la classe moyenne".
Avec ou sans le Canada
Donald Trump a quelque peu semé le trouble en évoquant un accord uniquement bilatéral avec le Canada, ce qui signerait concrètement la mort de l'Aléna.
Avery Shenfeld, économiste à la banque CIBC, juge que les choses ne commencent pas sous les meilleurs auspices pour Ottawa parce que "le Canada sera placé devant une proposition qui sera à prendre ou à laisser, avec la menace pas du tout subtile que les États-Unis sont prêts à laisser le Canada de côté et à travailler sur une base bilatérale avec le Mexique". "M. Trump veut obtenir une victoire rapide" avant les élections de mi-mandat en novembre, "et il croit que (l'entente USA-Mexique, ndlr) va mettre de la pression sur le Canada pour conclure un accord", analyse de son côté Patrick Leblond, expert en commerce international à l'université d'Ottawa.
Le président élu mexicain, Andrés Manuel Lopez Obrador, qui prendra ses fonctions le 1er décembre, a estimé qu'il était "important que le gouvernement du Canada soit appelé, comme c'est déjà le cas", à se joindre à l'accord, "pour que l'Accord de libre-échange nord-américain soit maintenu". Aux États-Unis, plusieurs groupes de pression poussent aussi l'administration Trump à bien inclure le Canada dans le nouvel accord.
Ainsi l'organisation industrielle National Foreign Trade Council (NFTC) qui comprend 300 grandes compagnies a jugé qu'il était "essentiel que tout Aléna modernisé continue à inclure les trois partenaires nord-américains". Larry Kudlow, le conseiller économique en chef du président Trump, a usé d'une menace voilée. "Espérons que le Canada va examiner attentivement cette bonne négociation", a-t-il lancé, rappelant explicitement qu'en cas de désaccord Donald Trump envisageait d'imposer des taxes douanières sur les voitures.
Le négociateur mexicain en chef Jesus Seade (gauche), le secrétaire mexicain à l'Économie, Ildefonso Guajardo, et le ministre des Affaires étrangères mexicain, Luis Videgaray, lors d'une conférence de presse à Washington DC, le 27 août. |
Les États-Unis ont néanmoins fait une concession en abandonnant l'idée d'une renégociation du nouvel accord tous les 5 ans, au profit d'une nouvelle formule beaucoup plus longue. La Bourse de New York a salué l'accord, tout comme le peso et le dollar canadien.
L'un des points les plus importants de cet accord Etats-Unis/Mexique concerne le secteur automobile. Les deux pays ont mis à jour les règles d'origine pour encourager "le secteur manufacturier américain (...) en exigeant que 75% du contenu des automobiles soit issu des États-Unis et du Mexique". Auparavant, le contenu nord-américain devait porter sur 62,5% des composants automobiles.
L'accord requiert en outre que 40% à 45% du contenu d'une automobile soit produit par des travailleurs gagnant au moins 16 dollars de l'heure. Les représentants mexicains étaient impatients de signer un nouveau traité avant la fin du mois, c'est-à-dire cette semaine, car ils veulent avoir l'approbation du corps législatif avant que le nouveau président mexicain élu ne prenne ses fonctions.
AFP/VNA/CVN