Code à décoder

Qu’on se le dise: il existe un Code de la route au Vietnam. On l’apprend quand on passe le permis de conduire, même si curieusement l’amnésie routière semble être commune à nombre de conducteurs…

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Savoir circuler, c’est d’abord connaître le code... ou les codes.  
Photo: Hoàng Hùng/VNA/CVN

Pour peu que l’on s’en préoccupe, il est possible de trouver, dans des librairies vietnamiennes, un exemplaire du Code de la route vietnamien et les textes réglementaires qui s’y rapportent. Pour étonnant que cela soit à celui qui, débarquant dans ce pays, n’y voit qu’un immense chaos, le conducteur doit se soumettre à un certain nombre de règles, guère différentes de celles que nous pouvons connaître en France.

Code de conduite

Les règles générales sont simples: "On roule à droite, la ceinture de sécurité est obligatoire pour le conducteur ainsi que pour le passager assis sur les sièges avants. Les conducteurs doivent céder la priorité aux piétons traversant aux passages prévus à cet effet. Aux croisements et en l’absence de signalisation, on applique la priorité à droite. À l’inverse, dans les ronds-points, c’est la priorité à gauche qui prévaut".

Alors là, marquons un temps d’arrêt! La notion de priorité prend du vent dans les voiles dès que le conducteur vietnamien est au volant. De nature altruiste, elle devient de type narcissique paranoïaque, et pourrait se traduire par: les piétons doivent dégager vite fait pour me laisser la priorité, et dans toute intersection, si je suis le plus gros, j’ai toujours la priorité, peu m’importe que je vienne de droite ou de gauche…

"Pour les changements de direction ou les changements de voies, l’usage du clignotant est obligatoire. De même, lors des dépassements, il convient de toujours signaler son intention grâce au clignotant ou, le cas échéant (et le plus souvent), par signal sonore (klaxon)". Attention, il est interdit de klaxonner entre 22h00 et 05h00!

Sur ce point particulier, non seulement le conducteur vietnamien a bien retenu le principe, mais, plus royaliste que le roi, il remplace le clignotant systématiquement par le klaxon. Ce qui lui pose évidemment un réel problème pour circuler entre 22h00 et 05h00, en respectant l’interdiction de klaxonner. D’ailleurs, il semblerait que puisque la nuit tous les chats sont gris, il est inutile de s’encombrer de précautions pour franchir les carrefours ou doubler: un bon gros klaxon permet de dégager la route devant soi. Malheur aux sourds!

"En ce qui concerne les feux tricolores, il faut impérativement s’arrêter au feu rouge ainsi qu’au feu orange, sauf si la situation ne le permet pas". Laissée à la libre appréciation de chacun, ce point particulier devient en réalité: il faut impérativement passer au feu rouge, sauf si la situation ne le permet pas…

Code de survie

"En ce qui concerne les feux tricolores, il faut impérativement s’arrêter au feu rouge ainsi qu’au feu orange, sauf si la situation ne le permet pas", selon le Code de la route.
Photo: ST/CVN

Conducteur ou piéton, quel que soit le point de vue où l’on se trouve, c’est frissons garantis! Quand je suis conducteur et que je suis en arrêt à un feu rouge, j’ai souvent l’impression de me trouver eu milieu d’une manade de taureaux espagnols, prêts à être lâchés dans les rues. Les motos qui m’entourent piaffent du moteur trépignent du pot d’échappement; les mufles des conducteurs sont tendus, naseaux fumants, muscles noués. Le compte à rebours n’a pas encore atteint 00 que déjà les étalons les plus furieux se ruent en avant, dans une explosion tonitruante, rasant in extremis les audacieux de la voie transversale qui pensaient que leur compte à rebours en vert leur garantissait un passage protégé! Peut-être espèrent-ils ainsi provoquer l’émoi d’admiratrices éperdues devant la démonstration d’une telle virilité.

D’ailleurs, je n’ai pas le temps "d’admirer l’exploit" que déjà le reste du troupeau me pousse en avant dans une envolée de klaxons furieux, et c’est à moi d’éviter alors les inconscients du flot adjacent, tellement préoccupés par leur route qu’ils ne voient pas les feux tricolores situés sur les côtés. Cet obstacle franchi, il ne me reste plus qu’à prier mes ancêtres pour que le suivant ne me soit pas fatidique.

Les règles générales sont simples: "On roule à droite, la ceinture de sécurité est obligatoire pour le conducteur ainsi que pour le passager assis sur les sièges avants. Les conducteurs doivent céder la priorité aux piétons traversant aux passages prévus à cet effet. Aux croisements et en l’absence de signalisation, on applique la priorité à droite. À l’inverse, dans les ronds-points, c’est la priorité à gauche qui prévaut".

Quand je suis piéton, avant de traverser à un feu rouge, et même si le petit personnage me signalant que je peux passer, est vert, je dois toujours me remémorer  les règles de survie du piéton au Vietnam: une fois le pied posé sur la chaussée, ne plus reculer! Avancer lentement mais sûrement! Surveiller constamment son flanc doit ou gauche, selon le sens de circulation! Ne pas faire confiance à la couleur verte du personnage ou à la couleur rouge du feu! Se persuader que les conducteurs ne sont pas des monstres et qu’il leur reste un peu d’humanité qui leur permettra de ne pas vous foncer dessus à tout prix! Avoir répété quelques passes de toréador, comme la "véronique", bien utile pour éviter in extremis les cornes de la bête. Avoir vérifié que toutes ses primes d’assurance ont bien été payées et que sa famille ne manquera de rien. Enfin, croire en sa bonne étoile! Une fois ces règles admises, on peut traverser, tout en sachant qu’une moto conduite par une enfant de moins de 3 ans, ou un daltonien, peut surgir d’un moment à l’autre.

Un jour, une amie me disait que depuis plusieurs mois elle constatait un regain d’intérêt des touristes pour les feux tricolores. En effet, il semblerait que ceux-ci photographient de plus en plus ces endroits. Selon elle, il s’agirait d’un attrait pour la modernisation de la vie économique du pays. Pourquoi pas? Mais on pourrait aussi y voir la pitié d’un Occidental vis-à-vis de ces pauvres feux tricolores pour lesquels on manque totalement de respect, et qui donne l’impression de naufragés essayant d’attirer désespérément l’attention de sauveteurs au milieu d’une mer déchaînée.

D’ailleurs, c’est plutôt au Code maritime qu’il convient de se rapporter ici: c’est le plus manœuvrant qui doit s’écarter de la route du moins manœuvrant. Les jambes du piéton étant le plus manœuvrant de tous les véhicules…

Comme quoi, même la rigidité d’une législation comme le Code de la route, ne résiste pas à l’extraordinaire capacité d’adaptation du Vietnamien.


Gérard BONNAFONT/CVN

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