>>Les commerçants "non essentiels" tempêtent contre la "concurrence déloyale"
Des rayons condamnés dans un supermarché à Paris, le 4 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Fermer des rayons, ça fait 25 ans que je travaille en hypermarché, je n'avais jamais connu ça". Christophe Buysse est le directeur de l'hypermarché Carrefour de Villiers-en-Bière (Seine-et-Marne), l'un des plus gros de France. Mercredi soir 4 novembre, il évoque une journée "avec un bel élan de cohésion et de solidarité", pour réorganiser les rayons et respecter une liste de produits "qui a évolué jusqu'au dernier moment".
"C'est beaucoup de travail pour que les rayons correspondent aux attentes de l'État", décrit-il. Depuis mercredi matin 4 novembre et pour la durée du confinement, les grandes surfaces ne peuvent commercialiser qu'un nombre restreint de produits, à commencer par l'alimentaire, mais aussi - entre autres - des journaux, de la papeterie, des matériaux de construction, ainsi que des produits de toilette, d'hygiène, d'entretien et de puériculture.
"Mécontentement chez les clients"
Des règles pas évidentes à appliquer. "Ça crée du mécontentement chez les clients, qui ne comprennent pas quels produits sont accessibles ou non", explique José Mendes, délégué CGT Monoprix Aubervilliers. "Et c'est une surcharge de travail pour les salariés, d'autant que les consignes changent tous les jours, au fil des négociations avec le gouvernement."
Responsable syndical CGT au magasin Carrefour d'Angers Saint-Serge, Patrice Auvinet a même réclamé un CSE extraordinaire face à la "totale désorganisation du magasin" et à la "surcharge de travail". "Des collègues changent de rayon tous les jours, une collègue s'est blessée en cherchant des produits dans une réserve qu'elle ne connaissait pas, trois points de suture... C'est la désorganisation totale."
S'il juge "normal qu'on ait notre rôle à jouer", Nicolas Bringer, patron de l'Hyper U de Mende, en Lozère, évoque lui aussi une "mise en œuvre acrobatique".
Dans un supermarché Monoprix à Paris, le 4 novembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Nos magasins ne sont pas conçus pour cela et il y a des choses un peu contradictoires à prendre en compte: il faut que les produits soient inaccessibles aux clients, mais pas à nos équipes Courses U qui préparent les commandes en ligne", explique-t-il encore.
Les supermarchés ont en effet "mis en place une organisation en forme de click&collect", permettant aux clients "de commander à distance des produits non autorisés à la vente en direct, qu'on leur amène à un point de retrait extérieur au magasin, comme un drive", décrit Christophe Buysse.
Idem chez Système U, qui a aussi "la capacité d'utiliser notre site sur lequel on a renforcé notre assortiment", explique Nicolas Bringer.
"On trouve toujours des solutions, mais ça nous complique la vie et celle de nos clients", observe encore ce dernier. Il "espère que ça ne durera pas trop longtemps, parce qu'on essaie de préserver l'emploi pour l'instant mais ces rayons représentent de grosses équipes, et une grosse chute de chiffre d'affaires". Si la situation durait dans le temps, certains distributeurs pourraient recourir au chômage partiel.
"Satané virus"
Chez Lidl, les produits non autorisés ont été "complètement retirés et stockés", et "remplacés par des produits festifs alimentaires pour tenter de pousser un peu le chiffre d'affaires sur ces produits-là", explique à l'AFP Michel Biero, directeur exécutif achats et marketing.
"On a moins de produits non alimentaires que les autres. Ce qui est problématique pour nous aujourd'hui c'est le textile, les jouets en bois qui marchent très fort normalement, et la décoration de Noël", explique-t-il. Mais "le plus catastrophique, ce sont les fleurs et plantes, parce que les autres produits vous pouvez les stocker, alors que là vous les jetez".
Espérant que le gouvernement "va assouplir les règles concernant les plantes et les sapins de Noël", il conçoit malgré tout qu'il n'est "pas simple", pour les autorités, "de prendre des décisions heure par heure". "Le plus important", relativise encore Michel Biero, "c'est qu'on joue le jeu parce que l'objectif premier est de protéger les concitoyens, et de se débarrasser de ce satané virus".
AFP/VNA/CVN