Domicilié dans le delta du Mékong, le peintre Dô Nam a cette année 70 ans, dont plus de 40 ans consacrés à la peinture. Ses oeuvres picturales sont généralement qualifiées de "haute valeur artistique". Ses sujets préférés abordent des événements historiques, la lutte révolutionnaire du pays, le patriotisme et la volonté indomptable des habitants... À savoir par exemple les tableaux intitulés Les ouvriers de la centrale électrique de Cân Tho faisant grève en 1928, La reconquête de l'indépendance nationale à Cân Tho en 1945, La victoire de Tâm Vu, Les jeunes filles du delta du Mékong transportant des munitions... Nombreuses sont ses peintures qui ont été primées et exposées dans et hors du pays.
À sa légèreté de main s'ajoute un esprit créatif sans pareil. Dô Nam se montre fier de sa collection d'une quarantaine de portraits du président Hô Chi Minh qu'il a eu soin de "dessiner" avec des matières premières spéciales, comme des graines de céréales, des coques de coco, ou du fil électrique multicolore découpé en fins morceaux... En contemplant ces tableaux inédits de loin, on a l'impression de voir des oeuvres d'art d'un peintre de talent qui a réussi à rendre très vivantes les images de l'Oncle Hô, comme s'il l'avait dessiné en nature. L'Oncle Hô au téléphone, L'Oncle Hô et Fidel Castro, L'Oncle Hô arrosant son caimitier, L'Oncle Hô avec les enfants lors de la Fête de la mi-automne, L'Oncle Hô - chef d'orchestre... Ses 31 tableaux ... en fil électrique ne manquent pas de caractère ! Car, selon l'artiste, "l'Oncle Hô est une source d'inspiration intarissable".
Quand céréales se font couleurs et pinceaux
Dô Nam débute sa carrière de peintre en 1965, âgé de 25 ans. Diplômé avec mention "excellent" de l'École secondaire des beaux-arts de Hanoi, il travaille pour le Service de la culture et de l'information de la province de Nghê An (Centre), avant de poursuivre ses études à l'Université des beaux-arts de Hanoi (promotion 1970 - 1974). Sa peinture sur soie titrée Le radeau descendant vers l'aval (format 0,5 m x 1,3 m) qu'il dessine comme devoir de fin d'études décroche le prix excellent lors d'un concours national, et est ensuite exposée au Vietnam et dans l'ex-Union soviétique.
À sa sortie de l'université, Dô Nam devient enseignant de dessin dans une école de la culture et des arts de sa province natale de Nam Dinh (Nord). En 1980, avec sa famille, il s'installe dans le delta du Mékong et enseigne depuis à l'École de la culture et des arts de la ville de Soc Trang (Sud).
Dans le delta du Mékong, contrée de riz et de fruits, le peintre venu du Nord décèle d'innombrables "matières premières" spécifiques jusque là dites "inutilisables" sur un plan artistique. Dans ses yeux de créateur, une coque de coco ou de cajou, un morceau d'écorce du cajeputier, des graines de céréales... sont une ressource immense pour ses créations picturales. Vouloir c'est pouvoir. Sa peinture La victoire de Tâm Vu (format 60 cm x 90 cm) qu'il "dessine" avec comme matières premières 13 sortes de céréales (dont riz, riz gluant, papilionacées, sésame...) décroche la médaille d'argent lors d'une exposition nationale de peintures en 1987.
L'esprit créatif du peintre Dô Nam ne s'arrête pas là. Il découvre par hasard une autre ressource de matières premières que sont les fils électriques colorés usés. "Déjà, j'ai à mon actif une belle collection de peintures à fil électrique. Et j'ai encore envie de l'enrichir ", lance-t-il.
L'idée lui vient à l'esprit le jour où il traverse la poste de la ville de Cân Tho, où il tombe sur un tas de câbles résiduaires. Une câble contient des dizaines de petits fils de couleurs différentes : bleu, vert, rouge, violet, jaune, gris, blanc... "Et voilà les matières premières les plus originales pour la peinture. On ne fait que les couper en morceaux et les assembler au gré de l'imagination !"
"Oncle Hô - source d'inspiration intarissable"
Aussitôt dit aussitôt fait. Le peintre téméraire propose son idée au directeur de la poste qui le soutient en passant avec lui un contrat particulier : "dessiner" une carte géographique du globe, de grand format (5 m x 10 m), pour être accrochée dans le vestibule de la nouvelle poste centrale de Cân Tho alors en cours de construction dans l'avenue de Hoà Binh. Un travail des plus minutieux qui demande des centaines de milliers de morceaux de fil différents en couleur et en longueur, qui doivent ensuite être assemblés en images sur un tableau en bois. Une fois composée, la "peinture" est enfin couverte d'une fine couche de maroufle.
La renommée du peintre Dô Nam retentit dès lors loin des frontières de Cân Tho. En 2006, la poste centrale de Hô Chi Minh-Ville passe avec lui un contrat intéressant : créer avec du fil électrique 31 portraits du Président Hô Chi Minh, dont quatre de grand format (0,9 m x 1,2 m), et le reste plus petit (0,5 m x 0,7 m). Ces tableaux seraient placés dans les postes d'arrondissements urbains et de district suburbains de la ville. Pour réaliser ces oeuvres spéciales, le peintre septuagénaire doit, avant tout, collectionner des milliers de portraits du Président Hô Chi Minh, faits par divers photographes et peintres vietnamiens et étrangers, les examiner méticuleusement, avant de décider des modèles appropriés. Viennent ensuite l'esquisse du portrait, le choix des couleurs (du fil), et le style de la représentation détaillée. "L'important, c'est de faire ressortir du mieux possible le caractère de pureté, de simplicité et d'intimité de l'Oncle Hô", insiste Dô Nam.
Toujours avec du fil électrique, il créé le tableau L'Oncle Hô et l'Oncle Tôn pour l'offrir au Musée de Tôn Duc Thang (vice-président de la République à l'époque de Hô Chi Minh). À rappeler que de nombreuses peintures signées Dô Nam sont actuellement exposées dans des musées au Vietnam comme à l'étranger.
Objet des vives louanges lors des expositions dans le pays et à l'étranger, le peintre septuagénaire ne semble pas atteint par les ans, de par sa santé, sa passion et sa force de création, intactes. Il s'attelle actuellement à un autre art : la sculpture sur des matériaux faciles à trouver à la campagne, comme le bois, la coque de coco, les poteries, le bronze... "Les matériels bruts de la nature se trouvent partout ici et là. C'est à nous de leur donner une vie et une âme à la vietnamienne", estime Dô Nam dans un large sourire.
Nghia Dàn/CVN