Bình Duong : du "Triangle de fer" au "Triangle vert"

Le Village de bambou de Phú An, province de Binh Duong (Sud), un modèle de conservation de la biodiversité associée à la lutte contre la pauvreté,a reçu le prix de l'Équateur 2010, une distinction honorifique du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). L'honneur revient à Diêp Thi My Hanh, professeur à l'École supérieure des sciences naturelles, relevant de l'Université nationale de Hô Chi Minh-Ville.

C'est la première fois que le bambou vietnamien est honoré au niveau mondial. Le prix de l'Équateur a été remis le 22 septembre à New York, lors d'une réunion spéciale de l'Assemblée générale de l'ONU consacrée à la biodiversité, à sa créatrice, la Docteur Diêp Thi My Hanh, en présence du président de la République, Nguyên Minh Triêt.

Le Village de bambou de Phú An, nom abrégé du "Parc de conservation du bambou et de la végétation", situé dans la commune de Phú An, district de Bên Cát, province de Bình Duong, est l'un des 25 villages de par le monde titulaires de ce prix prestigieux offert juste l'Année internationale sur la conservation de la biodiversité. C'est un prix destiné aux meilleures initiatives de conservation des ressources naturelles, mais ayant des influences dans d'autres domaines : diminution de la pauvreté, développement communautaire, égalité des sexes, protection de l'environnement...

Fruit d'une coopération franco-vietnamienne

Inauguré le 7 avril 2010, le Village de bambou de Phú An s'étend sur 10 ha dans une région rurale autrefois surnommé le "Triangle de fer" (à cause d'un sol stérilisé par la guerre), non loin de la ville de Thu Dâu Môt. On y trouve plus de 2.000 touffes de bambous, de 17 espèces différentes, provenant des quatre coins du pays. "Ce parc est le premier +Musée biologique du bambou+ au Vietnam et même en Asie du Sud-Est", confie son directeur Vo Thanh Giàu.

Le Village du bambou de Phú An est le fruit d'un projet de coopération quadripartite : région Rhône-Alpes (France), province de Bình Duong, Parc naturel régional du Pilat (France) et l'École supérieure des sciences naturelles de Hô Chi Minh-Ville. Un projet qui a coûté la bagatelle de 15 milliards de dôngs, dont une grande partie fournie par la région Rhône Alpes. Grâce à quoi, toute une région infertile s'est revêtue de vert, couleur de la vie et de l'espoir...

Un projet de développement durable

L'initiative revient à Diêp Thi My Hanh, une Viêt kiêu de France. Après avoir reçu sa thèse de doctorat en technologie environnementale à l'Université de Paris 12 Val-de-Marne, elle est rentrée en 1975 au Vietnam pour débuter une carrière de chercheur scientifique. En l'an 2000, elle est devenue professeur à l'École supérieure des sciences naturelles de Hô Chi Minh-Ville. Lors de sa visite, en 1999, dans sa terre natale de Bên Cát, province de Bình Duong, la scientifique a eu l'idée de faire revivre ce "Triangle de fer". L'objectif était de créer, sur ce sol ingrat, une bambouseraie au service de la recherche scientifique. Son initiative a reçu un large soutien et s'est développé ensuite avec un triple objectif : préserver les espèces de bambou du Vietnam, former un "poumon vert" pour cette région en pleine industrialisation et aussi améliorer la vie des habitants locaux via des métiers artisanaux autour du bambou.

Afin de bénéficier d'une assistance internationale, My Hanh a élaboré un projet intitulé "Lutte contre la pauvreté sur la base de la conservation des ressources naturelles", qui s'est concrétisé en 2003 grâce à une coopération quadripartie Vietnam-France. Outre un apport financier de 1,5 milliard de dôngs, la province de Bình Duong lui a réservé un terrain de 10 ha. "L'objectif central était de sauvegarder le bambou dans sa diversité ainsi que d'autres plantes menacées de disparition dans le Sud du Vietnam", précise My Hanh.

Image du Village de bambou

Une fois franchi la porte du Village de Bambou, on oublie vite la touffeur estivale. Sur un terrain, dès derrière la porte, se dessine une grande carte du Vietnam couverte des herbes d'espèces différentes, sur laquelle sont indiquées les localités d'origine des différentes variétés de bambou. C'est là le départ du chemin à la découverte de ce labyrinthe végétal de dix hectares. Les bambous s'étendent à perte de vue, mais se différencient en variété d'un coin à l'autre. Sur les touffes perchent de nombreux échassiers. Ici et là, de gros blocs de pierre permettent aux visiteurs de faire une halte à l'ombre et d'écouter les gazouillis des oiseaux.

Il s'agit en effet d'une fantastique collection de bambous qui est arrangée par secteurs géographiques : delta du Mékong, hauts plateaux du Centre, partie orientale du Sud, Nord... Au pied de chaque touffe se trouve un écriteau où sont précisés noms vernaculaire et scientifique, lieu de prélèvement, aire de répartition... Plus l'on s'enfonce dans la verdure, plus l'on est subjugués par le nombre de variétés. Si le secteur de la partie orientale du Sud évoque un paysage de collines, celui du delta du Mékong rappelle un paysage de cours d'eau, agrémenté de petits ponts en bambou, de barques en bambou tressé...

À côté de là trônent de belles constructions, en bambou bien sûr, comprenant une salle de projection de films documentaires et un labo où travaillent des chercheurs et des étudiants.

Une âme dévouée

Le succès du Village de bambou est le fruit de la passion et des efforts de My Hanh. Tous ses temps libres, elle les a consacrés à la collecte et à l'étude des variétés de bambou. Plus d'une fois, elle a demander l'aide d'experts et de collègues, vietnamiens et étrangers, notamment dans l'identification de certaines espèces, à laquelle des spécialistes internationaux tels que le Docteur Soejatmi Dransfield du Jardin botanique royal d'Angleterre, le professeur Lê Công Kiêt de l'École supérieure des sciences naturelles du Vietnam, le professeur Régine Vignes Lebbe de l'Université Jussieu Paris VI... ont apporté bien volontiers leur concours.

Les techniques de culture et d'entretien des bambous sont importantes. Sur une telle vaste étendue, l'arrosage doit être automatique. Et c'est un ingénieur français, Jacques Gurgand, qui s'est vu confier l'élaboration et l'installation d'un réseau d'irrigation moderne.

Pour le moment, My Hanh et ses collègues procèdent à plusieurs projets de recherche, tels que "Utilisation du bambou dans la bonification des sols intoxiqués" (le bambou est capable d'absorber plomb et métaux lourds), "Production de bio composite à partir des fibres de bambou", "Utilisation de la cellulose de bambou pour la production de sacs biodégradables"...

Hormis les recherches scientifiques, My Hanh s'intéresse aussi à la sensibilisation des habitants du coin. Assisté de l'ingénieur française Julie Logel, elle a tenu fréquemment, dans le parc, des rencontres permettant aux paysans de mieux comprendre les utilités multiples de cette plante, intégrée depuis belle lurette dans leur quotidien, son intérêt dans la protection de leur environnement de vie, de leurs champs, dans la lutte contre la pauvreté et le développement du tourisme vert... C'est ainsi que les habitants ont pris part de leur propre chef à la préservation des paysages via la conservation des haies de bambou si typiques de la campagne vietnamienne.

Encore une chose formidable : les enfants de Phú An peuvent communiquer aisément avec les visiteurs francophones, grâce à un cours de français hebdomadaire que donne gratuitement My Hanh. Jusqu'ici, le village de bambou de Phú An a reçu une cinquantaine de groupes de visiteurs étrangers, dont des scientifiques.

Fière d'être titulaire du Prix de l'Équateur 2010, My Hanh nourrit encore une ambition : transformer le Village de bambou de Phú An en un musée biologique d'envergure nationale. Et de rêver que ce modèle inspirera d'autres initiatives du même type, au Vietnam comme à l'étranger. À rappeler en 2009, Diêp Thi My Hanh s'est vu décerner par le gouvernement français l'Ordre des Palmes académiques.

Nghia Ðàn/CVN

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