Aux États-Unis, des films sauvés de l’oubli par des limiers du cinéma muet

Dans un hôtel d’Hollywood, ils sont une centaine à mâchouiller leur crayon ou à froncer les sourcils sous la lueur vacillante d’un grand écran, concentrés sur le moindre détail qui les aiderait à identifier des films muets tombés depuis longtemps dans l’oubli.

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Ces passionnés de cinéma visionnent des extraits de certains des milliers de vieux longs-métrages stockés par la Bibliothèque du Congrès américain.
Photo: AFP/VNA/CVN

Ces passionnés de cinéma visionnent des extraits de certains des milliers de vieux longs-métrages stockés par la Bibliothèque du Congrès américain. Des films soigneusement conservés, bien que personne n’ait la moindre idée de ce qu’ils contiennent. Pour en savoir le plus possible sur ces œuvres peu ou pas connues, l’institution organise chaque année sur son site de Packard, au pied des montagnes de Blue Ridge en Virginie, des ateliers intitulés "Mostly Lost" (perdus pour l’essentiel) réunissant experts et amoureux du cinéma.

"La Bibliothèque du Congrès est profondément attachée à enquêter, identifier, préserver et rendre accessible notre patrimoine cinématographique muet, dont une si grande partie est encore inconnue", affirme Greg Lukow, le chef de la section de conservation nationale audiovisuelle.

Le savoir de toute une vie

Cette fois, la Bibliothèque a pris la route du TCM Film Festival, une célébration de l’âge d’or d’Hollywood qui se tient chaque année dans la Mecque du cinéma américain. Pendant l’atelier, les participants cherchent des informations sur tablette ou smartphone, crient le nom d’acteurs, de lieux, de modèles de voiture ou de toute autre chose qu’ils reconnaissent à l’écran, pendant que le maestro du piano Ben Model accompagne en musique les extraits projetés.

"Ça, c’est le parc Balboa à San Diego!", s’écrie une femme. "Il y a un réservoir à essence exactement comme ça dans l’est de Los Angeles!", s’époumone une autre. Ces inconditionnels du 7e art s’appuient sur un savoir accumulé pendant toute une vie, des connaissances qui ne peuvent pas être trouvées sur une base de données sur internet ou en faisant appel aux participations sur Twitter.

"Quelqu’un reconnaît-il cette machine à écrire?", demande, les yeux pleins d’espoir, une technicienne de la Librairie du Congrès, Rachel Del Gaudio, carnet et stylo à la main pendant que les spectateurs scrutent les images monochromes et granuleuses.

"Certains ont déjà une grande connaissance de l’histoire du cinéma mais ce n’est pas obligatoire. Parfois, les gens ont juste une très bonne mémoire", explique Mme Del Gaudio. Ou un œil de lynx qui leur permet de reconnaître immédiatement des visages. Et même "des fesses", ajoute avec humour Mme Del Gaudio en référence à Steve Massa, devenu une légende de l’atelier depuis qu’il a reconnu, il y a deux ans, un acteur du muet grâce à quelques plans de son derrière dodu.

Trésors cinématographiques retrouvés

Le site de Packard s’étend sur 18 ha à quelque 120 km de Washington. Il abrite

7,5 millions de films, d’émissions télévisées et radiophoniques et d’enregistrements rangés sur presque 150 km de rayons. Un peu plus de la moitié des 763 extraits montrés depuis 2012 a été identifiée, au cours des ateliers ou lors de recherches ayant suivi.

Des bobines de films soigneusement entreposées sur le site de Packard de la Bibliothèque du Congrès américain.
Photo: AFP/VNA/CVN

"Nous en sommes très fiers. Certains de ces films existent ailleurs sous des formes plus complètes, mais pour pas mal d’autres, il s’agit tout simplement de la seule copie existante", affirme Rachel Del Gaudio.

Selon une étude de 2013 de la Bibliothèque du Congrès, les trois-quarts des quelques 11.000 films muets sortis par les grands studios entre 1912 et 1929 sont aujourd’hui perdus. Les longs-métrages, stockés dans des boîtes en métal avant la numérisation, peuvent compter 150.000 plans ou plus, sur de nombreuses bobines dont n’importe laquelle peut devenir inutilisable en raison de la détérioration des nitrates, d’incendies ou d’inondations.

Parmi les bijoux retrouvés grâce à d’autres initiatives de ce type, figurent un dessin animé de 1928 de Walt Disney, une comédie de John Ford de 1927 et L’Ombre blanche, l’une des premières œuvres sur lesquelles ait travaillé Alfred Hitchcock. Un extrait sur l’histoire d’un bébé perdu par son père a récemment été identifié comme étant Toodles, Tom and Trouble (1915).

Les experts ont pu établir sa date de sortie et le lieu du tournage grâce, notamment, aux costumes des acteurs, aux produits dans les vitrines des magasins et au type de réverbères.


AFP/VNA/CVN

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