BCE : Mario Draghi passe le témoin en pleine bataille interne

Mario Draghi, qui préside jeudi 24 octobre sa dernière réunion à la BCE avant de passer le relais à Christine Lagarde, devrait s'expliquer sur sa politique de "l'argent facile" qui a divisé l'institution comme jamais.

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La président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, le 25 juillet à Francfort.
Photo : AFP/VNA/CVN

"L'élément troublant", dans cette cérémonie d'adieu, "est la +guerre des Roses+ en cours" au sein du conseil des gouverneurs de l'institut monétaire, souligne Carsten Brzeski, économiste chez ING.
L'arsenal de mesures dégainé en septembre, intégrant une baisse de taux et une relance controversée des rachats de dette, avait suscité la critique publique des présidents des banques centrales allemande et néerlandaise.
Quelques jours plus tard, Sabine Lautenschläger, membre allemande du directoire de la BCE, avait claqué la porte deux ans avant la fin de son mandat, un signe retentissant de son désaccord avec la politique menée.
Il faut donc s'attendre à "des moments thérapeutiques" pour aplanir les divergences, selon M. Brzeski, mais à aucune décision significative après un tel feu d'artifice : la BCE avait également décidé d'un système de taux négatifs par paliers pour les banques ainsi que d'un nouveau programme de prêts géants pour les établissements financiers.
Lagarde présente
Or, une nouvelle réunion turbulente ne serait pas un cadeau pour la Française Christine Lagarde, qui sera présente jeudi 24 octobre à Francfort en tant qu'auditrice, comme l'a appris l'AFP, avant une cérémonie plus officielle lundi. Dès le 1er novembre, elle sera la première femme à piloter la politique monétaire en zone euro.
L'heure sera donc au bilan et à l'esquisse de perspectives post-Draghi, un exercice toujours guetté de près par les acteurs financiers.

Christine Lagarde et Mario Draghi, le 30 novembre 2012 à Paris.
Photo : AFP/VNA/CVN

En huit années de mandat du banquier italien, la BCE a pris des mesures encore inimaginables lorsque l'euro a été lancé il y a 20 ans, portant à zéro son principal taux et à -0,50% celui appliqué aux dépôts que les banques confient à la banque centrale.
Côté marchés, elle a déversé depuis 2015 2.600 milliards d'euros en rachetant de la dette privée et publique, le fameux "assouplissement quantitatif" ou "QE" censé stimuler la distribution de crédit, donc l'activité économique.
Souvent dépeint en penseur solitaire enclin à imposer ses visions, quitte à brusquer d'autres membres du conseil des gouverneurs, Mario Draghi reste crédité d'avoir sauvé l'euro en pleine crise de la dette en affichant sa détermination à "tout faire" pour préserver l'union monétaire.
Mais sa politique d'argent abondant et pas cher, très favorable aux emprunteurs, reste contestée, en particulier en Allemagne ou aux Pays-Bas.
L'objectif s'éloigne
Ses détracteurs jugent que de telles mesures dissuadent les pays en déficit budgétaire de se réformer, créent des bulles financière et immobilière et lèsent les épargnants en raison des taux d'intérêt très bas.
Le doute grandit par ailleurs sur l'efficacité d'un cocktail aussi énergique sur la zone euro puisqu'après cinq années plutôt favorables et 11 millions d'emplois créés, la croissance décélère fortement, surtout dans l'industrie.
Les risques liés aux tensions commerciales et aux économies émergentes, sans parler du Brexit, n'aident guère la BCE à faire remonter l'inflation au niveau qu'elle vise, proche de 2%.
Et s'il n'a cessé de courir derrière cet objectif depuis 2013, M. Draghi le voit s'éloigner, à en juger par les attentes d'inflation à moyen terme des marchés: très surveillé à la BCE, cet indicateur est tombé à 1,2% mi-octobre, proche de son "plancher historique", rappelle Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires de Allianz GI.
Mme Lagarde devrait, d'après ses premières déclarations, poursuivre le cours généreux de cette politique monétaire en l'adaptant aux circonstances.
Son autre grand chantier devrait être, comme M. Draghi l'a entrepris sans succès, d'exhorter les
États à mener une politique budgétaire "plus favorable" à la croissance, selon Florian Hense, économiste chez Berenberg.

AFP/VNA/CVN

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