Bruxelles veut des chemins de fer européens au même écartement

Au nom de la fluidité des échanges, la Commission européenne aimerait voir les grands axes ferroviaires du continent mis au même écartement, pour éviter de fastidieux transbordements vers l'Espagne, le Portugal, les Pays baltes ou l'Ukraine.

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Des trains de la compagnie russe RZD parqués sur les voies à Moscou, le 13 mai.
Photo : AFP/VNA/CVN

Dans le cadre de la mise à jour de son programme de construction des corridors transeuropéens (TEN-T), la Commission a proposé fin juillet d'oublier les connexions envisagées vers la Russie et le Bélarus. Elle entend au contraire intégrer la Moldavie et l'Ukraine, faisant même arriver un de ces grands axes dans le port de Marioupol, détruit et occupé par Moscou.

Selon ce texte qui sera discuté par les Éats et les eurodéputés, Bruxelles veut également que les lignes de chemin de fer nouvelles soient construites en adoptant l'écartement standard de 1,435 m, puis que les lignes déjà existantes faisant partie de ces corridors soient adaptées à cet écartement, appelé à devenir la norme sur tout le continent.

Les principales voies ferrées de la plupart des pays européens respectent déjà un écartement entre l'intérieur des rails de 1,435 m (choisi comme standard en Grande-Bretagne en 1845, et largement répandu dans le monde depuis). On parle aussi de "voie normale".

Mais d'autres réseaux ont des écartements différents en marge du continent, exigeant des transbordements ou l'emploi de matériels complexes quand les trains doivent poursuivre leur chemin : l'ex-URSS avec les Pays baltes, la Moldavie, l'Ukraine, le Bélarus et la Russie (1,520 m), la Finlande (1,524 m), l'Irlande (1,600 m) et la péninsule ibérique (1,668 m).

"La migration vers l'écartement européen standard (...) vise une meilleure interopérabilité du transport ferroviaire dans l'Union et avec les pays tiers voisins", a expliqué une porte-parole.

"Réseau européen unifié"

"Les difficultés d'exportation des céréales ukrainiennes, liées à des écartements ferroviaires actuellement incompatibles, illustrent bien le caractère crucial de ces efforts", a-t-elle pointé.

Les quais de la gare de Bordeaux-Saint-Jean.
Photo : AFP/VNA/CVN

Un retournement de l'histoire, alors qu'on envisageait encore il y a peu de construire une ligne à "écartement russe" (1,520 m) à travers la Slovaquie pour relier l'Ukraine à Vienne, en Autriche. On parlait alors d'importer plus facilement des marchandises chinoises par le rail.

Au-delà des lignes nouvelles, les États concernés auront deux ans pour présenter un plan de conversion à Bruxelles, une fois le nouveau programme des TEN-T adopté. Ils auront "une marge d'appréciation" et pourront décider du calendrier, a insisté la Commission. Mais ils devront justifier un éventuel refus, analyse socio-économique à l'appui. "L'objectif à long terme est de créer un réseau européen unifié", dit le texte européen. L'Irlande, complètement isolée, n'est pas concernée.

Dans la pratique, l'Espagne a déjà construit ses lignes nouvelles et relié le port de Barcelone à la France à voie normale. À l'autre bout du continent, la future liaison Rail Baltica doit traverser les trois États baltes du Nord au Sud et les relier au réseau polonais, en adoptant également un écartement standard.

Convertir le reste du réseau serait symboliquement important mais difficile à réaliser à court terme, estiment les ministres estoniens des Infrastructures Riina Sikkut et letton des Transports Talis Linkaits, selon la radio-télévision publique estonienne ERR. Si elle ne parle pas de gros sous, la Commission fait miroiter des subventions européennes, au nom de la suppression des "barrières à l'interopérabilité".

Un problème à éviter étant l'apparition de problèmes de compatibilité au sein du même pays, entre corridors européens reconstruits à voie normale et lignes d'intérêt local ayant gardé leur écartement du XIXe siècle. Les 27 doivent s'emparer du texte en septembre.

Les Finlandais, dont le réseau ferré n'est relié aux voies ferrées suédoises que par une unique ligne au nord du pays, ont déjà marqué leur désaccord. Leur ministre des Transports Timo Harakka réclame une dérogation, estimant que changer l'écartement "ne serait pas faisable ni du point de vue économique, ni du point de vue opérationnel".


AFP/VNA/CVN

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