Camion charnier: le fructueux et mortel business de Samsoor Lahoo

Condamné jeudi 14 juin en Hongrie à 25 ans de réclusion pour la mort de 71 migrants dans un camion frigorifique en 2015, l'Afghan Samsoor Lahoo avait développé un réseau quasi industriel de trafic d'êtres humains vers l'ouest de l'Europe en pleine vague migratoire. Au mépris de la vie humaine.

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Samsoor Lahoo, l'un des accusés, à son procès au tribunal de Kecskemét en Hongrie, le 14 juin.

Des dizaines de véhicules, des complices dans plusieurs pays, une logistique bien rodée: cet homme de 31 ans au visage fin avait organisé le convoyage d'au moins 1.106 migrants à qui il était demandé jusqu'à 3.500 chacun pour passer en Autriche et en Allemagne.
Arrivé illégalement en 2013 en Hongrie, dont il avait fait un de ses centres opérationnels, ce fort en langues pratiquant l'anglais, l'arabe, le pachtoune, le serbe et le hongrois avait commencé son activité modestement, en février 2015.
Son trafic prend rapidement de l'essor quand un Tunisien lui propose d'organiser des "transports réguliers" entre la Hongrie et l'Allemagne, pour 1.000 euros par personne, selon l'enquête.
C'est en juillet 2015, alors que la pression migratoire monte en puissance à la faveur des conflits en Syrie, en Irak et en Afghanistan, que son réseau se structure de façon professionnelle, de la Serbie à l'Allemagne.
Épaulé par un Bulgare dont il fait son adjoint et qui a écopé de la même peine que lui, Samsoor Lahoo met en place un strict organigramme avec des responsables distincts pour les finances, la main-d'oeuvre, la logistique et l'achat de véhicules, dont il exige qu'ils soient tous en règle.
Nombreuses alertes
Tout en bas de l'échelle figurent les chauffeurs, bulgares dans leur majorité. Payés de 500 à 2.000 euros le voyage, ils sont les plus exposés en cas de contrôle et battus s'ils renâclent. Plusieurs sont arrêtés par la police allemande dans la région de Passau, dont deux avec 26 et 36 migrants à bord.
Car le réseau, qui dispose de voitures éclaireuses et suiveuses, se dote de véhicules de plus en plus grands.
Et les migrants --parmi lesquels des femmes et des enfants-- y sont entassés dans des conditions toujours plus impitoyables, sans pause pour faire leurs besoins et presque sans oxygène. Le réseau a ainsi transporté jusqu'à 81 personnes dans 17 mètres carrés, a relevé l'accusation, qui a souligné "les souffrances physiques et psychiques" infligées.
Les alertes se multiplient: des passagers font des malaises; au cours de l'été 2015, une femme décède d'asphyxie.
Mais cela ne fait pas changer le mode opératoire de Samsoor Lahoo. Au contraire, il opte pour des camions frigorifiques, jugés plus discrets.
Jusqu'au drame du 26 août 2015. Entassés dans 14 mètres carrés, 71 migrants, dont quatre enfants, succombent dans le compartiment hermétiquement fermé.
Alerté par ses hommes que les passagers suffoquent et crient pour qu'on leur donne de l'air, Samsoor Lahoo interdit formellement que soit entrouvert le compartiment frigorifique, selon des écoutes téléphoniques.
"Qu'il les laisse plutôt mourir. C'est un ordre", intime-t-il à son adjoint, qui lui demande quelles consignes donner au chauffeur. De simples "propos irréfléchis", a-t-il plaidé.
Le lendemain du drame, en pleine connaissance de cause, il organise un nouveau transpo
rt dans des conditions similaires, dont les 67 passagers ont la vie sauve uniquement grâce à leur réflexe de défoncer la porte du compartiment.
Selon l'accusation, qui a pointé une "indifférence effroyable et une cupidité sans limite", son trafic lui a rapporté au moins 300.000 euros.
Sur un écriteau brandi à l'ouverture de son procès en juin 2017 l'audience, Samsoor Lahoo avait assuré n'être "ni un assassin, ni un oppresseur". Il est resté impassible jeudi à la lecture du verdict.
Le procureur Gabor Schmidt, qui avait requis la perpétuité incompressible à son encontre comme contre deux de ses complices, a immédiatement annoncé faire appel, estimant que le verdict "ne reflète pas suffisamment les conditions du crime".
Samsoor Lahoo lui a immédiatement emboîté le pas, estimant ne pas devoir répondre d'"homicides".

AFP/VNA/CVN

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