Autonomie de l’université, les chances de réussite

Lors d’une table ronde consacrée à l’autonomie de l’université organisée récemment par l’Association des scientifiques et experts vietnamiens (AVSE), le correspondant de l’Agence Vietnamienne d’Information (VNA) a interviewé deux professeurs français d’origine vietnamienne sur la tendance de l’autonomie de l’université dans le monde, l’expérience française et l’avenir de l’autonomie de l’université au Vietnam.

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Le premier entretien a été mené avec le professeur Stéphane Ngô Mai, vice-président chargé de la stratégie et du développement de l’Université Nice Sophia Antipolis. Le professeur a entamé la discussion en affirmant que la loi française relative aux libertés et responsabilités des universités (adoptée en 2007), dite «Loi LRU», avait permis aux universités françaises de se doter d’une gouvernance claire, permettant de mettre en place une stratégie globale cohérente au niveau d’un établissement.

L’entrée dans une économie de la connaissance souhaitée par l’Union européenne pour faire face aux grandes mutations engendrées par la numérisation et la globalisation des sociétés nécessitait une telle réforme.

Table ronde consacrée à l’autonomie de l’université, organisée récemment en France.

La France accusait un peu de retard dans ce processus. Les universités françaises ne disposaient pas des moyens d’actions opérationnels en matière notamment de politique de ressources humaines et financières pour pouvoir se positionner dans la concurrence mondiale. La nouvelle loi de 2013 vient compléter le dispositif en faisant émerger 25 grands sites universitaires en France de visibilité mondiale au sein desquels des coordinations stratégiques entre différents acteurs doivent être trouvées pour animer une dynamique territoriale.

Si la mise en place de toutes ces réformes n’est pas terminée et nécessitera des ajustements, l’ensemble de ces dispositifs était nécessaire pour faire jouer pleinement leur rôle aux universités dans la dynamique économique.

Concernant les tendances et les enjeux de l’autonomie des universités dans le monde, le professeur Stéphane Ngô Mai a déclaré qu’«Identifier des organisations cohérentes d’une taille à visibilité régionale voire internationale dotées d’un pilotage sur les moyens permettant un positionnement stratégique constitue la tendance mondiale. Ceci s’explique par le rôle fondamental que les universités vont devoir jouer à l’avenir dans la dynamique économique d’un territoire et d’un pays».

Évolutions de l’autonomie des universités vietnamiennes

Sur les enjeux et les évolutions de l’autonomie des universités vietnamiennes, il a estimé que les expérimentations actuellement en cours au Vietnam en matière d’autonomie de certaines universités sont nécessaires et devraient être étendues une fois un premier bilan effectué.

Historiquement, la culture vietnamienne valorise les études universitaires, c’est un atout important. Il s’agit de valoriser cet atout en dotant les universités des capacités stratégiques nécessaires pour se positionner, voire co-construire leur environnement territorial et régional et pour participer aux réseaux universitaires internationaux.

Il faut penser à donner des bourses et/ou exonérer ces frais pour des étudiants brillants mais démunis.

Quant au professeur Diêp Thê Hung, vice-président en charge du développement international à l'Université de Cergy-Pontoise dans la région Île-de-France, avant d’aborder le sujet de l’autonomie de l’université, il a donné son point de vue sur les missions immédiates et à long terme qui attendent les établissements.

Selon lui, dans un pays et sur n'importe quelle échelle, qu’il soit un individu, une famille ou une organisation..., il y a toujours des problèmes à résoudre simultanément. On ne peut pas attendre de résoudre un problème avant de traiter un autre. Il y a deux catégories extrêmes : des problèmes urgents et des problèmes à plus longs termes.

Les problèmes de longs termes sont souvent des problèmes de transformation de société qui relèvent des visions pour une société future et qui demandent donc beaucoup de changements à tous les niveaux. On peut citer, par exemple, le problème de l'environnement (réchauffement climatique) et le problème de l'énergie de demain. Les problèmes urgents en revanche ont besoin de solutions immédiates qui ne satisfont pas nécessairement des critères de qualité, d'environnement, de vision à long terme.

Mais ne faut-il pas d'abord sauver quelqu'un en train de se noyer avant de lui apprendre à nager ? Gouverner est non seulement régler les problèmes urgents mais anticiper des problèmes futurs.

Des conditions nécessaires

Et d’estimer, quant à la capacité de mettre en œuvre l’autonomie de l’université au Vietnam, que le pays n'est pas encore prêt pour sa mise en place dans les établissements publics, au regard des conditions nécessaires pour réussir une telle opération.

Il s’explique : «La première condition est d'avoir un personnel bien formé, polyvalent, capable de s'adapter aux exigences de l'autonomie. Pour commencer, le corps des professeurs doit comprendre des personnes qui, outre leurs compétences disciplinaires, ont une capacité de management, une vision du développement à court et à long terme de l'établissement, un savoir-faire sur une variété de questions telles qu'autoévaluation, gestion du personnel, des finances, etc. Ces capacités ne viennent pas naturellement. Il faut donc s'assurer que dans chaque établissement, il y a suffisamment de collègues compétents dans ces matières pour une autonomie réussie. Ensuite, les autres catégories de personnel aussi : l'autonomie demande beaucoup d'effort, beaucoup d'adaptation et de formation aux nouvelles compétences».

«La deuxième condition est d'avoir une vision fiable sur la capacité de chaque établissement dans la recherche des financements. Les objectifs de développement dépendent de cette capacité. Sans connaître la réalité au Vietnam, je ne peux apporter mon estimation sur cette question, mais déjà en France, nous avons beaucoup de difficultés sur cet aspect».

L'autonomie financière est une condition nécessaire pour réussir l'autonomie de l'université. Les mesures annoncées par le gouvernement vietnamien vont dans le bon sens : il faut d'abord tester les idées et les méthodes préconisées sur quelques universités avant de les généraliser. Augmenter les frais de scolarité est une des mesures faciles à mettre en place. Il faut bien sûr penser à donner des bourses et/ou exonérer ces frais pour des étudiants brillants mais démunis.

Sur la nécessité de mettre en œuvre l’autonomie de l’université au Vietnam, le professeur Diêp Thê Hung a affirmé qu'il fallait commencer sans tarder à préparer l'autonomie. Cela prendra beaucoup de temps mais en le faisant, on laisse aux personnels de chaque établissement le soin de prendre leur destin en main en fonction de leur capacité d'agir. Pour garantir la réussite, il faut mettre évidemment en place des instances locales capables de décider les actions à mener, de contrôler leur exécution et d'évaluer les résultats. Et de conclure : «Je suis optimiste sur la mise en place de l'autonomie des universités au Vietnam».

Bích Hà/CVN

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