Canicule et incendies menacent

Le Vietnam est au plus fort de la saison sèche, avec les conséquences que cela implique. Conjuguée à l’invasion d’eau salée, la sècheresse menace d’ores et déjà des millions d’hectares de cultures dans le pays, avec également des risques accrus d’incendies de forêt.

De très faibles cumuls de précipitations. Une chaleur étouffante qui sévit sur de vastes régions. Cette anomalie climatique, signalée depuis mi-mars, semble vouloir perdurer encore un moment. Et l’ensemble du territoire est concerné. Selon le Centre national de météorologie et d’hydrologie, des vagues de chaleur continueront de s’abattre au Vietnam, notamment sur les hautes régions du Nord et les hauts plateaux du Centre, avec un pic attendu en mai et juin.

Un exercice grandeur nature contre les incendies à Lào Cai, au Nord.
Photo : Ngô Lich/VNA/CVN


En avril, la température sera plus élevée que les normales de saison (comme en mars). Plus préoccupant encore, la saison des pluies devrait tarder à apparaître, avec de surcroît une pluviosité moindre qu’à l’accoutumée. Ainsi, dans l’ensemble du pays, les cultures doivent et devront supporter un stress hydrique important, voire destructeur. Et les forêts, qui couvrent des millions d’hectares, seront sous la menace directe d’incendies.

Les forêts en proie au feu

Au Nord, les zones les plus exposées se situent dans les régions montagneuses marquées par une large couverture forestière et la pratique coutumière de la culture sur brûlis. Les services forestiers des provinces de Tuyên Quang, Diên Biên, Yên Bai, Lao Cai…, sur le qui-vive, ont demandé aux habitants de redoubler de prudence. Le Parc national de Hoàng Liên Son (à Lào Cai) est particulièrement surveillé, avec la mise en place de mesures préventives et la création d’une brigade de pompiers volontaires bien équipée.
Les cinq provinces des hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên) sont déjà confrontées à une grave et longue sècheresse. La quasi-totalité des ressources en eau est tarie : sources, ruisseaux, rivières, fleuves, lacs, puits, jusqu’aux nappes phréatiques. Fin mars, le niveau d’eau des lacs réservoirs des centrales hydrauliques a atteint la cote d’alerte. Une situation qui a toutes les chances d’empirer.
Plus de 51.400 hectares de cultures (riz, caféiers, maraîchages, fleurs…) ont d’ores et déjà été détruites dans la région, faute d’arrosage. Environ 80.000 foyers (120.000 personnes) doivent conjuguer avec les restrictions d’eau dans leur quotidien. Et selon le Centre de météorologie et d’hydrologie du Tây Nguyên, en avril, la température grimpera encore, avec un possible épisode caniculaire. «Cette sècheresse est la plus sévère depuis 20 ans», observent les météorologues.
Incursion de l’eau salée dans les terres
La situation s’avère peut-être encore plus préoccupante dans le delta du Mékong, au Sud. À la sècheresse vient se greffer l’incursion de l’eau de mer, parfois jusqu’à 50 km à l’intérieur des terres comme à Bên Tre, Trà Vinh, Soc Trang…, envahissant les cours d’eau, les canaux d’irrigation, mais surtout une grande superficie de rizières. «Le sel remonte en plus grande quantité qu’à la normale, avec des taux variant de 5‰ à 9‰, ce qui menace de détruire toutes les cultures qui y sont exposées», explique un responsable de Bên Tre. Déjà, plus de 10.000 hectares de rizières et d’arbres fruitiers ont péri, et des centaines de milliers d’habitants sont victimes de la pénurie d’eau douce. À Soc Trang, on a relevé une salinité de 22,2‰, contre 6,3‰ l’année passée, ce qui était déjà énorme. «Face à cette situation, la province pourrait perdre des centaines de milliers d’hectares de riz printanier», se désole le chef du Département de l’hydraulique de la province. Pour résumer, la sécheresse et l’incursion de l’eau salée dans les sols menace quelque 3.000.000 hectares de rizières dans le delta du Mékong...

Les cinq provinces du Tây Nguyên sont déjà confrontées à une des plus sévères sècheresses.


Le soleil brûlant qui a sévi en mars a littéralement dévoré les forêts du Sud. Contrairement aux immenses étendues d’un vert intense que l’on a l’habitude de voir, les forêts de cajeputiers de Cà Mau, Kiên Giang et Dông Thap - qui couvrent une centaine de milliers d’hectares – semblent se faner au fil des jours, et sont toutes en proie au feu. «Il suffit de laisser tomber un mégot de cigarette pour provoquer un incendie dont il est impossible d’estimer l’étendue. Et comme les canaux environnants sont presque à sec...», s’inquiète un responsable local. Les 7.300 hectares de cajeputiers de la province d’An Giang sont exposés au même risque.

Mesures preventives

Face à la sècheresse prolongée et au danger des feux de forêt, les localités à risque se sont engagées - moyennant la participation des habitants - à appliquer tout un train de mesures préventives : localisation des forêts à risque, établissement de «ceintures blanches», formation de troupes de choc, exercices réguliers contre les incendies... À Lào Cai, chaque commune a formé un groupe de «pompiers volontaires», alors que Yên Bai a mis sur pied 1.400 groupes de gardes forestiers.
Pour le Tây Nguyên, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a envoyé sur place des groupes d’experts pour trouver des mesures d’urgence. Une enveloppe de 1.000 milliards de dôngs a été versée à la région, destinée au dragage des canaux d’irrigation, à la construction d’ouvrages hydrauliques, à l’achat de semences pour replanter les champs endommagés…
Dans le Sud, les mesures d’urgence portent en premier lieu sur la fourniture d’eau nécessaire au quotidien des habitants, la construction de barrages pour lutter contre la remontée de l’eau salée, la protection des forêts contre les incendies. Dans le Parc national de Tràm Chim (reconnu «site Ramsar» d’après la Convention internationale sur les zones humides - Ramsar, Iran, 1971), une vingtaine de stations de protection et autant de postes d’observation ont été établies, sans oublier des équipements anti-incendie. «La tâche s’avère plus difficile à Tràm Chim, où nous devons en même temps protéger les forêts de cajeputiers et sauvegarder la biodiversité», insiste le directeur du Parc national.

Nghia Dàn/CVN

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