Binh Di, le village des bâtisseurs de Truong Sa

Sur l’archipel de Truong Sa (Spratly), les constructions en dur sont d’année en année plus nombreuses. Les paysages et la vie des insulaires ont bien changé. Le mérite revient pour une part importante à des paysans bâtisseurs venus d’un village du delta du fleuve Rouge, Binh Di.

À Binh Di, deux fois par an depuis 22 ans, un groupe de constructeurs, âgés de 18 à 40 ans, est envoyé pour une mission de quelques mois sur Truong Sa.

Pourquoi des paysans du village de Binh Di, dans la commune de Giao Thinh, district de Giao Thuy, province de Nam Dinh (Nord), connaissent-ils si bien l’archipel de Truong Sa, distant de plusieurs centaines de kilomètres de chez eux.

L’explication est simple : depuis une vingtaine d’années, Binh Di envoie des missions de bâtisseurs (maçons, menuisiers..) sur les îles de Truong Sa. Leur mission (rétribuée) : ériger des constructions. Sous leurs mains, de nombreux ouvrages en dur sont apparus : estacades, quais, bâtiments, monuments, logements, écoles, hôpitaux et aussi pagodes. Pas étonnant donc que Binh Di soit surnommé : «le village des bâtisseurs de Truong Sa».

Des missions de quelques mois

Le village de Binh Di compte environ 2.000 habitants qui vivent pour l’essentiel de la riziculture. Entre deux récoltes, de nombreux paysans, jeunes et moins jeunes, se font maçon ou menuisier, dans les provinces alentour, voire beaucoup plus loin...

«À Binh Di, au moins 300 personnes sont allées au moins une fois à Truong Sa», informe Lê Ngoc Doa, responsable du village. Ici, deux fois par an depuis 22 ans, un groupe de constructeurs, âgés de 18 à 40 ans, est envoyé pour une mission de quelques mois sur cet archipel.

Cela a commencé à l’approche du Têt de l’année 1991, selon Lê Van Biên, un des pionniers dans cette mission. «Le lieutenant-colonel Hoàng Kiên, originaire de Binh Di, chef du régiment du génie de l’armée, est rentré au village. Il a voulu y recruter des gars qualifiés pour construire des ouvrages à Truong Sa», éclaire-t-il.

Le premier groupe, composé de 8 maçons et de 10 menuisiers, est parti après le Têt de 1991. Direction : l’île de Nam Yêt. «Nous avions emporté non seulement des outils mais aussi des pierres, des briques, du ciment, du sable, de l’acier… Notre tâche était de construire un bâtiment de deux étages pour les soldats et un grand monument affirmant la souveraineté du Vietnam sur l’archipel. La construction a duré trois mois. Et on a eu l’occasion de partager avec les soldats d’énormes difficultés, notamment le manque d’eau douce et de légumes. Sans oublier la méteo ingrate : tempêtes, vent, chaleur étouffante…», se souvient Biên.

Nguyên Van Bôn a fait partie d’un groupe en 1992 : «À Truong Sa, chaque personne n’a droit qu’à 10 litres d’eau douce par jour. Les eaux usées sont récupérées pour le gâchage du mortier».

La vie à Truong Sa forge le caractère

Parti en septembre 2011 pour l’île de Nam Yêt, en compagnie d’un groupe de 40 ouvriers de la Compagnie de construction de Saigon, Pham Dinh Bôn raconte avec enthousiasme : «Nous avons eu une traversée difficile à cause de la mousson. Neuf jours de mer au lieu de deux comme à l’accoutumée. À Nam Yêt, nous avons construit le Centre culturel et la statue de Trân Hung Dao (un généralissime héros national du XVe siècle, ndlr). Conscients de la valeur des matériaux apportés du continent, nous avons pris soin de ne rien gaspiller, même une brique ou une poignée de ciment». Pour lui, malgré des conditions de vie spartiates, ces huit mois à Truong Sa ont constitué «une période mémorable, dont on est fier».

Le paysan maçon Nguyên Van Can est fier d’être parti deux fois pour Truong Sa. Début 2011, il s’est rendu sur l’île de Phan Vinh où, durant cinq mois, son groupe a participé à la construction d’estacades. Pour sa deuxième mission, fin 2012, il a été envoyé sur l’île de Sinh Tôn, accompagné de son fils de 20 ans. «La vie à Truong Sa forge le caractère. En six mois seulement, mon fils a grandi, tant physiquement que moralement», explique-t-il.

Avec émotion, il se rappelle des souvenirs inoubliables lors de la Fête du Têt qu’il a passé à Truong Sa : «Comme dans notre village natal, nous avons eu du banh chung (gâteau du Têt), des fleurs de pêcher et d’abricotier (envoyées du continent), un réveillon et aussi des journaux». Selon lui, la vie des insulaires s’est améliorée sensiblement ces derniers temps. Et de citer l’électricité fournie par des équipements solaires et éoliens, des écoles, des hôpitaux, des centres culturels, des terrains de jeu...

Pour les habitants du village de Binh Di, l’archipel de Truong Sa est devenu une adresse familière. Le village compte quatre groupes de bâtisseurs, soit environ 200 hommes, qui se relayent pour des missions de plusieurs mois. «Un job bien payé», selon Nguyên Ngoc Phong, chef du village. À tel point que la physionomie de Binh Di a aussi changé, avec l’apparition de nombreuses maisons à étages.

Nghia Dàn/CVN

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