Bouleverser et raconter pour faire rêver avec le cirque de demain

Voler à 14 m au-dessus de la piste dans un élan de "Résistance" ou se mouvoir en lévitation dans un conte onirique : des artistes de tous pays jouent l'émerveillement en bouleversant les codes du cirque pour écrire celui de demain.

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Des artistes de Taïwan (Chine) pratiquent le diabolo pendant les répétitions du Festival mondial du Cirque de demain, le 26 janvier, à Paris.
Photo : AFP/VNA/CVN

Créé en 1977, le Festival mondial du cirque de demain, qui se tient à Paris ce week-end, est un bouillon de culture cosmopolite où les professionnels du secteur viennent piocher de nouveaux talents innovants, tel le Cirque du Soleil symbole du cirque "réinventé" depuis 1984, sans recours aux animaux.

Burlesque il y a encore vingt ans, le cirque d'aujourd'hui a beaucoup changé.

"Ce qui se dessine  en ce moment, c'est qu'on va davantage raconter une histoire. Ce n'est plus +je suis formidable, je jongle avec dix balles+ mais +je jongle avec dix balles et je vais vous dire pourquoi+. Et on peut aussi éveiller la mémoire de quelque chose", raconte Alain Pacherie, président depuis vingt ans du Festival.

Pour sa 42e édition, cette référence mondiale pour les casteurs a retenu 24 numéros sur 320 candidatures, qui seront classés par un jury international, et surtout la grande majorité des artistes repartira avec un contrat en poche.

"Une tendance de la nouvelle génération est de ne pas juste pratiquer mais de parler au monde à travers leur art et de passer un certain message important pour eux", souligne Pavel Kotov, directeur du casting international du Cirque du Soleil (1.300 artistes issus de 57 pays), qui cite en exemple des numéros emprunts de tristesse pour évoquer la période de la pandémie de COVID sans spectacle.

"Spectacle d'actualité

Mais quel que soit le propos, il existe toujours "une dimension spectaculaire pour le côté impressionnant et faire rêver les gens", relèvent les trapézistes volants de "La tangente du bras tendu".

La compagnie, basée à Alès (Gard), présente un numéro intitulé "Résistance" : huit hommes et femmes signent des prouesses acrobatiques époustouflantes à 14 m de hauteur, vêtus de gris, sans strass ni paillettes, sur des musiques des années 1940 et en jetant des tracts.

"C'est un spectacle qui parle de propagande, de totalitarisme, de dictature. On a fait ça bien avant la guerre en Ukraine mais malheureusement c'est toujours d'actualité", raconte l'un des trapézistes, Jérôme Hosenbux.

Le dépassement de soi reste au cœur du projet du circassien. Avec son corps, en se contorsionnant jusqu'à l'inimaginable, en utilisant un matériel novateur, comme le mât pendulaire associé à une sangle et des cerceaux rebondissants, ou de nouvelles techniques telle la gravité.

Des artistes lors des répétitions du Festival mondial du Cirque de demain, le 26 janvier à Paris.
Photo : AFP/VNA/CVN

Arthur Cadre a eu "cette idée folle" de mélanger danse et lévitation, dans un numéro magique avec un manteau.

Venu du breaking, cet architecte de formation est mu par l'envie de "prendre des risques, se libérer des codes, toujours pousser quelque chose plus loin". "Et je mets juste des petits éléments pour titiller les gens et qu'ils commencent à imaginer des choses".

"Cirque politique"

C'est parce qu'il n'a jamais cessé de se réinventer que le cirque - né le 4 avril 1768 dans sa version moderne de l'idée d'un officier de cavalerie anglais en uniforme rouge - a survécu aux crises et aux interdictions, notamment celle récente des animaux.

Le légendaire cirque Barnum, qui a cessé en 2017 après avoir été poussé à retirer les éléphants de ses shows, renaît cette année.

"Quand on a demandé à notre public aux États-Unis ce qui leur manquait de notre univers, ils ont répondu que ce n'était pas les animaux mais l'excitation de partager des moments et rêver ensemble", indique Giulio Scatola, directeur du casting chez Barnum, venu au Festival pour "être surpris".

Pour Pascal Jacob, historien du cirque et directeur artistique du Festival, "le cirque existe parce qu'à un moment donné, on rassemble des gens autour d'une performance humaine qui emporte l'adhésion, fascine et touche, animal ou pas animal".

"Le cirque d'hier est un cirque équestre, si on est puriste. Celui d'aujourd'hui est de plus en plus lié aux sociétés qui l'accueillent. Et le cirque de demain sera - on va paraphraser Malraux - politique ou ne sera pas", résume-t-il. "Une des tendances fortes des artistes va être de bouleverser les codes et d'emmener le spectateur ailleurs d'une manière absolument bouleversante".

AFP/VNA/CVN

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