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Des employés du gouvernement attendent les personnes désireuses d'utiliser les bornes permettant de faire des opérations en bitcoin, à San Salvador, le 7 septembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Je voulais sortir de l'incertitude, dissiper mes doutes. Voir ce que c'est, comment ça marche", explique Alvaro Garcia, 47 ans, portefaix sur un marché de la capitale. Le Salvador est devenu mardi 7 septembre le premier pays au monde à faire du bitcoin une monnaie légale, à côté du dollar américain, qui a remplacé la monnaie nationale, le colon, il y a 20 ans.
Cette réforme monétaire ambitieuse - et polémique - a été lancée par le très populaire président Nayib Bukele. Mais le premier jour du bitcoin au Salvador a été marqué par des problèmes techiques pour télécharger le porte-monnaie électronique, tandis que le bitcoin dévissait, perdant 17% de sa valeur sur le marché. Le porte-monnaie virtuel n'est en principe accessible qu'aux seuls Salvadoriens, résidant dans le pays ou à l'étranger. Pour assurer son succès, le gouvernement l'a baptisé "Chivo", ce qui signifie "super" ou "génial" en langage familier.
"Point Chivo"
Pour utiliser le bitcoin les Salvadoriens doivent donc télécharger le "Chivo" sur leur smartphone et se rendre sur les 200 bornes, dénommées "Point Chivo", installées par les autorités et où l'on peut faire des opérations dans les deux monnaies et surtout changer la cryptomonnaie en billets verts.
Même si elle est impopulaire parce qu'elle est prise sur les fonds publics, la prime de l'équivalent de 30 USD en bitcoin versée à chaque nouvel utilisateur du "Chivo" a réjoui beaucoup de ceux qui ont profité de l'aubaine, dans un pays où 35,9% des 6,6 millions d'habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon la Banque interaméricaine de développement (BID).
"Grâce à Dieu ils donnent ces 30 USD. C'est quelque chose de nouveau, quelque chose de bien et dont nous profitons", s'est félicité Alvaro, qui a fait la queue à un "Point Chivo" du centre historique de San Salvador pour qu'un agent lui explique comment télécharger et installer l'application sur son téléphone.
Pour le gouvernement le bitcoin permettra de faciliter les envois d'argent des émigrés tout en économisant sur les frais et commissions bancaires, insiste la ministre de l'Économie, Maria Luisa Hayem. Trois millions de Salvadoriens vivent à l'étranger, la majorité aux États-Unis, et leurs envois d'argent à leur proches restés au pays représentent 22% du PIB du Salvador.
Un homme portant un masque sanitaire à l'effigie du président Nayib Bukele exprime sa satisfaction devant une borne "Point Chivo" à San Salvador, le 7 septembre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Marni, 31 ans, a une sœur à Houston, au Texas. "Elle m'envoie 300 USD, et là-dessus on paie 30 USD (de commission bancaire). On espère qu'avec le bitcoin on ne paiera pas tout ça", dit-elle. "Je crois que c'est bien, que ça va être plus facile. Sur le téléphone je vais voir si (le prix du bitcoin) a baissé ou non", ajoute-t-elle. Marni a mis 20 USD sur son porte-monnaie virtuel, en plus des 30 USD de prime.
Pourtant, sept Salvadoriens sur dix sont opposés peu ou prou au bitcoin comme monnaie légale, selon un récent sondage de l'Université centroaméricaine (UCA). En outre, 82,8% des sondés ont déclaré ne pas avoir confiance dans la cryptomonnaie, et 65,2% ont indiqué ne pas vouloir télécharger le "Chivo". Le gouvernement n'a pas communiqué le nombre de téléchargements de l'application au premier jour de la réforme.
La loi stipule que "tout acteur économique devra accepter le bitcoin comme moyen de paiement" de biens ou de services. Mais si l'on ne veut pas du bitcoin, le "Chivo" convertira immédiatement la cryptomonnaie en dollar américain. Nuria Vazquez, 47 ans, qui a une borne de "Point Chivo" à quelques mètres de son échoppe ne l'entend pas de cette oreille.
"Moi, (le bitcoin) je ne le prends pas. Le dollar ça me va bien. Si quelqu'un vient et veut acheter comme ça, je vais lui dire : +moi, je veux du dollar+, je vais lui donner du dollar et qu'il me donne du dollar", dit-elle tandis qu'elle verse de l'huile dans une énorme friteuse où elle cuira des pommes de terre pour les vendre sur le Marché Central de San Salvador.
AFP/VNA/CVN