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Au milieu de cette effervescence, des scientifiques déambulent sur une parcelle expérimentale. Ils cherchent la parade aux effets du changement climatique sur la vigne.
Des chercheurs coupent des grappes de raisin à Liergues dans le Beaujolais. |
Ici point de hotte et de vendangeurs employés à la dernière minute. Des chercheurs avertis récoltent scrupuleusement et en petites quantités les grappes. Ils les pèsent, les trient par variétés. Et ils regardent lesquelles s’en sortent le mieux après cette année de sécheresse exceptionnelle qui va réduire d’un quart les rendements dans la région.
«Celles qui ont des feuillages jaunes, à qui il manque des feuilles au pied du cep, celles qui ont des baies toutes flétries, on ne pourra pas les retenir», expose Jean-Michel Desperrier, responsable de la collecte, en passant dans les rangs. Car c’est bien là l’objectif : trouver les variétés qui permettront de continuer à faire du vin ici dans de bonnes conditions.
Depuis la canicule de 2003 qui avait fait des ravages en France et ailleurs en Europe, les vignerons ont vraiment pris conscience du problème. Cet été 2015, qui a été extrêmement chaud et sec, n’en est qu’une preuve de plus. Les vendanges ont commencé ici le 24 août, un mois plus tôt qu’il y a deux ans !
Pour l’instant, «le réchauffement a plutôt des effets favorables sur les vignobles septentrionaux comme le nôtre. Il nous permet d’avoir un raisin avec plus de maturité et plus joli» car moins exposé aux maladies dues à l’humidité comme le mildiou et l’oïdium, explique Bertrand Chatelet, directeur du Sicarex, le centre de recherche des vignerons du Beaujolais.
Mais à l’avenir, les épisodes violents de sécheresse extrême ou de pluies violentes sont amenés à se multiplier. Et qui dit chaleur, dit augmentation du taux de sucre et donc d’alcool, une variable qu’un vigneron se doit de maîtriser. Même si le goût des consommateurs évolue dans le sens du climat, vers des vins moins acides.
Pour y faire face, plusieurs programmes de recherche sont menés en France et en Europe, comme le projet Laccave ou Adviclim. Ils étudient la variabilité des climats locaux pour apporter des solutions adaptées aux spécificités de chaque région viticole.
La piste suisse
Le Beaujolais est la principale région de culture du gamay (16.000 ha). C’est même son cépage emblématique. Il faut donc trouver la variété de gamay idéale pour le futur : celle qui donne des rendements adaptés, qui n’est ni trop acide ni trop sucrée et à la fois résistante à la sécheresse et aux trombes d’eau.
Les grappes de raisin déchargées dans des cuves en modèle réduit au Château de l’Eclair à Liergues |
Pour cela, il faut un raisin à grosses baies, avec une peau épaisse, des grappes aérées qui laissent passer le vent pour lutter contre la pourriture. D’autant qu’une peau épaisse donne du tannin, donc de la couleur.
«Tout ce qu’on recherche», explique Jean-Michel Desperrier. Pour l’instant les chercheurs n’ont pas encore trouvé la perle rare parmi les gamay. Ils sont pourtant allés partout en France pour faire des hybridations.
La piste la plus sérieuse vient de Pully en Suisse et concerne le gamaret, une variété issue d’un cépage allemand, le reichensteiner. «Mais il a aussi un parent gamay», s’empresse d’insister Bertrand Chatelet.
Car toute la difficulté est là. Changer de cépage est une «option envisageable pour des vins d’assemblage» comme dans le Bordelais, «mais demandez à un Bourguignon qui travaille uniquement avec du pinot noir de changer son cépage et là ce sera autre chose», analyse le chercheur Hervé Quénol, spécialiste du réchauffement climatique.
Il faut être clair, souligne-t-il : «La question n’est pas +y aura-t-il encore de la vigne en France en 2050 ?+ La vraie préoccupation est de savoir si on va réussir à faire un vin avec les mêmes caractéristiques en évitant de changer les cépages et la localisation des vignobles».
En revanche dans le monde, certains vignobles sont bel et bien menacés. «La viticulture est déjà compliquée en Afrique du Nord. Et en Argentine, à Mendoza, où elle est totalement dépendante de l’irrigation», la fonte des glaciers constitue un problème majeur, souligne M. Quénol : «s’il n’y a plus d’eau, il n’y aura plus de vigne».
En fin de matinée, la récolte du jour est terminée. Les chercheurs rentrent au Château de l’Eclair à Liergues et la déchargent dans des cuves en modèle réduit. Certains échantillons partiront au laboratoire de l’Institut français de la vigne et du vin à quelques kilomètres de là pour une analyse sous toutes les coutures : acidité, taux de sucre, PH...
La majorité des grappes sera vinifiée, chaque variété à part, afin de comparer laquelle est la plus adaptée au climat de demain- et celle aussi qui donnera le meilleur vin, bien entendu.