>>Choléra au Yémen : l'état d'urgence déclaré à Sanaa
Un enfant yéménite suspecté d'être infecté par le choléra, le 15 mai dans un hôpital de Sanaa. |
"Le pays fait face à une épidémie de choléra sans précédent qui pourrait mettre des milliers de personnes en danger", a déclaré le directeur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Dominik Stillhart.
L'état d'urgence est une "indication sur le degré de gravité de la crise", a de son côté commenté lundi devant la presse à Sanaa Jamie McGoldrick, coordinateur humanitaire de l'ONU pour le Yémen. disant craindre la multiplication des cas.
Selon un nouveau bilan du CICR, l'épidémie a fait 184 morts depuis le 27 avril, avec 11.000 autres cas suspects signalés dans le pays.
La France s'est dite inquiète de la vitesse à laquelle l'épidémie se répand. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a annoncé une aide de deux millions d'euros "pour soutenir des projets qui permettent de répondre aux besoins d'urgence absolue des populations, dans le secteur de la santé notamment."
Les cas recensés dépassent les "moyennes habituelles" et le système de santé de la capitale est "incapable de contenir cette catastrophe", a déclaré le "ministère" de la Santé de l'administration des rebelles Houthis.
Le CICR a estimé que l'afflux des patients souffrant de choléra "étouffait le système de santé", a indiqué M. Stillhart.
Ce département a lancé, dans un communiqué, un appel à l'aide auprès d'organismes internationaux pour contenir l'épidémie.
Le "ministre" de la Santé des rebelles Hafid ben Salem Mohammed, a assuré que "l'ampleur de la maladie dépasse les capacités" de ses services.
Amine Mohammed Jamaan, "maire" de Sanaa, a promis de fournir "toutes les facilités, soutien et coopération à toute opération" d'aide.
Situation catastrophique
La guerre au Yémen oppose depuis plus de deux ans les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenues par une coalition militaire arabe, à des rebelles Houthis alliés aux partisans de l'ex-président Ali Abdallah Saleh.
Dominik Stillhart, directeur des opérations du CICR, le 14 mai à Sanaa. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les rebelles contrôlent de vastes régions du pays dont la capitale Sanaa tandis que les forces progouvernementales ont repris des provinces du sud du pays.
Le conflit a dévasté les infrastructures de santé du pays, le plus pauvre de la péninsule arabique.
Le directeur adjoint de l'hôpital Sabyne de Sanaa, Nabil Najjar, a décrit une situation catastrophique dans son établissement.
Entre 150 et 200 malades s'y présentent chaque jour avec des symptômes du choléra et "nombreux sont hospitalisés".
"On a mis quatre patients par lit, installé des lits dans des tentes et sous les arbres du jardin. Mais la pluie et le froid ont compliqué les choses", a-t-il raconté, faisant état d'une pénurie de médicaments et de personnel médical.
"Les cadres étrangers sont partis, les sudistes se sont enfuis et pour les autres les salaires ne sont pas versés", a-t-il expliqué.
Les opposants aux Houthis accusent toutefois les rebelles de dramatiser la situation pour obtenir la levée de l'embargo aérien imposé à l'aéroport de Sanaa et prévenir une attaque contre le port de Hodeida, principal point d'entrée des importations yéménites.
"Ils (les Houthis) ont provoqué cette crise sanitaire qu'ils veulent utiliser pour obtenir la levée de l'embargo sur l'aéroport de Sanaa et prévenir une opération militaire contre le port de Hodeida", accuse Hussein Hanachi qui dirige un centre d'études à Aden.
La coalition arabe anti-rebelles dirigée par l'Arabie saoudite impose un embargo aérien à Sanaa et menace de prendre le port de Hodeida sur la mer Rouge en affirmant qu'ils sont utilisés pour introduire des armes iraniennes au profit des Houthis.
Des organismes de l'ONU ont averti qu'une opération contre le port de Hodeida aggraverait la crise humanitaire.
Environ 19 millions de personnes au Yémen, soit environ deux tiers de la population, ont un besoin urgent d'aide humanitaire, dont 17 millions souffrent de la faim, selon l'ONU.
Selon l'OMS, les combats ont fait plus de 8.000 morts et plus de 44.500 blessés depuis mars 2015. Quelque 19 millions de personnes, soit 60% de la population, vivent en situation d'insécurité alimentaire, selon l'ONU.