Au revoir les grand-mères : Moscou modernise son métro pour le Mondial -2018

Elles sont un symbole de Moscou, ces «grand-mères du métro» occupant les cabines de surveillance des gigantesques escalators souterrains. Et pourtant, elles vont disparaître, victimes du grand plan de modernisation du métro moscovite lancé en vue du Mondial-2018.

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Le conducteur du métro Mikhail Shtyrkhun prend la pose à la station moscovite de Krasnaya Presnya.

Jusqu’en avril, les petites cabines vitrées au pied des escalators étaient en majorité occupées par des femmes de 50 ans et plus, surnommées «les babouchki du métro», chargées de faire observer les règles de sécurité et de savoir-vivre.

Elles faisaient partie du «folklore de Moscou», relève Alexandre Ribkov, étudiant en philosophie et passager assidu de la ligne «rouge», l’une des plus anciennes, qui traverse la ville.

Depuis l’ouverture des premières lignes en 1935, elles ordonnaient bruyamment au micro de se placer sur la droite des escalators, ne pas s’affaler sur la rampe,

ne pas s’asseoir, ne pas courir, ne pas gêner le passage...

«Les règles sont très nombreuses et je me suis souvent fait rappeler à l’ordre. Parfois, elles me criaient dessus encore plus fort que ma propre mère», confie en riant Alexandre Ribkov.

Cap sur le Mondial

L’annonce de leur remplacement par «des employés mieux formés aux règles de sécurité», selon les termes de la porte-parole du réseau Anastasia Fiodorova, a provoqué la tristesse de nombreux Moscovites. «Je les aimais beaucoup, elles vont me manquer», regrette déjà Alexandre Ribkov.

Alors que se profile déjà la perspective de la Coupe du monde de football 2018 dans la capitale russe, le métro moscovite, fréquenté chaque jour par plus de 9 millions de passagers, est en pleine mue pour accueillir au mieux les nombreux touristes que cet événement drainera.

La rénovation est protéiforme : nouvelles rames dotées de connexions wi-fi et de possibilité de recharger les téléphones portables ; bornes automatiques pour délivrer les billets et paiement par carte de crédit; messages désormais diffusés aussi en anglais (une petite révolution)... Le métro embauche même du personnel anglophone.

Des rames spéciales promeuvent aussi les causes chères à l’État russe : le sauvetage des tigres et des léopards, le cinéma russe - surtout autour de la Seconde Guerre mondiale -, l’art russe...

Dans ce grand chamboulement souterrain, les monumentaux escalators, très souvent représentés dans la culture russe, vont eux aussi bientôt faire peau neuve.

Un mécanicien contrôle une paire de roues de chariot à la station de métro de Krasnaya Presnya à Moscou.

Le métro de Moscou est l’un des plus profonds au monde, après ceux de Kiev et de Saint-Pétersbourg, car la plupart des stations du centre de Moscou ont été construites pour servir d’abri en cas de bombardement.

L’escalator de la station moscovite de Park Pobedy fait ainsi 126 mètres de longueur, un voyage de presque cinq minutes pour ses usagers.

Les yeux rivés aux marches, la main agrippée à la rampe, Ekaterina Arkhipenkova a du mal à lutter contre le vertige qui l’envahit à chaque fois qu’elle emprunte celui de la station de métro Smolenskaïa, à 50 mètres de profondeur. «J’ai toujours eu peur, j’imagine que je vais perdre l’équilibre, que je vais tomber», raconte à l’AFP cette Moscovite de 24 ans, blanche comme un linge.

«Prouesse technique»

Le dernier accident date de 1982 : huit passagers étaient tombés dans un trou de l’escalator et avaient été happés et broyés, selon les autorités.

Sous les pieds des Moscovites, dans les entrailles de l’escalator, l’ingénieur Alexandre Kovaliev s’active pour éviter les accidents. Dans un labyrinthe de tuyaux, le jeune homme surveille, concentré, les trois escaliers mécaniques de la station Smolenskaïa qui défilent dans un bruit assourdissant.

Chaque jour, les trois escaliers mécaniques de cette station transportent plus de 90.000 passagers. «C’est une prouesse technique», souligne M. Kovaliev.

C’est aussi «un lieu de vie», relève l’étudiant Alexandre Ribkov, en soulignant qu’«il y a deux types de passagers : ceux qui descendent à toute vitesse les escalators, mais aussi ceux qui y font plein de choses : lire, penser, bavarder...»

Quand les marches de ces vieux escalators ont parcouru 90.000 km, soit l’équivalent de deux fois la circonférence de la Terre, ils sont révisés. Certains sont en exercice depuis plusieurs décennies, dit l’ingénieur. Le bouton de leur tableau de bord semble ne pas avoir changé depuis la construction de la station en 1952.

Mais il en sera bientôt fini de ces dinosaures soviétiques. Pour «assurer la sécurité des passagers et améliorer le service» en vue du Mondial-2018 -comme le dit Mme Fiodorova-, de plus en plus de stations troquent leurs escalators historiques pour des escaliers mécaniques flambant neufs, illuminés de chaque côté par des loupiotes bleues.

«On ne peut pas réparer les plus anciens : il faut les remplacer entièrement car l’usine qui fabriquait leurs marches a été fermée», explique Alexandre Kovaliev. «Ce n’est pas facile d’installer un nouvel escalier mécanique : la salle des moteurs doit être entièrement modifiée et la sortie du métro peut être bloquée pendant plusieurs mois», rappelle l’ingénieur.


AFP/VNA/CVN

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