>>La céramiste Bùi Thi Hý, première femme d’affaires du Vietnam
>>Une céramique exempte de toute influence extérieure
>>Nouvelles découvertes sur la céramique de Chu Dâu
Les produits de céramique de Chu Dâu sont devenus la fierté des Vietnamiens. |
Chu Dâu est une commune de la province de Hai Duong, située sur la rive gauche de la rivière de Thai Binh, d’où ses céramiques étaient transportées directement vers la capitale, Thang Long, ou vers la mer. Le village de potiers de Chu Dâu a connu ses heures de gloire du XIVe au XVIIe siècles, sous les dynasties des Ly, Trân, Lê et Mac, avant de tomber dans l’oubli à cause de longues années de guerre. Il a fallu attendre trois siècles pour qu’un Japonais lui redonne vie. Cet homme providentiel venu du pays du soleil levant, c’est Makoto Anabuki qui, en 1980, alors qu’il était premier secrétaire à l’ambassade du Japon à Hanoï, a écrit une lettre à Ngo Duy Dong, secrétaire du comité du Parti de la province de Hai Hung (l’entité administrative qui a été ensuite divisée en deux provinces, Hai Duong et Hung Yên). Dans cette lettre, il racontait notamment qu’il avait eu l’occasion d’admirer, dans un musée en Turquie, un vase en céramique de couleur bleue de 54 centimètres de haut, en provenance du Vietnam. Les caractères chinois gravés sur l’objet indiquaient qu’il avait été réalisé en 1450 par un céramiste vietnamien du nom de Bui...
Pour les descendants des céramistes de Chu Dâu, cette lettre du diplomate japonais a été véritablement salvatrice. Mais ils ont aussi dû patienter encore trois années avant que ne débutent les premières fouilles archéologiques sur place. Chose singulière, la découverte décisive n’a pas été faite à Chu Dâu-même, mais à des centaines de kilomètres de là, dans un bateau coulé au fin fond des îles de Cu Lao Chàm, dans la province centrale de Quang Nam. Les archéologues y ont trouvé quarante mille objets en céramique, tous en provenance de Chu Dâu. Cette découverte retentissante a attiré l’attention des professionnels internationaux qui sont arrivés à la conclusion qu’entre le XIVe et le XVIIe siècles, la céramique de Chu Dâu était l’une des plus prisées de part le monde.
En 2001, la société commerciale hanoienne Hapro s’est lancée dans la restauration des techniques anciennes, ce qui a permis de ressusciter l’ancien village de potiers de Chu Dâu. «Après de nombreuses recherches, les scientifiques ont réussi à retrouver la technique de fabrication de l’émail traditionnel de Chu Dau. Nos ancêtres utilisaient uniquement des matières naturelles. Suivant leur exemple, nous produisons de l’émail avec de la cendre d’écorce de paddy de riz gluant. Quant à l’encre rouge, elle provient du lit des cours d’eau en haut des montagnes et des collines. Les produits chimiques sont strictement absents», a dit Nguyên Huu Hiêp, directeur-adjoint de la société de céramique de Chu Dâu.
Dans un atelier de production de potiers de Chu Dâu, à Hai Duong (Nord). |
La céramique de Chu Dâu est encore appelée «céramique religieus», tous les motifs décoratifs étant inspirés par le bouddhisme ou le confucianisme. Mais les objets sont typiquement vietnamiens, de part leurs formes, leurs couleurs et leur décoration minutieuse. «Nous combinons aujourd’hui technologie moderne et technique traditionnelle. En plus des motifs anciens, nous avons ajouté des motifs modernes à la demande des clients. Nos produits ont ceci de particulier que l’émail est fait de cendre d’écorce de paddy et que les dessins sont effectués sous la couche d’émail, avant la cuisson au four. Toutes les matières premières sont traitées et raffinées, suivant les normes hygiéniques les plus strictes», a fait savoir Nguyên Huy Kiên, un autre directeur-adjoint de la société de céramique de Chu Dâu.
Trân Thi Ngân fait partie des premiers artisans à avoir été formés au métier de potier après la renaissance du village. «Chaque village artisanal a son originalité, la nôtre réside dans les motifs décoratifs représentatifs de la vie quotidienne et agricole de nos ancêtres. C’est un métier très difficile qui nécessite de la passion et beaucoup de travail», s'est déclarée Trân Thi Ngân.
À Chu Dâu, la céramique a retrouvé ses lettres de noblesse. Des salles d’exposition de plusieurs milliers de mètres carrés ont été créées, un jardin présentant des produits en céramique et des œuvres calligraphiques a été ouvert, ainsi que la maison de culte du fondateur du métier. «Notre stratégie, c’est de faire une céramique haut de gamme, aussi bien pour le Vietnam que pour le monde entier. Tous les produits sont confectionnés dans cet esprit, ils sont raffinés, propres, non toxiques. Nous allons créer un village artisanal ouvert aux touristes venus du monde entier. Outre la production, nous accordons une attention particulière à la préservation des paysages et de l’environnement au service du tourisme», a confié Nguyên Huu Hiêp, directeur adjoint de la société de céramique de Chu Dâu.
Les céramiques anciennes de Chu Dâu sont exposées actuellement dans 46 musées de 32 pays. Les produits contemporains du village de potiers sont exportés dans une bonne vingtaine de pays. Chu Dâu est redevenue la fierté des Vietnamiens.
VOV/VNA/CVN