Les aventures ou mésaventures se cachent partout, même dans des lieux aussi banals que les halls d’aéroports. |
Photo: Anh Tuân/VNA/CVN |
J'attends des amis à l'aéroport de Nôi Bài à Hanoï et, l'habitude étant, je m'apprête à stationner longuement dans le hall d'accueil. C'est que faire apposer ses visas à l'arrivée, passer le contrôle des frontières et récupérer ses bagages, ça ne se fait pas en cinq minutes.
Peu avisé
J'ai même le sentiment que les différents acteurs de ces étapes cruciales pour poser ses valises au Vietnam font durer le plaisir pour que l'Occidental pressé qui débarque comprenne rapidement ce qu'est la proverbiale patience asiatique. C'est pourquoi, estimant avoir une bonne heure d'attente avant que mes amis ne franchissent le sas de sortie, je m'installe confortablement sur un des fauteuils que l'administration aéroportuaire met gracieusement au service de nos postérieurs, et me plonge dans la lecture d'un roman policier dont j'ai hâte de connaître l'issue.
Et je considère que le laps de temps dont je dispose me permettra de connaître enfin le nom de l'assassin, caché dans les 50 dernières pages. À peine le temps d'arriver à la quinzième que, relevant la tête pour un coup d'œil panoramique sur l'arrivée des voyageurs, j'aperçois mes amis qui filent vers la sortie. Je ferme mon livre, le jette dans mon sac à dos, et mes jambes à la poursuite de mes véloces amis.
Je les rejoins in extremis, avant qu'ils ne hèlent un taxi. "Ça alors! Vous êtes d'une rapidité exceptionnelle! Vous étiez seuls au guichet des visas?". "Visas? Quels visas? On nous a fait franchir le contrôle sans passer par la case visa".
En une seconde, je passe de la satisfaction d'avoir compris pourquoi je n'avais pas eu le temps de connaître mon assassin à l'effarement de savoir que mes amis, qui doivent séjourner 20 jours au Vietnam, vont devoir le quitter cinq jours plutôt par suite d'erreur d'aiguillage à l'arrivée! Vite trouver une solution qui évite que leurs vacances vietnamiennes soient gâchées dès la première minute… Pour moi, c'est évident: il faut remonter le temps!
Justement, j'aperçois un policier qui représente la première étape de mon retour vers le futur. J'aborde aimablement le digne représentant de la loi (toujours être aimable, même si parfois le représentant n'est pas digne). En deux mots en vietnamien, je lui explique l'impensable que, par chance, il partage sans hésiter. Je n'aurais pas à perdre un temps fou à donner les causes circonstanciées de cette situation anormale. Il nous remet entre les mains d'un autre fonctionnaire qui s'empare des quatre passeports de la famille (oui, mes amis sont une famille), ainsi que du père de famille. Je rassure la mère et les enfants, en leur expliquant que leur mari et père n'est pas pris en otage, et qu'ils le reverront bientôt. Je leur propose même de monter au premier étage d'où, à travers les larges baies vitrées, nous pouvons voir la progression paternelle maternée par le policier. En l'observant, je me dis que mon ami doit être un des rares touristes à être entrés au Vietnam pour en ressortir dix minutes plus tard, et y revenir une demi-heure après.
Les logiciels de sécurité des ordinateurs de la police des frontières ont dû avoir quelques frissons et nous avons frisé le bug. Finalement, nous le retrouvons passeports avec visas, en mains. Les vacances peuvent commencer, mais quelle aventure!
Mal avisé
Au lac de l'Ouest, à Hanoï. |
Photo: VNA/CVN |
C'est du côté du lac de l'Ouest que je l'ai croisé. Il ne devait pas supporter la chaleur accablante de ces derniers jours, mais pour l'heure, c'est moi qui suis accablé à sa vue. Un Occidental qui, du haut de ses 180 cm, mettait le poids de son approximatif quintal pour s'exhiber torse nu. Je ne veux pas faire bégueule, ni prude à l'extrême, mais j'avoue que le spectacle d'un tronc adipeux, donc la poitrine dégouline sur une panse gonflée à la bière, aux bourrelets qui dévalent les flancs, n'a rien de très ragoûtant. Dans un pays où la face est importante, quand elle s'affaisse, on frise le ridicule.
On m'objectera que beaucoup de Vietnamiens n'hésitent pas à remonter leur maillot pour s'aérer l'abdomen et se rafraîchir les abdominaux. Mais c'est justement là que le bât blesse: le ventre plat dont les tablettes de chocolat sont à l'extérieur confère une certaine élégance à la nudité du thorax, alors que le ventre rebondi dont les tablettes de chocolat sont à l'intérieur ne saurait être élégant que caché.
Encore une fois, force m'est de constater que certaines personnes oublient les règles essentielles de la bienséance dès lorsqu'elles se trouvent à l'étranger. J'ignore quelle est la nationalité de cet Occidental, mais se promènerait-il torse nu dans la capitale de son pays d'origine? Finalement, ce petit coup de gueule ne changera pas le monde, mais si d'aventure vous le croisez, demandez-lui de sortir couvert!
Justement, se protéger semble être le souci de l'hôtel dans lequel ma famille et moi descendons à Hai Phong (Nord). Une entrée digne des plus grands palaces, avec des dorures à faire pâlir la Galerie des glaces du château de Versailles… La chambre y est plutôt sympathique (dans l'hôtel, pas dans le château dont je n'ai guère fréquenté les lieux à dormir). Depuis notre fenêtre, la vue est même surprenante, sur un plan d'eau bordé de pelouses qui ne dépareraient pas dans le parc du château (on y revient). Bref, le séjour semble agréable de prime abord.
Trop avisé
Tandis que nous dévalisons nos bagages (oui, retirer un objet d'une valise, c'est bien dévaliser), ma plus grande fille explore le plateau de courtoisie qui se trouve sur une étagère. Avec gourmandise, elle commence à énumérer toutes les friandises mises à disposition, m'indiquant implicitement que la note finale va être supérieure au prix de la chambre.
Quand elle découvre une petite boîte de plastique qu'elle s'empresse de m'apporter, intriguée par son contenu. D'un œil distrait, je regarde ce qu'elle porte en main et, de distrait, mon œil devient attentif, puis inquiet! Sur le couvercle, un papier affiche le prix du contenant: băng vê sinh, dao cạo râu, bao cao su, autrement dit serviette hygiénique, rasoir et préservatif, soit la panoplie d'un hôtel de passage, pas sage, où l'on passe pour passer du plus ou moins bon temps!
Vite, j'expédie le cuticule de plastique au fond de l'armoire et, tout en éludant les questions insistantes de ma fille, je vérifie que la porte ferme bien à clé.
À tout hasard, ce soir, je dormirai couché derrière l’huis. Pour éviter les mésaventures!
À bientôt pour de prochaines aventures vietnamiennes…
Gérard BONNAFONT/CVN